Mais oui, Thibaud de la Hosseraye existe !

Brève histoire d’un chevènementophile égaré chez les ouistes
mercredi 18 mai 2005.
 

Miracle d’Internet, j’ai parlé à Thibaud de la Hosseraye. C’était au téléphone (désolé, on prépare l’émission le mercredi, et je n’ai pas pu aller le rencontrer). Donc, mes soupçons étaient infondés. Thibaud n’est pas un canular. Vous avez bien fait de me sommer de revenir aux fondamentaux du journalisme, et de sortir de la virtualité du bloggeur. Il répond à ses mails, et raconte, en bafouillant un peu et cherchant ses mots, l’histoire plausible d’un jeune homme idéaliste, qui a démissionné de son emploi de responsable de département à la FNAC de Cergy (Val d’Oise) pour "chercher de manière assez libre sa place dans la vie active", et termine actuellement un doctorat de philo.

A l’automne dernier, "par des amis d’amis dont je ne souhaite pas donner les noms pour ne pas les impliquer là-dedans", il commence à militer au cercle "Dialogue et initiative", de Jean-Pierre Raffarin. Des réunions hebdomadaires, rassemblant une quinzaine de personnes, se tiennent dans un grand bureau d’une annexe de l’Hotel Matignon, rue de Varenne à Paris. Elles sont animées par un membre du cabinet de Raffarin, Jean-Pascal Picy, et un administrateur du Sénat, Matthieu Meissonnier. Pour le reste, Thibaud ne se souvient pas nettement de l’identité des autres participants, "assistants parlementaires, avocats, étudiants préparant l’ENA, ce type de profils".

Mais très vite Thibaud est déçu. Il s’attendait à discuter du fond du TCE, et l’activité se borne à "faire des synthèses des argumentaires qui nous étaient envoyés par des ténors du Oui, comme Jean-François Copé". On prépare aussi d’autres argumentaires à mettre en ligne sur le site des "Amis du oui". Thibaud a le sentiment très net que les animateurs de "Dialogue et initiative" défendent le oui, mais sans grande conviction. Ils auraient aussi bien pu, lui semble-t-il, défendre le non. "En philosophe scrupuleux, cela m’a amené à soupçonner la sincérité du texte lui-même. Je me dis qu’on a cherché à noyer un poisson, et à faire un écran de fumée pour constitutionnaliser en douce une pratique économique, celle du libéralisme". Lui dont l’homme politique vivant favori est Jean-Pierre Chevènement (ce qui curieusement ne l’a pas empêché de s’engager dans un mouvement pour le oui, mais "j’étais touché par la sincérité de Jean-Pierre Raffarin"), craint pour l’indépendance de la politique extérieure française si le TCE entrait en vigueur, mais "n’ose pas" faire part de ces craintes lors de ses réunions hebdomadaires. Cercle vicieux : il regrette qu’on ne débatte pas suffisamment du fond, mais moins on débat, et moins lui-même tente d’inciter au débat.

Après s’être progressivement démotivé, il finit par se retirer début mai des réunions hebdomadaires, et crée un site pour y déposer son témoignage au bazooka contre "Dialogue et initiative". Pour se justifier, il cite rien moins que Hannah Arendt, le procès Eichmann, et l’impérieuse obligation pour chacun, à sa place, de se mettre en accord avec ses convictions. Depuis la mise en ligne de son texte le 15 Mai, son recruteur anonyme l’a supplié de le retirer. Il a tenu bon. Ni Picy ni Meissonnier ne l’ont appelé. Mercredi à la mi-journée, il avait reçu 250 mails de réaction. Il admet ne pas pouvoir répondre à tous.

Au total, qu’en pensé-je ? Je pense que Thibaud existe. La chargée de communication de "Dialogue et initiative" me l’a confirmé, en précisant bien qu’il n’était pas adhérent encarté du club, mais simple "auditeur libre" des réunions. C’est un premier point. Et que son texte, peut-être promis dans la semaine de campagne qui reste à une cyber-carrière aussi fulgurante que celle de Etienne Chouard, est le témoignage d’un admirateur de Chevènement égaré, on ne sait pourquoi, chez les ouistes. En l’état actuel de mes informations issues d’une enquête-express, je ne puis rien en penser de plus.


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