Non, mais je vais vraiment finir par me prendre pour Dan Brown, moi.
Je ne pensais pas lever un tel lièvre, avec cette histoire des douze étoiles du drapeau. Et quand je pense que c’est la Croix qui a craché le morceau !
Vous avez lu la réponse de Peggy, dans l’étape précédente ? Donc, le drapeau serait le fruit d’une conspiration catholique strasbourgeoise, Dieu en contrebande et Madone subliminale, genre chrétiens des catacombes téléportés dans les années 50, avec rencontre fortuite devant le Carmel de Lisieux. Et le bleu du drapeau serait le bleu marial. Et la date du 8 décembre n’aurait pas été choisie au hasard.
Pourquoi pas ? Il est vrai que Google livre généreusement confidences, anecdotes ou détails sur Arsène Heitz. Par exemple ici. Ou encore là, pour quelques détails supplémentaires transmis par le père Caillon, apparemment sur son lit de mort de l’hopital de Cluny. Quelle histoire ! "Une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de 12 étoiles." Et tout celà issu de la contemplation d’une médaille dans une chapelle de la rue du Bac ! Savaient-ils tout celà, les randonneurs de la Croix ?
Mais alors pourquoi une entreprise autogérée, libre, certainement hors d’atteinte de la censure du Vatican, comme Wikipedia, fait-elle semblant d’ignorer la chose ? Ils n’ont pas lu Dieu.com ? Ils n’ont jamais entendu parler d’Arsène Heitz ? Incrédule, je lis et relis l’article de Wikipedia. "Le chiffre douze : dans différentes traditions, douze est un chiffre symbolique représentant la complétude et la perfection. Les douze mois, les douze signes du zodiaque, les douze heures du jour et de la nuit, ce qui signifie que l’Europe se situe dans le temps et évolue. Le bleu : la couleur bleue représente le ciel du monde occidental."
Quand je vois avec quelle rapidité, sur Internet, on se fait rectifier l’érudition dans l’heure qui suit parce qu’on s’est trompé de dix ans sur une chanson de Pierre Bachelet (hum, j’ai l’air malin, tout de même), personne n’a fait un mail au rédacteur de Wikipedia pour lui dire, eh, ton histoire de complétude et de perfection, de peuples d’Europe, de signes du Zodiaque, ce n’est pas du tout ça ! En fait, c’est une couronne de 12 étoiles sur la tête d’une femme revêtue du soleil ! Ca a même été avoué par la veuve d’Arsène Heitz ?
A moins que...
A moins que le rédacteur de Wikipedia fasse partie du grand complot vaticanesque pour que les peuples d’Europe ignorent la signification du drapeau.
D’ailleurs puisque nous sommes sur ces questions d’influence religieuse (on reviendra aux services publics plus tard. Je n’oublie pas les services publics) je vous signale un excellent article de Cuverville, sur les dangers que fait peser le Traité sur la laïcité.
Cuverville s’est penché sur le II-70 : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».
"Ces mots, explique Cuverville, semblent légitimer des comportements ayant peu de chose à voir avec la République indivisible et laïque. Le sujet est particulièrement sensible, en ces temps de stigmatisation des signes ostentatoires portés par les épouses et filles des terroristes islamistes."
Mais selon les ouistes cités par Cuverville, ce ne serait pas inquiétant. "D’abord, disent-ils, l’article II-70 ne sort pas du chapeau. On retrouve la formulation du premier alinéa dans (...) la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Pourquoi se référer surtout à la CEDH ? Parce qu’elle a été adoptée par le Conseil de l’Europe, et que pour avoir une chance d’intégrer l’Union, il faut l’avoir ratifiée."
Mais c’est là où le nonien Cuverville réserve un coup de Jarnac aux ouistes : "Prenons-les au mot et lisons précisément son article 9, celui qui a servi de modèle au II-70 de la Constitution européenne : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Revoilà le deuxième alinéa. Le désormais fameux système du deuxième alinéa qui contredit le premier, système qui semble avoir poussé comme du chiendent dans les articles de la constitution.
Sauf que là, les conventionnels, justement, ont oublié le deuxième alinéa.
"Le deuxième alinéa est essentiel, observe Cuverville. Son but est de cadrer le premier, de restreindre son champ d’application conformément au Droit national. Mais Giscard l’a oublié en route quand il a fait son copier-coller. Ce qui change considérablement la donne. Il y a donc de quoi s’inquiéter."
Eh bien vous savez quoi ? Les ouistes, cités par le nonien Cuverville, ont une réponse à celà aussi. D’ailleurs, on dirait qu’ils ont réponse à tout. D’aileurs, dans ce débat à tiroirs, j’ai l’impression que tout le monde a toujours réponse à tout. Je ne la reproduis pas. Je vous laisse aller la lire sur le site de Cuverville.
Je commence à entrevoir une chose : ça va barder, devant la Cour européenne de Luxembourg. Inutile d’ajouter qu’à la sortie de la controverse, je n’ai personnellement pas compris si dans l’Europe des ouistes, le port du voile, autorisé ou pas.
Pendant ce temps, en surface, au 13 Heures de France 2, Olivier Duhamel (ça va bien, Olivier ? Vous revenez nous voir un jour ? Si je vous appelle Olivier, ne vous formalisez pas, c’est pour montrer à Ivanov que je ne suis pas plus familier avec les noniens qu’avec les ouistes. Ma femme me dit : "avec ton ironie à deux balles, tu as fait fuir Olivier Duhamel." Dîtes-moi que ce n’est pas vrai, Olivier !) était opposé à Philippe de Villiers. Moment de télé exceptionnel : on a failli évoquer un article de la constitution. De Villiers : "la directive Bolkestein, elle est dans l’article 144" Duhamel : "mais non". De Villiers : "je peux vous lire". Duhamel : "vous nous distrairez après avec vos trucs, mais laissez-nous terminer sur le troisième point".
Vos trucs ! Olivier, ces articles, ce sont les vôtres !
Mais de toutes manières, je crois que vous avez eu raison de refuser d’évacuer cette question en douze secondes devant Benoit Duquesne.
J’ai fait une petite recherche. Bolkestein et le III-144, on approche du noeud du problème. On y reviendra.
Allez, un petit coup de boules chinoises, pour terminer. Aujourd’hui, le II-84 : "Les enfants ont le droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être".
Mais je sens que je vais encore me faire engueuler par Burt Allibert. Burt (je peux vous appeler Burt ?) va me dire : "faites un test. Imaginez-vous lisant cet article devant des enfants qui fabriquent des chaussures de sport en Birmanie pour un dollar par semaine".
D’accord Burt, je capitule. J’ai parfois comme des envies de retraite au Carmel de Lisieux. Mais je crois qu’ils n’acceptent pas les garçons.
Juste un mot (à priori) apolitique sur la symbolique cachée là où on ne l’attend pas... On sait depuis longtemps que l’histoire du Rock, par exemple, recèle de nombreux textes aux allusions poussés sur des thèmes sulfureux : drogues en tous genres, satanisme, encouragements à la subversion et aux émeutes , aux relations interraciales ce qui n’a pas toujours été de soi... et puis évidemment la violence, la dépression, les tendances suicidaires, sans compter l’omniprésente débauche sexuelle. J’écris ceci en pensant en particulier à un article ravageur et très documenté du R.P. Bruckberger (un canadien, mais ça n’est pas une excuse) sur le cultissime texte de Stairway To Heaven qui, affirmait l’homme d’église avec force arguments, n’était rien moins que la description d’un culte satanique d’influence celtique... tremblez, mortels, quand Robert Plant miaule "When I look to the West"... Osons le dire : le sens caché d’un symbole, ça n’a rien de nouveau, et ça continue (un ton en-dessous) dans les niveaux "adultes" de nombreux films, feuilletons ou dessins animés d’animation... Les symboles subversifs abondent dans la culture populaire de masse, beaucoup plus nombreux que les signes assez patauds d’une réaction bourgeoise catho qui n’a jamais fait preuve de beaucoup d’imagination... Quelques exemples : * Combien y a-t-il de scènes explicitement lesbiennes, ou mettant en scène des têtes de séries connues de la communauté lesbienne US rien que dans la 4e saison d’Ally Mc Beal ? * Quelle est l’orientation sexuelle de ce pauvre Charmant (Prince) dans Shrek 2 ? Un indice : il est doublé par Rupert Everett en VO. * Combien d’allusions à des substances explicitement hallucinogènes dans Fourmiz ? Robots ?
Mais évidemment, les théories du complot, ça a toujours fait vendre, ou du moins c’est ce qu’on suppose apparemment avant une bonne campagne médiatique... Par exemple, en ce qui concerne le sempiternel Da Vinci Code, je suis surpris de n’entendre ou lire personne qui remarque que le Secret des Templiers qu’on se refile de siècle en siècle constituait déjà le sujet du Pendule de Foucault d’Umberto Eco, que l’idée du secret planqué dans une oeuvre d’art est pompée au Tableau du Maître Flamand de Perez-Reverte, grand admirateur d’Eco, et que si on rapproche l’idée d’un complot millénaire contre les femmes avec le fait parfaitement connu que 75 % des lecteurs de romans dans le monde sont des lectrices, on se rend compte qu’il y a là avant tout un bon ciblage de créneau.
Sans que tout ceci change le destin du monde, et encore moins les mentalités.
Kris
Le Wikipédia parle aussi de la Constitution européenne et essaie d’en retranscrire le débat. Ce qui ne se passe pas sans mal.
Autre lien interressant, celui sur les prises de position en France et ailleurs
Ne vous inquiétez pas, Daniel, je ne vais pas aller jusqu’à vous suggérer de lire l’article III-121 du projet de constitution devant un canari en cage !
Au risque de parraitre inutilement provocateur, je voudrais essayer de m’interroger sur les racines de ce qui provoquent votre interrogation bloguienne de ce jour.
Vous vous demandez, pour résumer (je résume sans doute trop), si le projet de constitution, s’il était adopté, serait compatible avec la loi française sur l’interdiction des signes ostentatoires de religions à l’Ecole.
Mais au fonds, pourquoi vous demandez-vous ceci ? Est-ce à titre purement intellectuel, comme vous vous demanderiez si votre nouveau costume irait avec votre ancienne cravate ? Ou n’est-ce pas plutôt dans l’objectif de faire de cette compatibilité ou absence de compatibilité un des éléments de choix en faveur ou en défaveur du traité ? Si le traité est compatible avec cette loi française et la vision de la question de la laïcité qu’elle présupose, alors c’est un bon point en sa faveur, sinon, c’est un mauvais point pour lui.
Je crains que cela ne dénote un mode de pensée assez typiquement français, et qui est d’ailleurs justement une des sources d’incompréhensions fondamentales entre la France et ses amis européens actuellement : plutôt que de chercher à savoir si les progres de la construction européenne serait bons ou mauvais pour eux, les français cherchent à savoir si ils leur permettraient de faire prévaloir leur point de vue.
Mais sommes-nous vraiment sûr que notre interprétation de la liberté de religion dans cette histoire de voile est la seule possible ? Que c’est la seule bonne ? Qu’aucune autre ne saurait être admissible pour un être doué de raison ?
Si oui, alors craindre que la constitution ne nous impose autre chose, c’est penser tout simplement que les autres sont plus bêtes que nous puisqu’ils n’ont pas compris où était la seule vérité.
Si non, alors pourquoi ne pas admettre que d’autres pourraient avoir une autre idée, peut-être meilleure ? Qui sait si nos partenaires n’auraient pas une distance de vue supérieure à la notre qui pourrait nous être bien utile ? Finalement, dans le passé, il n’a pas été rare que certains pays européens précèdent la France en matière de droits de l’homme. Et puis peut-être d’ailleurs que la communauté, dans son ensemble, parviendrait à la même conclusion que nous. Si tel est le cas, notre position ne serait-elle pas beaucoup plus brillament renforcée que si nous disions non juste parce que nous avons peur qu’on nous contredise ?
Oui, enfin bon, on s’éloigne un peu du sujet avec cette histoire de drapeau, non ? Pour moi, on pourrait bien avoir un drapeau avec tintin et milou dessus, du moment que c’est le Parlement qui a le pouvoir législatif réel, et non un aéropage d’experts "indépendants" dont le mode de désignation n’est même pas défini (art. I-26, § 2 et 4).
PS : si vous allez tous les matins sur Rezo.net, avez-vous vu ceci : http://www.arteradio.com/son.html?13064
Je ne vois pas en quoi le mode de désignation de la Commission est source de soucis. Nous avons bien un gouvernement non élu mais désigné, qui soumet au Parlement des propositions de lois.
Non ?
Il y a une différence fondamentale entre la manière dont est nommé le gouvernement français et la commission européenne.
Le gouvernement français est nommé par le président d’après le résultat des élections législatives et est plus ou moins représentative d’un parti ou d’une coalition qui a obtenu la majorité lors d’un scrutin.
La commission est nommée en fonction de compromis byzantins entre les gouvernements des états de l’union, qui n’ont pas forcément la même couleur politique, sans parler des divergences dues aux intérêts nationaux. La commission est donc composée de personnalités d’obédiences diverses et leur représentatitivité est au mieux très discutable.
Et le fait de recycler les battus du suffrage universel dans leur propre pays (coucou José Manuel), ça aide pas.
Pour ce que ça vaut, à la question « La Charte des droits fondamentaux est-elle contraire au principe de laïcité de la Constitution française ? », un site (ouiste, visiblement) explicatif de la Consitution Européenne donne la réponse lapidaire suivante : Non.
J’exagère un peu, car une explication suit :
Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004, l’article II-70 de la Charte des droits fondamentaux, qui garantit le droit de “manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites”, a le même sens et la même portée que celui garanti par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, ratifiée et appliquée par la France depuis 1974.
Or la Cour européenne des droits de l’homme applique cet article en respectant la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre et laisse aux Etats une marge d’appréciation qui leur permet de concilier liberté religieuse et principe de laïcité.
Et, pour finir, l’exemple qui tue :
Ainsi a-t-elle a reconnu de façon répétée qu’un Etat pouvait interdire le port du voile à l’école ou à l’université au nom de la laïcité (en 1993 et en 2004 pour la Turquie, en 2001 pour la Suisse)
Alors, bon, je ne voudrais pas m’inquiéter pour si peu, mais pourquoi est-ce que les seules illustrations probantes concernent des pays qui ne sont pas dans l’Union Européenne ?
Ceci dit, j’ai confiance. Et je ne m’étonnerai donc pas de la facilité avec laquelle le double sens et la fine allusion sont usités.
Bref.
Je suis d’accord sur Wikipedia, l’encyclopédie libre fonctionnant comme l’élaboration d’un logiciel libre. (OK, j’arrete de parler d’informatique).
Pour le drapeau européen, je pense qu’il est nécessaire de l’interpréter comme on veut pour l’instant, meme si je suis d’accord avec la double ’interprétation religieuse et symbole des 12 fondateurs de l’Europe actuelle. Bien sûr sans imposer une interprétation.
Pourquoi ? Pour ne pas envenimer la polémique actuelle sur le sujet. Actuellement, une discution sur l’Europe tourne à la foire d’empoigne dans mon entourage.
J’ai mes idées sur le sujet et pour l’instant, mais c’est moi qui choque le plus. Donc je dirais plus rien dessus.