Réponse au texte d’Étienne Chouard
sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe

par Bastien François

Professeur de science politique et de droit constitutionnel à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne),
auteur de Pour comprendre la Constitution européenne (Odile Jacob)

 

Le débat engagé sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) est légitime : il est nécessaire d’échanger arguments et contre-arguments pour le « oui » ou pour le « non », et cela peut-être plus encore pour les citoyens de gauche (dont je suis, sans être membre d’aucun parti) dans la mesure où le TCE est accusé de bafouer les valeurs de la gauche  en faisant le lit de l’ultra-libéralisme.

À ce titre, tout le monde a le droit de s’exprimer, y compris bien entendu M. Chouard, professeur au lycée Marcel Pagnol de Marseille, et de faire valoir ses arguments. Le texte de M. Chouard a circulé partout en France dans les boîtes aux lettres électronique de nos concitoyens. Malheureusement, alors que M. Chouard commence son texte en revendiquant son identité de professeur de droit (qui s’est avérée usurpée…), son argumentation véhicule de nombreuses erreurs juridiques et de grossières incompréhensions du fonctionnement de l’Union européenne. Son texte  contribue donc à fausser le débat démocratique sur la Constitution européenne.

 


J’ai donc pensé qu’il était essentiel d’en informer tous les citoyens, qu’ils soient partisans du « oui » ou du « non », pour qu’ils ne soient pas trompés par des arguments mensongers.

 

Afin de mieux être compris, je présente ici d’abord un résumé de des erreurs ou des approximations d’Etienne Chouard, puis une analyse plus approfondie sur les 5 points qui sont au cœur de sa démonstration. Merci de prendre le temps de me lire, et de faire circuler ce texte le plus largement possible, pour rétablir les bases d’un débat... non faussé.

Réponses d’Étienne CHOUARD                                           Trets, 17 mai 2005.
à Monsieur Bastien François.
                            Imprimer ce texte (fichier pdf).


Pardon d’avoir été si long à répondre, je croule sous les messages de sympathie.
J’ai aussi pris le temps de lire (rapidement, pardon) le livre de Monsieur Bastien François (sans y trouver de réponse à mes interrogations).

Remarque : la plupart des réponses aux arguments de Monsieur François qui parle de la toute première version de mon texte (celle du 25 mars) sont depuis longtemps dans les versions récentes de ce texte, qui tient compte, autant que faire se peut, des critiques reçues.

 

Autre remarque :  j’ai reçu récemment, et publié sur mon site, une autre réponse au texte de M. Bastien François, écrite par Jean-Jacques Chavigné.  Bâtie d’une autre façon que la mienne, complémentaire de mes propres arguments, elle aussi est une forte argumentation.

 

Comme d’habitude, faites passer de préférence un lien vers ce texte, plutôt que le texte lui-même, pour lui permettre de se parfaire avec le temps : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Echanges.htm

 

 

 

Je n’ai rien usurpé du tout : il y a des professeurs de droit ailleurs qu’à l’Université, par exemple dans presque tous les lycées de France.

Tout le monde peut se tromper, dans les lycées comme à l’Université…   :o)
Ça n’est pas grave : il faut simplement le reconnaître, et progresser sereinement, je l’enseigne tous les jours à mes élèves. Mon expérience actuelle en est un bel exemple.

Je n’ai pas l’impression de fausser le débat : le fleuve d’enthousiasme qui inonde ma boîte aux lettres, y compris de la part d’universitaires et de chercheurs renommés, montre plutôt le contraire.

 

"trompés" "mensongers"… avec un tel registre de langage, je n’ai pas très envie de répondre… mais bon…

 

 

 

 

Hum…

 

 


Résumé :

1. « Longueur du texte » : Le traité tient en 28 pages format journal. Avec les annexes et les protocoles, c’est plus long, mais c’est parce que le texte fait la synthèse des 50 ans de construction européenne.

 

Si l’on ne prend que ce qu’il y a de nouveau dans le TCE par rapport aux traités existants (qui sont compilés dans la partie 3), il n’y a que quelques pages à lire (les parties 1, 2 et 4 représentent moins d’1/5 du volume).

En écrivant plus petit, et sur des pages plus grandes, on pourrait encore diminuer le nombre de pages, mais cela ne rendrait pas le texte plus lisible.

Je travaille sur ce texte depuis des milliers d’heures et je trouve encore chaque jour des chausse-trapes inacceptables… Ce texte est illisible pour le commun des mortels.

Voudriez-vous nous faire croire que la partie III n’a pas de valeur obligatoire ? Affirmez-vous que cette partie ne mérite pas de recevoir l’assentiment des peuples ? Trouvez-vous normal qu’une coalition politique libérale profite de sa force temporaire pour rendre éternelle sa politique par le jeu d’une partie III de « Constitution » ? Trouvez-vous démocratique que cette coalition temporaire prive ainsi le peuple de décider à la majorité de la politique qu’il estime bonne pour lui ?

À mon sens, un prof de droit doit expliquer qu’une Constitution ne sert pas à confisquer l’alternance politique.   En tout cas, mes propres profs, à la fac, m’ont appris ça :o)

2. « Références libérales » : VRAI,

mais le texte codifie dans le même temps de très nombreuses contraintes sociales et environnementales qui s’imposent dorénavant au niveau européen, contraintes qui n’étaient pas présentes dans les précédents traités (notamment les articles I-3, II-80 à II-97, III-116 à III-122, III-203 à III-224, III-233 et III-234).

 

 

 

Est-ce que c’est une réponse de dire VRAI à l’inacceptable (l’arrogante constitutionnalisation du néolibéralisme) et d’enchaîner sur d’autres sujets ?

Je n’ai, pour ma part, lu aucune contrainte sociale et environnementale réelle dans le TCE. J’ai même vu tout le contraire.
J’ai vu par contre partout le néolibéralisme érigé en valeur, en système. On peut détailler.

Je lis dans l’article 3 des grands principes (évidemment consensuels) qui ne trouveront leur application qu’à travers les décisions des juges de la CJE.

Or j’observe que ces juges sont directement dépendants pour leur carrière des exécutifs qu’ils seront amenés à juger (art. I-29) : chaque État nomme un juge, pour 6 ans seulement, renouvelables.

En tant qu’"authentique professeur de droit" (non usurpé, je veux dire), je suis sûr que vous accordez une importance toute particulière à l’indépendance des juges. J’ai acheté et lu votre livre sans y trouver votre avis sur ce point, pourtant absolument central dans les institutions européennes, à mon avis.

Je suis sûr que vous aurez à cœur de nous expliquer pour quelles raisons les citoyens devraient accepter un tel risque antidémocratique, autant pour l’interprétation de tous les textes que pour l’arbitrage de tous les litiges importants.

3. « Révision nécessitant l’unanimité » : VRAI,

MAIS c'est la situation de tous les traités européens existants.  Même s'ils ne s'appellent pas « Constitution », ils partagent avec le projet en cours le fait de n'être révisables que par ratification unanime et le fait d'être juridiquement supérieurs à la loi nationale.

Cependant, le TCE sera plus facile à réviser que les traités de Nice et Maastricht, et en particulier pour la partie III grâce à une procédure de révision simplifiée et des clauses passerelles (art. IV-444 et IV-445). Surtout, le Parlement européen aura le droit d’initiative pour demander une révision.

 

Le droit pour les peuples de modifier à la majorité leur Constitution (respecté dans toutes les démocraties) est-il moins important que la nature du texte ("traité" ou pas) ? 

Qu’est-ce qui compte le plus pour un professeur de droit : la protection des individus ou celle des États ?

Je suis sûr qu’il n’a pas échappé à Monsieur François que les peuples sont tenus à l’écart (pas d’approbation directe) des procédures de révision simplifiée, ce qui fait de ce TCE une "Constitution à géométrie variable" dont les peuples signataires doivent accepter l’idée que leur engagement d’aujourd’hui pourra changer demain sans leur consentement direct

Je ne comprends pas en fonction de quel fondement juridique je devrais être prêt à signer un tel chèque en blanc.

N’est ce pas une erreur juridique d’accepter la possibilité d’une modification des engagements d’un pacte sans l’accord explicite des toutes les parties ?

Je ne veux pas qu’on revienne, sans mon consentement de citoyen, sur le concept de peuple souverain, gagné de haute lutte par mes aïeux. Ce concept est partout bafoué dans les institutions européennes où le peuple ne compte pour pas grand-chose.

4. « Caractère temporaire du Traité de Nice » : FAUX.
Son article 11 stipule qu'il est établi pour une durée indéterminée.

(Ce sont aussi les mêmes dispositions qu’on retrouve dans l’article IV-446 du TCE et dans les traités précédents : l’article 51 du traité sur l’Union Européenne et l’article 312 du traité instituant la Communauté européenne.)

 



De nombreux hommes politiques (de tous bords) commettaient cette erreur, et je l’ai commise à mon tour dans mon texte en omettant de vérifier ce point. Ce n’est pas grave du tout.


Erreur de détail corrigée deux jours après la publication (27 mars).

 

5. « Entrée de la Turquie facilitée et décidée par l’Union »: FAUX. Les compétences de l'Union sont très précisément définies (I-11 à I-18) : l'entrée de tout nouveau membre est soumise à ratification de chaque État membre, selon ses règles constitutionnelles propres (I-58-2). La France a révisé sa constitution pour que toute nouvelle adhésion ne puisse être validée que par référendum, ce qui nous garantit un vote avant cette adhésion.

 

 

 

Erreur de ma part, corrigée le lendemain de la publication du premier document (le 26 mars). Encore un point de détail, par rapport à la gravité de tout le reste.

 

 

 

6. « Tous les pouvoirs appartiennent au Conseil des ministres et à la Commission » : FAUX. La Commission n’a qu’un pouvoir de proposition. Elle doit exécuter les décisions prises par le Conseil des ministres et le Parlement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans l’Union européenne, union des citoyens et des États, le pouvoir législatif a deux branches. Les citoyens sont représentés au Parlement, c’est l’une des branches du pouvoir législatif. Le Conseil des ministres représente, lui, les États membres de l’Union, c’est l’autre branche du pouvoir législatif.

 

 

 

Il est difficile de comprendre le système mis en place car le texte du TCE ne dit pas tout.

Précisément, je n’ai pas dit du tout que la Commission avait tous les pouvoirs. J’ai justement mis ensemble Conseil et Commission parce que, souvent, la Commission semble être le seul "contre-pouvoir" d’un Conseil des ministres qui légifère seul (procédures législatives spéciales et actes non législatifs). Vous apportez donc de l’eau à mon moulin, je vous remercie ;o)

Le fait que la Commission n’ait pas de pouvoir réel met en valeur ce qui est devenu mon principal reproche aujourd’hui : aucun organe de l’Union n’est réellement responsable de ses actes, aucun ne peut être révoqué… sauf la Commission qui peut être censurée.  Or, vous reconnaissez vous-même qu’elle n’a précisément qu’un pouvoir de proposition, donc pas de pouvoir réel.  

À quoi sert donc de sanctionner ceux qui n’ont pas le pouvoir réel ?   
CQFD : personne d’important dans l’UE n’est responsable de ses décisions politiques.

 

Présenter le Conseil des Ministres comme un organe législatif me paraît fortement antidémocratique car cette situation est un exemple académique de confusion des pouvoirs : les mêmes hommes qui font le droit au niveau européen vont appliquer eux-mêmes ce droit (automatiquement transposé) au niveau national.  La comparaison avec le Sénat français n’est évidemment pas acceptable : le Sénat est élu et n’a pas de pouvoir exécutif. Et si le Sénat français n’est pas exposé à la dissolution, c’est parce qu’il n’a que peu de pouvoir (c’est l’Assemblée nationale qui prévaut en cas de désaccord).

Donc, il n’y a rien de commun entre le Sénat français et le CM européen, et on peut déplorer une inquiétante confusion. Il me semble donc que la "grossière erreur juridique" peut changer de camp ;o)

 

Les pouvoirs du Parlement européen ont été considérablement augmentés par le TCE, qui sera dorénavant sur un pied d’égalité avec le Conseil des ministres (procédure législative ordinaire III-396).

 

Un Parlement qui n’a pas l’initiative des lois, qui est carrément exclu de certains domaines au profit d’un collège de représentants des exécutifs nationaux (sans liste explicite de ces domaines), un pouvoir amputé sur le budget sans voter les recettes… On comprend que vous insistiez sur la valeur relative (par rapport à un antécédent encore plus calamiteux) plutôt que sur l’absolu (qui reste inacceptable).

Au risque de paraître vieux jeu, en tant que citoyen, je tiens à la séparation des pouvoirs et au rôle exclusif du Parlement dans l’élaboration des lois auxquelles je vais devoir bientôt obéir.

Et au moment de donner ma caution populaire, pour la première fois depuis 13 ans, je tiens à signaler que l’organisation qu’on a bâtie sans moi n’est pas assez respectueuse du "peuple souverain" auquel, naïvement, je croyais mes représentants plus attachés.

7. « Les Commissaires européens ne sont pas responsables devant le Parlement » : FAUX, les membres de la Commission (le « gouvernement européen ») sont proposés par le Conseil des ministres et investis par le Parlement européen (comme le président de la Commission, proposé lui par le Conseil européen) ; ils sont responsables à tout moment devant le Parlement qui peut voter une motion de censure contre la Commission.

 

 

Je ne crois pas avoir écrit cette phrase, il est donc facile de dire "FAUX".

J’ai écrit que le Parlement n’a aucun moyen sérieux de contrôler et d’infléchir la politique menée par l’exécutif (je considère évidemment le Conseil des Ministres comme un organe exécutif même si on voudrait me faire croire qu’il est un organe législatif, c’est-à-dire me faire prendre des vessies pour des lanternes), et je reste aujourd’hui sur cette impression forte.

Au fait, selon les articles 26 et III-340, la censure concerne « la gestion de la Commission ». Ce qui signifie que le Parlement ne peut pas censurer la Commission pour la politique qu’elle mène, mais seulement pour sa gestion (comme la Commission Santer qui avait été menacée de censure pour des malversations). De plus, pourquoi cette censure est-elle donc aux 2/3 et pas à la majorité simple ?

Est-ce démocratique ?  Donne-t-on ici son juste poids à la volonté des représentants directs du peuple ?

J’ai aussi écrit que les commissaires n’ont pas de comptes à rendre au Parlement, et je fais ici référence, par exemple, au mépris opposé aux parlementaires (qui a réellement été constaté) quand ils ont osé demander à consulter les documents relatifs aux négociations sur l’AGCS (Accord sur le commerce des services, voir le livre de Raoul Marc Jennar, p. 70 et s.).

8. « Le conseil des ministres n’est pas responsable devant le Parlement » : VRAI, mais NORMAL.

Le Conseil des ministres n'est pas responsable devant le Parlement, car c'est la 2ème chambre législative. Imagine-t-on, en France, le Sénat responsable devant l’Assemblée nationale ?

En revanche, chaque gouvernement national est responsable devant son Parlement national et donc devant ses propres électeurs.

 

De plus, les délibérations et votes du Conseil des ministres seront publics (I-24-6), c’est une innovation majeure du TCE allant dans le sens de la transparence, du contrôle démocratique et de la responsabilité politique des gouvernements nationaux au sein du Conseil des ministres européens.

 

Si vous trouvez normal qu’une institution puissante ne soit pas responsable de ses actes politiques, ça vous regarde, mais souffrez qu’on défende un autre avis et qu’un débat ouvert sur ce point se déroule démocratiquement.

J’ai déjà dit pourquoi la comparaison avec le Sénat français me paraît être une supercherie.

Et je trouve que la responsabilité au niveau national que vous invoquez est toute théorique :
en morcelant la responsabilité et la mise en cause de la politique européenne du Conseil, on met cet organe puissant à l’abri de la censure ("diviser pour régner") : pour être concret, imaginons comment les citoyens européens pourraient agir contre un Conseil des ministres qui semblerait démériter gravement :

Il faut d’abord savoir qu’il a démérité car le Conseil des Ministres délibère bien loin des peuples, encore à huis clos en dehors de son rôle législatif : les partisans du TCE oublient souvent de préciser que la publicité des travaux ne concerne que les actes législatifs. Les « actes non législatifs » (justement dénoncés comme antidémocratiques par les conventionnels qui ont refusé de signer le TCE) restent discutés et votés à huis clos, on se demande bien pourquoi.

Une fois informés, les citoyens en colère devront convaincre une majorité de leurs parlementaires nationaux de voter une censure de leur gouvernement national au grand complet (seule possibilité de contrôle politique en France), censure qui aura finalement comme effet de changer un seul ministre sur 25 au niveau européen…

Un immense effort pour un résultat quasi nul.  J’ai bel et bien le sentiment que les peuples perdent, avec ces institutions, toute influence réelle sur la politique menée en Europe.

Ce qui rend encore plus imbuvable l’aspect libéral de la politique imposée par la partie III, puisqu’on n’aura vraiment aucun moyen de résister, même en devenant majoritaires !

9. « Le Commissaire chargé du commerce international agit sans contrôle du Parlement » : FAUX (III-315-3), le commerce international fait l’objet d’une loi européenne ; le Conseil des ministres et le Parlement doivent être associés aux négociations.

J’ai déjà parlé de ce mépris envers les parlementaires pendant la phase de préparation des lois.  Le débat sur les brevets sur les logiciels est un nouvel exemple, actuel, où les parlementaires doivent se battre pied à pied avec une Commission qui force le passage (voir les diatribes de Monsieur Rocard qui peste contre les « inélégances » de la Commission).

10. « Pour la première fois, ce serait une caution populaire donnée à un traité européen » : FAUX, le traité de Maastricht a été lui aussi adopté en France par référendum en 1992.

 

OK, ce n’est donc pas la première fois qu’on me consulte, moi français. Erreur corrigée dans mon texte.

Je rappelle qu’en 1992, seuls deux pays ont été consultés par référendum, la France et le Danemark (à qui on a demandé de revoter après qu’il ait refusé !).  Chacun appréciera l’importance que donnent les bâtisseurs de l’Europe à l’assentiment direct de tous les peuples aux mutations engagées…

11. « Les droits fondamentaux et les valeurs de l’Union sont de beaux principes généraux sans force contraignante »: FAUX. La conformité des actes de l'Union avec TOUS les articles de la Constitution est vérifiée par la Cour de Justice européenne (III-364), qui peut les annuler en cas de non-conformité (III-365). Toute personne peut saisir la Cour pour faire respecter ses droits (sur ce point, le TCE va plus loin que notre Constitution française qui ne permet pas de saisine directe du Conseil constitutionnel).

 

OK j’exagère un peu, mais je ne suis pas le seul ;o)  Car ceux qui annoncent une grande avancée démocratique oublient que cette Charte ne s’impose pas aux États membres en dehors du droit créé par l’Union, ce qui en limite la portée, et surtout que sur le fond, rien de nouveau n’apparaît dans cette Charte par rapport à la situation antérieure (Charte annexée au traité de Nice), et même plusieurs droits ne sont pas reconnus dans la Charte alors qu’ils existent dans le droit des États membres : c’est notamment le droit au travail qui a disparu. Attention : il faut bien lire la Déclaration n°12 (explications du Praesidium) pour interpréter la Charte.

Et quand on voit comment ces "grands principes protecteurs" rappelés depuis longtemps dans les Constitutions nationales protègent peu les individus contre la pauvreté et la précarité dégradante, on ne peut que relativiser  "l’avancée démocratique historique" de cette partie II, plus "poudre aux yeux" qu’argument fort pour apprécier ce texte.

Sur le point de la Charte, je renvoie à l’intéressante réponse de JJ Chavigné (page Échanges de mon site).

12. « Il aurait fallu élire une Assemblée constituante pour écrire le texte ». Toutes les constitutions, même les plus démocratiques, ne sont pas rédigées de cette façon.

De nombreux professeurs de droit public réclament une vraie Constituante, élue sur un programme constituant explicite, qui seule peut donner sa force au principe protecteur gagné de haute lutte en 1789 : tous les pouvoirs sont issus du peuple souverain. 

Est-ce qu’un professeur de droit, en 2005, en France, peut oublier ou négliger cela ?

Le plus important ici c’est que la Constitution européenne a été rédigée par une « Convention européenne », comptant 72 élus (sur 105 membres), élus au suffrage universel direct, et représentative des principaux courants d’opinion en Europe (voir détail de composition dans la partie 4 ci-dessous)

 


La Convention a travaillé sur le texte dans la transparence et en public, en consultation avec les représentants syndicaux et associatifs, dans un dialogue constant et nourri avec la société civile européenne
.

 

Non : le plus important est que les hommes qui créent ou modifient les institutions soient directement et explicitement  mandatés par les citoyens pour le faire.

Cette Convention n’a reçu aucun mandat du peuple pour agir. De la même façon qu’un maire ne peut pas siéger au Parlement, un parlementaire n’est pas habilité à préparer de nouvelles institutions sans avoir reçu directement un mandat explicite. Un membre de gouvernement ou un simple acteur de la vie publique, fut-il éminent, encore moins !

La transparence et la conduite des débats et des votes, ainsi que la représentativité des membres, ont précisément fait l’objet de sévères critiques de la part même de certains de ses participants : il faut lire le « contre rapport » de la Convention (pages 21 et suivantes) :
http://europa.eu.int/constitution/futurum/documents/contrib/doc180703_fr.pdf. 

On est loin de ce qu’on peut attendre d’une véritable assemblée constituante.

Je fais remarquer que chaque fois que l’ONU organise la démocratie dans un pays, elle commence toujours par programmer l’élection d’une Assemblée Constituante.
Donc, le modèle fondateur que l’ONU propose à tous les pays du monde est cette procédure-là.

Je suis étonné de constater que certains juristes européens acceptent de s’en affranchir.

Rappel de la nature juridique de l’Union européenne

L’union Européenne est un ensemble politique unique, une union d’États et de citoyens. Elle se constitue donc sous la forme d'un traité (accord international entre des États souverains) et d'une constitution (acte de souveraineté des citoyens). Jamais dans l’histoire des démocraties, jusqu’alors entièrement centrée dans le monde occidental autour du modèle de l’État-nation, n’a été créé de toutes pièces un véritable système politique démocratique supranational. D’où la nécessité de repenser de fond en comble les catégories avec lesquelles nous appréhendons de façon générale les systèmes politiques, et en particulier l’opposition traditionnelle entre le national et l’international. 

Car penser une Europe politique démocratique aujourd’hui c’est nécessairement rompre avec ce type d’opposition entre le national et l’international, c’est inventer quelque chose de nouveau qui tienne compte de l’existant (il y a des États européens souverains, des cultures politiques nationales, des intérêts nationaux), qui s’inscrive dans une continuité (les traités qui ont scandé la construction européenne) mais qui permette dans le même temps de s’en dégager pour bâtir un nouveau mode de démocratie. Autrement dit, nous devons apprendre à penser le national en même temps que l’international, sans les dissocier. C’est ce qu’essaie de faire ce « traité établissant une Constitution pour l’Europe ». Il s’agit bien d’établir une constitution inter-nationale, européenne.

 

Une union d’États : c’est bien le problème puisqu’on constate que la volonté des citoyens compte effectivement pour peu de chose dans l’Europe proposée. 

À l’évidence, ce seront les États (ou plutôt leurs représentants) qui feront la loi si on adopte le TCE.

Il est absolument inadmissible de voir ainsi des États dépouiller leurs propres peuples des pouvoirs de leurs institutions nationales à coups de traités.

Je m’étonne vraiment qu’un professeur de droit, a fortiori enseignant à la Faculté, admette aussi docilement  cet abus de pouvoir caractérisé : ni les gouvernements, ni les Parlements ne sont propriétaires de la souveraineté populaire qu’ils ne font que représenter temporairement.  Seul le peuple, directement, peut disposer d’elle.

 

Je ne suis pas prêt, à sacrifier sur l’autel de la nouveauté  ce droit fondamental qu’ont conquis mes parents pour moi et mes enfants : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. 

Je veux une Europe unie et forte, mais je veux une Europe qui respecte les peuples.

 

Tout le problème est précisément que le système s’affirme démocratique alors qu’il ne l’est pas.

 

 

Les États ne sont pas le peuple.

 

Analyse approfondie des 5 principaux arguments avancés par  Étienne Chouard

Selon M. Chouard, 5 principes fondamentaux du droit constitutionnel seraient bafoués par ce traité établissant une Constitution pour l’Europe. Examinons ses affirmations :

 

1.        « Cette Constitution est un texte illisible »

Ce texte serait trop long. Il est certes long. Mais ce qui fait l’essentiel de cette Constitution et son originalité, ce sont les deux premières parties, de quelques pages seulement, qui définissent clairement les objectifs et les valeurs de l’Union, les nouveaux mécanismes institutionnels, et la Charte des droits fondamentaux. Ce sont ces deux premières parties que les citoyens devraient lire en priorité, car le reste n’est qu’une compilation réaménagée et clarifiée des traités actuels

 

 

 

 

La troisième partie peut s’analyser, et de nombreux professeurs de la Faculté ne se privent pas de le faire, en un abus de pouvoir antidémocratique qui prive les peuples du droit de disposer d’eux-mêmes en imposant constitutionnellement une politique économique donnée qui ne pourra plus varier profondément en fonction des prochaines assemblées élues.

 

La forfaiture serait encore renforcée si on ne soumettait même pas cette troisième partie au vote populaire direct, en procédant à coups de traités, d’État à État, ce que vous envisagez quasiment quand vous suggérez que nous ne devrions pas la lire en priorité : la politique économique de nos pays nous regarde donc si peu ?

qui resteraient de toute façon en vigueur si la Constitution n’était pas adoptée.


Ceci étant dit, pourquoi ce texte est-il si long ? Il est long pour une raison que tout le monde peut comprendre : un traité établissant une Constitution entre 25 États réunissant 450 millions d’habitants aux histoires et traditions nationales si différentes ne peut pas être court.

 

 

Le fait que la partie III résistera à un vote négatif montre bien comme le piège est déjà presque refermé : même majoritaires, les citoyens ne s’en sortiront pas si facilement.  Il faudra encore lutter après le non pour sortir de ce guêpier.

La seule raison de cette longueur extravagante (448 articles) est la troisième partie, inutile d’en chercher les raisons ailleurs.  Intéressé par votre approche quantitative, je suis allé chercher la constitution de l’Inde, un milliard d’individus, et j’ai trouvé… 151 articles ;o)   http://www.oefre.unibe.ch/law/icl/in00000_.html
De son côté, la Constitution américaine, 300 millions de personnes, tient en 7 articles.

Vous dites une chose et son contraire : dans le paragraphe précédent, vous soulignez que « l’essentiel » du TCE ne se compose que « de quelques pages seulement », et quelques lignes plus loin, vous prétendez qu’un TCE pour 450 millions de personnes « ne peut pas être court »…  Il faudrait savoir.

En fait, c’est l’idée indécente d’imposer une politique économique dans la Constitution de l’Europe qui rend les compromis difficiles et les textes interminables et confus.

Puisque les États européens abandonnent des portions de leur souveraineté au profit de l’Union européenne, il faut bien que ces abandons soient explicitement définis.
On voit mal comment des États qui abandonnent une partie de leurs prérogatives ne chercheraient pas à définir précisément l’orientation des politiques européennes, les procédures par lesquelles l’Europe les décide, mais aussi les compétences nationales que l’Union européenne doit respecter.

 

Il m’apparaît enfin que ce sont les États (ou plutôt leur personnel politique) qui ne veulent pas de l’Europe  et qui brident toutes les concessions de souveraineté pour garder le contrôle.

 

 

La Constitution européenne permet de clarifier les domaines de compétences entre les États membres et l’Union européenne, en respectant le principe de subsidiarité selon lequel les décisions doivent être au plus près des citoyens.

 

 

 

 

« Clarifier »… Vous plaisantez ? Les domaines de compétences respectifs entre l’Union et les États membres (ÉM) ne peuvent pas être plus flous et fluctuants : pourvu que ce soit en conformité avec "les objectifs de l’Union", il suffit à l’Union de décider d’agir dans un domaine pour priver les ÉM du droit d’agir (art. I-11.3 et I-11.4 subsidiarité et proportionnalité, et art. I-18 clause de flexibilité !).
Et en quels domaines l’UE peut elle décider d’agir ? Partout où les "objectifs" de l’Union l’imposeront.
Or les objectifs de l’Union couvrent absolument tout (art. I-3)... Ce sera la CJE (dont les juges dépendent directement des exécutifs pour leur carrière) qui tranchera les litiges en la matière.

Comme le résume le professeur de droit public AM Pourhiet en fin de démonstration : « il n’y a en réalité aucune borne véritable aux interventions de l’Union ».

Je ne crois plus guère en ce principe de subsidiarité qui se veut protecteur mais dont toutes les entorses futures sont d’ores et déjà rendues possibles, sans contrôle prévu de la part des citoyens.

On retrouve partout des chèques en blanc et le mépris apparent de la volonté des peuples.


Ajoutons à cela que l’Europe s’est construite jusqu’à présent moins à travers des institutions qu’à travers des politiques publiques. La Constitution européenne intègre l’histoire de la construction européenne, qui s’est faite par petits pas successifs au cours des 50 dernières années. Elle en fait une synthèse juridique, en présentant de façon unique et systématique tout cet acquis sans lequel l’Europe que nous connaissons aujourd’hui ne serait rien.

Avec le souci didactique de hiérarchiser les compétences de l’Union et de mettre au premier plan une préoccupation démocratique et les droits des citoyens (en particulier sociaux), et faire rendre les institutions plus efficaces, ce traité fait avancer l’Europe politique. Une Europe plus fédérale pourra mieux répondre aux aspirations du peuple européen.

Avec des institutions européennes plus fortes, il sera aussi plus facile de réguler le marché, alors qu’une Europe sans Constitution risque de se résumer à un simple espace de marché intérieur où seules les lois de l’économie et de la concurrence décident.

En comparaison avec les traités qui régissent jusqu’à présent l’Union européenne, la Constitution proposée au référendum est certainement le texte le plus lisible jamais produit sur les institutions européennes.

 

Il est beaucoup plus lisible que le traité de Nice, en particulier, qui restera en vigueur si la Constitution n’est pas adoptée.





"Petits pas" toujours décidés loin des peuples concernés.

 

Le fait que l’Europe actuelle ne survive pas à la mise à l’écart de « l’acquis communautaire » ne démontre pas que le chemin suivi depuis cinquante ans soit le seul chemin possible, ni le meilleur.

Je n’ai rien lu dans le TCE qui permette d’étayer sérieusement ces affirmations générales.

 

Bla.

Toutes ces grandes annonces ne correspondent pas à ce que je lis dans le TCE.

 

Présenter comme outil de régulation du marché le TCE qui institutionnalise la dérégulation, en remplaçant précisément l’intervention des États par la loi du marché, c’est faire le pari que nous n’avons pas lu le texte.

 

 

 

Et bien, il n’y a pas de quoi être fier.

 

Qui a signé « Nice le calamiteux » ?  

Les mêmes qui nous imposent aujourd’hui le TCE en le présentant à nouveau comme indispensable et urgent.  

Sont-ils crédibles ?   Voilà une grande question.

2.« Cette constitution grave dans le marbre le libéralisme »

Si 95 des 98 syndicats de la Confédération européenne des Syndicats (deux des opposants sont… français, FO et la CGT) se sont prononcés pour le « oui », tout comme la quasi totalité des partis socialistes et des parti Verts d’Europe, c’est bien qu’ils jugeaient de manière très claire que cette constitution mettait l’Europe sur les bons rails pour bâtir l’Europe sociale, et permettrait justement de changer de politique… Ou alors cela voudrait-il dire que tout ce joli monde est devenu subitement adepte du libéralisme le plus échevelé ? Rappelons quand même que le Royaume-Uni, la Pologne ou l’Espagne du temps d’Aznar ont eu beaucoup de mal à signer cette Constitution… parce qu’ils la jugeaient trop sociale et trop protectionniste ! Ce sont justement les acteurs sociaux et syndicaux, et les élus du Parlement européen qui ont poussé à la rédaction de cette Constitution pour améliorer les traités actuels trop libéraux. Cette Constitution apporte enfin un rééquilibrage et des instruments pour créer une Europe sociale.

 

 

Argument moutonnier par excellence qui voudrait peut-être nous dissuader le lire le texte.

Je note que peu (aucun ?) de ces syndicats n’ont consulté leur base : on est vraiment partout dans des logiques d’appareil qui négligent la volonté des citoyens. Donc, rien de convainquant, vraiment.

On m’a déjà fait le coup, exactement le même, au moment de signer Maastricht : « votez pour ce traité libéral, il contient les outils qui permettront la lutte sociale, dès le lendemain du vote, je vous le promets » me disait Jacques Delors avec ses yeux tristes et sincères à qui on donnerait le bon dieu sans confession. On connaît la suite : 13 ans de descente aux enfers du chômage organisé, du chômage instrumentalisé. C’est vrai que c’est commode le chômage : on n’a plus de revendications salariales quand on a peur de perdre son boulot, on ne fait plus grève quand il n’y a pas de boulot dehors, on n’exige plus de conditions sociales particulières… Je suis sûr que le chômage (institutionnalisé par la politique-indépendante-de-lutte-contre-l’inflation-de-la-BCE) en arrange plus d’un.

"Votez libéral, on deviendra plus social demain",  c’est promis. J’ai déjà entendu cette musique pleine de fausses notes.

Il est un peu facile pour M. Chouard de dépeindre la Constitution européenne comme uniformément libérale sans en citer un seul passage. C’est d’autant plus dommage que lorsqu’on lit les valeurs sur lesquelles se fonde la Constitution européenne, on est loin de cette caricature du libéralisme :

 

article I-2 « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes»

 

article I-3.3 : « L'Union œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. »

 

article I-3. 4 : « Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La constitution européenne revendique il est vrai, explicitement, l’économie de marché : depuis la chute du communisme, y a-t-il un seul État européen qui fonctionne sans économie de marché ?

 

 

Mais si, par libéralisme, on entend en revanche « laisser-faire », concurrence sauvage, dérégulation, la Constitution européenne n’est assurément pas libérale. Au contraire.

 

L’Europe est un espace politique unique où les gouvernants ont les moyens (et même l’obligation constitutionnelle) de contrôler le marché mieux qu’ailleurs dans le monde.

De la même façon qu’il est facile de ne mettre en avant que les beaux principes et les "valeurs" de la partie I sans souligner qu’ils n’ont pas de force contraignante directe, et que leur application ne se fera qu’à travers des décisions que la CJE voudra bien rendre.

Des livres entiers ont été écrits pour dénoncer fortement cette institutionnalisation du néolibéralisme…

C’est vrai qu’il faut les lire pour comprendre leurs arguments ;o)

On peut citer quelques articles qui portent en eux le néolibéralisme (le néolibéralisme pouvant se résumer à la dépossession des États de leur moyens d’intervention économique au profit de la liberté individuelle, qui débouche finalement invariablement sur la loi du plus fort) :

·   Article I-3.2 "L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où, la concurrence est libre et non faussée."
Si on comprend « non faussée par les grands groupes », on ne peut qu’acquiescer. Mais si on comprend « non faussée par l’État », on voit le néolibéralisme trouver ici des racines institutionnelles.

·   L’indépendance de la BCE, c’est une dérégulation, c’est priver les États du levier monétaire pour gouverner, c’est du libéralisme doctrinaire, à un degré unique au monde. (Article I-30  et III-188).

·   Un budget minuscule (1,27%) et l’impossibilité pour le Parlement d’augmenter ce budget (pas de pouvoir parlementaire sur les recettes), c’est la garantie d’une Europe relativement pauvre donc peu interventionniste, c’est néolibéral.

·   Article III-314 : L’Union contribue (…) à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres. 
Cet article interdit aux États d’interdire, ce qui s’appelle la dérégulation, c’est de l’ultra libéralisme. L’expression apparemment anodine « et autres » est nouvelle par rapport à Nice et permet toutes les dérives futures : suppression des barrières sociales, environnementales, etc.

·   Article III-148 : Les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire (…) si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. 
On demande à chaque État d’être "plus royaliste que le roi", carrément par principe.
Si ce n’est pas de l’ultra libéralisme, ça, qu’est-ce qu’il vous faut ?
Je vous rappelle que le contexte mondial est l’OMC et l’AGCS qui dérégulent méthodiquement toute la planète et qui finiront par tuer tous les services publics ainsi que toute forme de résistance des États contre les grandes firmes.
Est-il urgent que la Constitution européenne confirme et amplifie cette épouvantable tendance ?

·   Article III-156 : les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
Encore une interdiction d’interdire, encore un levier d’action important dont sont privés les États membres, encore le néolibéralisme… Pour le bien de qui ? Pour le peuple ?
Chacun peut noter
la force impérative (qui ne laisse que peu de place à l’interprétation jurispruden­tielle) qu’il y a dans cette disposition à vocation économique et qui fait bien défaut dans les grands beaux principes des parties I et II.

·   Article III-167.1 : Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
L’interdiction d’aider tout acteur, sous quelque forme que ce soit, devient le principe central. C’est encore une marque du néolibéralisme qui vise progressivement l’affaiblissement de l’État providence, même si des exceptions sont encore prévues dans l’alinéa suivant (pour combien de temps ?).

·   Article 178 : Les États membres et l'Union agissent dans le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources (…)
« C’est une loi fondamentale de la théorie économique néolibérale qui entre dans le traité : l’économie de marché libre assure l’allocation efficace des ressources. C’est aussi faux, insensé et politiquement choquant que d’écrire que la planification centrale de l’économie assure une allocation efficace des ressources. » (Jacques Généreux, prof à Sciences Po, p. 88).

·   Le comble est atteint avec l’article III-131 dont on se demande s’il faut en rire ou en pleurer : en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre… (c’est grave) …les États membres se consultent (jusque là, on est d’accord), en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires (ils font bien…) pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu'un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l'ordre public…
Ça ne s’invente pas : même en cas de guerre, il est interdit aux États d’inter­dire, pour protéger le saint marché, et les autres États s’en portent garants.  Plus dogmatique, comme libéralisme, tu meurs !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Constitution définit des règles strictes en matière sociale, environnementale, et sanitaire ; mais aussi en matière de lutte contre les discriminations, de diversité culturelle, et de cohésion territoriale, etc. La Constitution (articles III-161 à III-169) permet  aux États d’accorder des aides ou des avantages particuliers, qui « faussent » pourtant la concurrence pour préserver la diversité culturelle et la conservation du patrimoine, lorsque la situation économique des États (ou de certaines régions) l’exige, ou encore pour promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen.

J’arrête les citations d’articles parce que la partie III est simplement truffée de ce libéralisme qui suinte partout et qui ligote les États membres. Chacun peut le constater en lisant le texte.

Le fait que des ultras extrémistes outre-Manche réclament encore plus et rejettent ce traité parce qu’il n’est pas assez libéral n’est pas la démonstration que le TCE n’est pas une bible libérale. Chacun doit lire le texte et constater le sort qu’on fait aux États et à leur pouvoir d’intervention.

 

Comme le démontre bien Jacques Généreux (prof à Sciences Po), « au total, la prétendue Constitution pour l’Europe nous promet une compétition toujours plus dure et une exposition croissante aux méfaits sociaux et écologiques de la guerre économique. »

Le libéralisme débridé, c’est le dogme de la responsabilité individuelle, c’est "chacun pour soi et contre tous", la négation de la civilisation et de l’humanisme.

Le néolibéralisme doctrinaire est juste aussi redoutable pour les hommes que le collectivisme aveugle.

À propos, j’ai trouvé la vraie définition de l’expression (trompeuse) « économie sociale de marché ». Frédéric Lordon rappelle fort opportunément la genèse de ce vocable dans son passionnant document « Le mensonge social de la Constitution », http://www.sociotoile.net/article104.html, p. 8 et suiv., où l’on découvre que cette expression désigne un libéralisme extrême, plus encore que celui d’Hayek lui-même, et où le mot social  n’a rigoureusement rien à voir avec ce que les français y devinent. "Ce social là n’est que l’effet du marché lui-même et pas autre chose, certainement pas une régulation qui lui serait adjointe de l’extérieur."
Il faut lire ce texte de Lordon, il est fort, il éclaire bien l’aspect profondément  doctrinaire du TCE.


« La concurrence est un alcali : à dose modérée, c’est un excitant, à dose massive un poison. »
(A. Detoeuf, vers 1933)

 

La Constitution européenne définit un cadre juridique protecteur des services publics (article III-122), obligeant le législateur européen, mais aussi les gouvernements nationaux, à respecter et à mettre en œuvre une série de principes (par exemple le rôle des services publics en matière de « cohérence sociale et territoriale », érigée en objectif de l’Union par l’article I-3), garantissant les conditions économiques et financières des missions de service public, reconnaissant le rôle des États membres dans la définition de ces services.

 

 

 

 

Alors là, pas du tout.  D’abord, il n’aura pas échappé à l’exégète attentif qu’est Bastien François que l’expression « service public » est simplement absente du TCE, qu’aucune définition des SIEG ne se trouve dans le texte, et que le seul document (« livre blanc ») qui définit les expressions SIG et SIEG est émis par la Commission (non élue), dans lequel il est spécifié expressément (pour le moment) : « il convient de souligner que les termes "service d'intérêt général" et "service d'intérêt économique général" ne doivent pas être confondus avec l'expression "service public", qui est moins précise. » 

Si j’ai bien compris, d’après ce texte touffu, pour accéder à la qualité de SIEG, il faut que n’existe pas la moindre concurrence dans ce secteur et que ne soit pas demandée la moindre participation financière en contrepartie. Sinon, s'il existe une alternative privée ou si la moindre contrepartie financière est perçue par l'État, le service n'est pas un SIEG et il faut l'exposer au grand vent de la concurrence, ce qui, le plus souvent, tue le service public qui a besoin pour vivre d’être libéré de tout objectif de profit.   Raoul Marc Jennar démontre rigoureusement le danger encouru par les services publics sur son site www.urfig.org.

Je suis surpris que la portée d’un terme aussi important de ma Constitution (SIEG) dépende aussi étroitement de l’interprétation (sibylline et fluctuante ?) d’un organe non élu.

En lisant le TCE, j’ai plutôt l’impression d’une marche forcée vers un État minimal où seuls quelques services publics jamais marchands (comme la justice, la police ou l’armée) survivront à la mise en concurrence sur le marché.

Loin de protéger les services publics, le TCE met en place les mécanismes qui permettent de détruire la plupart d’entre eux, après avoir lutté pied à pied pour conserver les plus importants.

Sans l’aide de l’Union Européenne, la France n’aura pas, seule, les moyens de réguler le marché, car nous nous pouvons pas renationaliser nos politiques économiques. Or la Constitution nous fournit enfin les outils politiques et institutionnels nécessaires pour mettre en place une vraie régulation européenne et une politique économique de relance de l’emploi.

 

 

Au final, tout dépendra de la couleur politique du Parlement européen (et donc de la Commission qui doit en être issue) et du Conseil des ministres : la différence, c’est que s’il y a une majorité de gauche, elle pourra faire une politique de gauche, ce qui est beaucoup plus difficile avec les traités actuels.

Tout le monde est d’accord pour construire une Europe unie et forte.

Mais les outils institutionnels proposés avec le TCE sont plus dangereux que porteurs d’espoir.

Promettre une politique de relance et d’emploi, c’est cacher tous les verrous institutionnels qui interdisent précisément à la fois toute politique monétaire, toute politique budgétaire, toute politique industrielle, toute politique de protection ciblée…

Les institutions européennes, clairement, ne sont écrites ni par, ni pour les peuples.

Mais alors pour qui ?


La Commission n’est pas issue du Parlement.
Le mécanisme de l’élection suppose un choix.
Le parlement ne choisit personne : il valide ou invalide un choix fait par d’autres.

 

3.        « Cette constitution n’est pas révisable »

Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe est établi pour une durée indéterminée, mais c’est le cas aussi des traités européens existants !

M. Chouard nous dit que le traité de Nice, lui, est « temporaire ». C’est faux ! Article 11 : le traité de Nice est établi pour une durée indéterminée. Il disparaîtra en juin 2009… seulement si la Constitution européenne prend sa place !

Sinon, il restera en place sans aucune limitation de durée, alors que c’est un traité absolument dramatique pour notre avenir : la démocratie européenne, au lieu d’être renforcée comme dans la Constitution, est complètement amoindrie ; le processus de décision, bien plus complexe et opaque que la Constitution qui fixe des règles simples, contraint l’Union à la paralysie ; aucune garantie sur les droits sociaux n’est intégrée…

 

Erreur de détail (très courante chez les intervenants, même Delors à France Europe Express, paraît-il) corrigée depuis longtemps.

 

 

 

 

Ceux qui ont signé Nice l’affreux, ce traité « absolument dramatique », celui qui nous contraint à la « paralysie », selon vos propres termes, sont précisément les mêmes qui nous imposent presque aujourd’hui de dire Oui au TCE.

Comment leur faire confiance alors qu’ils n’avouent même pas s’être si gravement trompés ? Ceux qui ont accepté sans nous consulter que soient mis en place ad vitam aeternam des processus de décision « complexes et opaques »  (ce n’est pas moi qui l’ai dit cette fois :o)  sont-ils fiables dans leur rôle de donneurs de leçons ?   Nous sommes des dizaines de millions à penser le contraire…

Il faut le dire et le redire : voter « non » à la Constitution et à toutes les avancées qu’elle comporte, c’est dire « oui » à l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui et qui, sous l’effet de son élargissement, risque de n’être plus qu’un simple marché libre européen.

 

Pas du tout :  voter Non, c’est dire « Vous nous égarez depuis trop longtemps sans nous demander notre avis, et nous commençons enfin aujourd’hui à changer de chemin.  Et il y a du travail parce que vous nous avez mis dans un sacré pétrin… »

Le TCE est difficile à réviser mais bien plus facilement que ce que prévoient que les traités existants !

Pour la première fois, des clauses de révision simplifiée sont mises en place (article IV-444 et 445), qui permettent d’aller plus vite et ne nécessitent pas de double unanimité (l’unanimité du Conseil européen suffit). Des clauses passerelles permettent de modifier plus facilement la partie III du traité, en faisant passer des domaines de décision du vote à l’unanimité au vote à la majorité du Conseil des ministres. Cela signifie concrètement qu’à l’avenir, on pourrait par exemple envisager d’avoir une fiscalité européenne, votée à la majorité, permettant enfin une vraie politique européenne pour relancer l’emploi, et cela sans avoir à passer à une très lourde procédure de révision de la Constitution.

Lorsque ces changements sont plus importants, une nouvelle Convention se réunit (comportant des parlementaires nationaux, des parlementaires européens, des représentants des gouvernements) pour faire des propositions : c’est quand même bien mieux d’avoir des modifications élaborées par des représentants élus (comme l’a été cette Constitution, à la différence de tous les traités précédents) que par des diplomates ! D’autre part, si 4/5 des États (20 sur 25) ratifient ces modifications constitutionnelles, le texte prévoit de rechercher des solutions adéquates pour ceux qui ne l’auraient pas fait. Enfin, le Parlement européen acquiert par cette Constitution le droit d’initiative constitutionnelle ; il peut donc lui-même proposer des modifications. Rappelons pour finir que si la Constitution était refusée, nous en reviendrions au Traité de Nice, qui lui, ne peut se modifier qu’à l’unanimité, sans intervention possible du Parlement européen.

 

 

J’ai déjà dit tout le mal que je pensais de ces clauses qui permettent de réviser ma Constitution sans mon accord explicite et direct. 

Outre que ces promesses d’une « fiscalité européenne » n’engagent personne à rien et paraissent politiquement improbables, (voir la réponse complète de JJ Chavigné sur ce point, sur mon site), cette perspective de révision constitutionnelle sans l’aval des peuples (clauses passerelles) fait du vote Oui un vrai chèque en blanc signé à des organes non responsables.

Si une clause passerelle permet, sur un sujet donné, de passer de l’unanimité à la majorité, c’est la protection d’un droit de veto qui disparaît (sans consultation populaire), et l’engagement initial qui est transformé sans l’accord de toutes les parties.

De la part d’un éminent juriste, le conseil appuyé de signer un texte aussi dangereux, aussi peu respectueux de la volonté des parties, est étonnant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ceci ressemble à un chantage à la peste pour nous obliger à accepter le choléra.

 

Autre grave erreur juridique, il est tout simplement faux de dire que le moindre règlement européen l’emportera dorénavant sur la Constitution française. M. Chouard ignore visiblement la notion de « hiérarchie des normes » : un règlement européen est « inférieur » à la Constitution française et ne peut donc l’emporter. M. Chouard ignore également que depuis les années 60 la Cour de justice européenne a imposé l’idée que les normes européennes l’emportent sur les normes nationales de même valeur. La loi européenne est effectivement supérieure à la loi française. Mais la Constitution européenne ne change rien à cela ! Les tribunaux français (Cour de cassation et Conseil d’État) appliquent cela tous les jours ! S’agissant de la Constitution européenne, elle est effectivement supérieure à la Constitution française. Mais, et la restriction est essentielle, sous réserve que le constituant français l’accepte. C’est ainsi que début 2005, suite à une décision du Conseil constitutionnel, députés et sénateurs ont modifié la Constitution française pour permettre la ratification de la Constitution européenne. Sans cela, cette ratification aurait été impossible.

 

 

En fait de « grave erreur juridique », Monsieur Bastien François ferait mieux d’être prudent de peur de tomber du haut de sa chaire de Faculté, car d’autres professeurs de l’Université, et non des moindres, contredisent fortement sa thèse, ce qui montre bien que l’erreur n’est peut-être pas là où il pense.

Je développe et j’étaie ce point dans la version actuelle de mon texte. J’y renvoie donc pour ne pas trop me répéter.

On lira ainsi avec intérêt le travail d’Armel Pécheul, professeur constitutionnaliste à l’Université d’Angers, qui a écrit un article intitulé « la primauté du droit communautaire sur la Constitution française : l’abrogation implicite de la Constitution » (voir mes pages Bibliographie et Avertissements, à : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/index.htm).

On y découvre, par exemple (p. 54), l’arrêt Tanja Kreil du 11 janvier 2000 (CJCE, aff. C-285/98, Rec. I, p. 69) où une simple directive du Conseil de 1976 s’est imposée à des dispositions spécifiques et expresses de la Constitution allemande (article 12) et dans un domaine qui n’était pas communautarisé puisqu’il s’agissait du domaine de la défense.

Je cite Armel Pécheul, dans sa conclusion d’un argumentaire rigoureux : « l’essence de la Constitution française, l’ADN, les dispositions spécifiques et expresses, les dispositions inhérentes à sa structure fondamentale ne sont plus protégées par le gardien de la Constitution [le Conseil Constitutionnel]. Celui-ci en a donné les clefs aux juges européens. Elles ne dépendent pas plus du pouvoir constituant puisque le peuple français est appelé à confirmer cet abandon par la ratification du Traité. Alors oui, l’essentiel est bien remis en cause, c’est-à-dire comme le dit le Président Mazeaud l’existence même de la Constitution française. »

Ajoutons encore que la Constitution européenne n’a de valeur supérieure dans la hiérarchie des normes que dans les limites strictes des attributions de l’Union européennes. Ainsi, l’interprétation de la charte des droits fondamentaux doit se faire, comme il est explicitement indiqué, dans le respect des traditions constitutionnelles nationales.

 

Monsieur François prend peut-être ses rêves pour des réalités : les attributions de l’Union n’ont pas de limite fixe, et surtout pas strictes, c’est précisément un problème majeur du TCE.

 

 

 

Sur la question turque…

Ce n’est pas très honnête de parler de la question turque à l’occasion du référendum sur la Constitution : cela s’appelle jouer sur des peurs… Sans entrer dans le débat de fond sur l’adhésion ou non de la Turquie, rappelons quand même qu’il faut l’unanimité des 25 États pour que l’entrée soit validée, et que le président de la République a fait inscrire dans la Constitution française le principe intangible d’un référendum pour toute nouvelle adhésion. Le peuple français sera donc inévitablement consulté le moment venu…

 

 


Je ne suis pas sûr qu’il soit plus honnête de faire comme si la question turque
, et plus généralement le problème des limites géographiques non fixées pour l’Union, n’étaient pas dans le débat sur le TCE.

 

 

4.        « Cette constitution empêche la séparation des pouvoirs, garantie contre l’arbitraire »

 

Au contraire de tout ce qui est dit par M. Chouard, la Constitution européenne jette au contraire les bases d’une Europe réellement démocratique, offrant au citoyen non seulement une lisibilité politique plus grande, mais aussi les plus hauts standards au monde contre toute forme d’arbitraire.

Ainsi :

-        Le « triangle institutionnel » européen est clarifié : il y a deux chambres parlementaires (le Parlement européen et le Conseil des ministres, comme il y a en France l’Assemblée nationale et le Sénat), et un exécutif, la Commission européenne qui doit être issue de la majorité politique du Parlement européen et est responsable devant lui.

 

 

 

 

Bla.

 

Le professeur François a oublié à quoi sert la séparation des pouvoirs et croit pouvoir nous en priver sans que nous réagissions : il ne faut pas que le même homme fasse le droit et l’applique : ce ministre qui siège dans ce pseudo Sénat, une fois le droit européen écrit par lui, revient dans son pays, et fait appliquer lui-même ces normes qu’il a élaborées, automatique­ment transposées dans son droit national. C’est évidemment une confusion des pouvoirs.

Qui ne voit pas la supercherie qui consiste à qualifier « seconde chambre parlementaire » un groupe composé de membres des exécutifs nationaux dont aucun n’est élu ?

Ce qui est clarifié, c’est l’irresponsabilité politique de fait qui naît de cette organisation tant sera difficile la mise en œuvre d’une censure par les citoyens ou leurs représentants.

 

-        Les pouvoirs du Parlement européen sont considérablement renforcés. Jusqu’ici, le Parlement européen n’était bien souvent que « consulté ». Avec cette Constitution, le principe de la co-décision (les deux chambres parlementaires acquièrent le même pouvoir) devient la norme. Le Parlement acquiert des pouvoirs énormes : budgétaires, contrôle de la politique agricole commune (47% du budget de l’UE !), contrôle des politiques d’asile et d’immigration, de justice, etc. Non seulement c’est le Parlement qui élit le président de la Commission, qui peut refuser des commissaires après audition (peut-on auditionner et refuser des ministres en France avant leur nomination ?),


mais c’est lui qui peut la renverser par une motion de censure exprimant ainsi le principe central de toute démocratie : la responsabilité politique          



(et non pas « pénale » comme M. Chouard l’invente).

 

Des pouvoirs « considérablement renforcés », qui partent de pas grand-chose, et qui présentent donc encore des lacunes rigoureusement inacceptables :

Pas d’initiative des lois, aucun pouvoir sur les recettes du budget, je trouve ça juste inadmissible. Enfin, c’est mon point de vue de citoyen.

Codécision avec l’exécutif : ça me semble aberrant. Codécision pour éviter les abus de pouvoir parlementaires, oui : parlez-moi d’une seconde chambre qui représenterait les parlements nationaux ou les régions, d’accord.  Mais un conseil des ministres pour écrire le droit… Pour un juriste normalement constitué, c’est un cauchemar.

Le Parlement européen est limité, surveillé, ligoté. Au lieu de créer le droit lui-même, il est réduit à dire oui ou non  à des règles créées par d’autres.

La Commission que le Parlement peut censurer n’est qu’un écran, un fusible politique, elle n’est pas le siège du pouvoir, vous l’avez affirmé vous-même tout à l’heure. Ce pouvoir de censure est donc un leurre.

En plus, la censure ne concerne que la gestion de la Commission (article III-340),  ce qui exclut le contrôle politique, non ? Ou bien c’est peut-être encore la CJE qui va décider cela ? Au fait, vous trouvez vraiment ce texte lisible ?
Je parle de pénal en pensant à la Commission Santer (accusée de corruption).

Mais surtout, Monsieur François, pourquoi ne dites-vous rien de ces mystérieux domaines soustraits au contrôle parlementaire, domaines économiques où l’exécutif, cette fois, fait le droit tout seul, sans contrôle ? Pourquoi ne pas nous faire un petit cours de droit public et nous expliquer d’abord pourquoi ces domaines-là, puis pourquoi cette procédure « spéciale », puis pourquoi cette absence de liste claire et critiquable ?
Votre silence sur ce point m’étonne. Pas d’explication de droit ? Pourquoi ce mystère ?

Quant à l’impossibilité de renverser le Conseil des ministres, heureusement qu’il en est ainsi : a t-on jamais vu l’Assemblée nationale renverser le Sénat ? Il s’agit là d’une grossière aberration juridique

 

La grossière aberration juridique n’est pas où vous pensez :o)
Comparer le Conseil des Ministres au Sénat est effectivement aberrant.

Ce refus d’envisager honnêtement l’irresponsabilité de fait du Conseil des Ministres au niveau européen est assez frappant.

 

-        Les citoyens pourront bien mieux contrôler la politique européenne de leurs gouvernements nationaux, puisque les délibérations et les votes du Conseil des ministres, jusqu’ici à huis clos (ce qui signifiait une irresponsabilité politique de fait des ministres), seront désormais publics : il ne sera plus possible d’accepter en douce à Bruxelles la libéralisation de tel ou tel secteur et de revenir à Paris dénoncer l’Europe technocratique et libérale. Les gouvernements devront assumer leurs choix.

 

Chacun appréciera cet aveu public des mœurs actuelles en vigueur en Europe et de « l’irresponsabi­lité politique de fait des ministres » (je ne suis donc plus le seul à le dire, Monsieur Bastien François  me prend les mots de la bouche :o) sous l’empire du traité de Nice.

Monsieur Bastien François nous donne même explicitement la magouille quotidienne qui sous-tend les institutions européennes (« accepter en douce à Bruxelles la libéralisation de tel ou tel secteur et de revenir à Paris dénoncer l’Europe technocratique et libérale ») présentées comme faisant partie des  « plus hauts standards au monde contre toute forme d’arbitraire » (sic).  
Je n’en demandais pas tant :o)

Il faudra se souvenir de ceux qui ont signé ce traité de Nice et peut-être se méfier un peu s’ils nous en proposent un autre, fut-ce avec insistance :o)

-        Les parlements nationaux seront désormais intégrés au jeu européen : la Commission doit désormais saisir en amont les Parlements nationaux d’un projet de loi européenne : si un tiers de ceux-ci s’opposent au projet, la Commission devra revoir sa copie. Il s’agit encore ici d’un moyen politique de contrôler les lois européennes. Et surtout de faire appliquer un principe essentiel : la subsidiarité, c’est-à-dire l’idée simple que l’action politique doit s’effectuer au niveau le plus pertinent, et en particulier au plus près des citoyens. L’article I-11 dispose ainsi que, dans les domaines où elle intervient de conserve avec les États membres, l’Union européenne « intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Europe ». Désormais, et c’est une innovation considérable, les Parlements nationaux (obligatoirement informés de tous les projets législatifs européens qui doivent être, en outre, motivés sur leur application du principe de subsidiarité) peuvent contester la nécessité d’une loi européenne, obliger la Commission européenne à se justifier, et même saisir la Cour de justice en cas de désaccord avec la Commission sur l’application de ce principe.

 

Tiens, voilà une procédure dont on ne nous donne que le début, apparemment démocratique.

Ce qui n’est pas souligné ici avec suffisamment de force, c’est qu’en cas de litige entre la Commission (non élue) et le Parlement (élu) , c’est la CJE (non élue et complètement dépendante des exécutifs qu’elle est censée juger impartialement) qui tranchera.

Chacun appréciera le poids ainsi donné à la légitimité issue du suffrage universel direct en balance avec les technostructures hors de contrôle.

 

Je repense en souriant à l’expression de Monsieur François : « parmi les plus hauts standards au monde contre toute forme d’arbitraire » :o)

 

 

On peut aussi objecter, et c’est loin d’être un détail, qu’il n’y a, à ce jour, aucun mécanisme de concertation des Parlements nationaux entre eux.

Comment faire émerger un accord d’au moins neuf Parlements (1/3 de 25), pour s’opposer à la Commission, s’il n’existe aucune structure de concertation parlementaire ?  Démocratie théorique ?

 

-        Une initiative législative citoyenne est instaurée : la Commission peut transmettre aux chambres européennes une proposition de loi citoyenne ayant recueillie un million de signatures au moins dans l’UE. L’intérêt majeur de cette disposition est de pouvoir structurer des revendications communes à l’échelle européenne : qui peut croire que les institutions européennes pourront refuser d’examiner une proposition ayant reçu plusieurs dizaines de millions de signatures ?

Qui peut croire ce boniment selon lequel un article de Constitution explicitement limité et non contraignant va ajouter quoi que ce soit d’important à la force politique de millions de pétitionnaires ? Ce n’est pas l’article qui donne leur force politique aux pétitionnaires. Même sans cet article-miroir-aux-alouettes, des millions de pétitionnaires auront une force, mais une force limitée car, en droit, la Comm;ission fait ce qu’elle veut, et elle n’a même pas l’obligation de motiver sa décision de rejet.


Présenter cet article comme une « initiative législative citoyenne » demande de réels talents d’illusionniste.

-        Les droits de la personne, grâce à la Charte des droits fondamentaux insérée dans la Constitution et à l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’Homme, acquièrent une force juridique considérable ! Il est proprement incroyable de nier les avancées en la matière dans cette Constitution !

De plus, n’importe quel citoyen pourrait désormais saisir la Cour de Justice européenne, alors qu’auparavant, seules des institutions étatiques ou européennes pouvaient le faire.

 

 

 

J’ai l’embarras du choix pour citer de grands constitutionnalistes qui crient à l’imposture avec des droits en retrait, des reformulations hypocrites (comme le droit au travail qui devient le droit de chercher du travail), une limitation au seul droit européen, des textes complémentaires cachés au fin fond des derniers protocoles et déclarations pour dire finalement, par exemple, que le droit à la vie ne vaut plus rien en cas de manifestation ou d’émeute (sic), ou que la liberté de circuler ne vaut pas pour les alcooliques, les toxicomanes et les vagabonds. Lire attentivement la Déclaration n°12 qui donne les explications du Praesidium de la Convention Giscard (explications citées dans le préambule de la Charte comme référence officielle d’interprétation de toute la partie II, renforçant encore ainsi l’usurpation du pouvoir de ce « Praesidium » décidément bien peu démocratique) : articles 2.3.C, et 6.1.e, pages 434 et 437.   (Vous avez dit « lisible » ?)

Par ailleurs, nous sommes déjà protégés au niveau national par des droits fondamentaux plus nombreux et plus forts que ceux de la Charte, et qui n’empêchent nullement la précarité, l’indigence et autres indignités quotidiennes Avec cette expression « force juridique considérable », vous exagérez ce qu’on peut attendre de cette Charte.

 

Il est donc parfaitement irresponsable de parler de « recul du contrôle parlementaire », alors qu’il augmente considérablement,

 

Qui est parfaitement irresponsable ?
La question mérite d’être posée honnêtement :o)

Il augmente par rapport à quoi ? Par rapport au contrôle parlementaire européen qui était presque inexistant ? Peut-être (encore que personne d’important n’est encore responsable, ce qui rend le contrôle très théorique).

Mais par rapport au contrôle parlementaire national des exécutifs nationaux ?  Le contrôle recule.

 

 

et d’évoquer même qu’il s’agit là « d’une juste cause d’émeute » !

 

 

Ah, il ne faut pas mentir : je n’ai pas parlé de juste cause d’émeute à propos du recul du contrôle parlementaire, mais à propos de la ratification du TCE sans consultation directe des peuples. 

Et que reste-t-il au peuple, Monsieur François, professeur de droit public, quand ses propres représentants lui volent sa souveraineté pour la confier à des institutions non démocratiques qu’il n’a ni demandées, ni connues, ni voulues, ni approuvées, contre lesquelles il ne peut pas résister et qu’il ne pourra pas modifier ?

À quoi sert le droit constitutionnel, Monsieur François, si ce n’est pas précisément  pour protéger les peuples contre des institutions dangereuses ?

À quoi servons-nous, professeurs de droit, si nous ne sommes même pas capables de rappeler aux citoyens ces principes révolutionnaires qui nous ont permis de sortir de l’absolutisme ?

Que reste-t-il, hors l’émeute, aux Allemands, aux Belges, aux Italiens, (et j’en passe : ils sont 16 sur 25 à n’être pas consultés !)  pour résister, s’ils tiennent à leur démocratie ?

En fait, vous avez raison : il leur reste une solution (une seule) pour éviter l’émeute…
Un Non français, massif et indiscutable…  :o)

 

Si cette constitution n’est pas parfaite, elle permet non seulement un contrôle démocratique renforcé, mais aussi une clarification du jeu politique…

 

Ce que vous dites-là ne repose sur rien de tangible.

Au contraire, à la faveur de la construction européenne, les exécutifs nationaux ont bâti un système d’écrans politiques qui rend plus difficile (impossible ?) la mise en jeu effective de leur responsabilité politique. 

L’épisode de la Commission Santer (presque censurée en 1999 pour fraudes et népotisme) n’a rien à voir avec la responsabilité politique.

 

Réservons nos « émeutes » à de plus justes causes…

 

C’est vous qui décidez si telle cause est juste ou pas ? À quel titre ? Les citoyens de base doivent-ils vous demander une autorisation pour penser ?

Vous semblez avoir oublié le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

 

5.     « Cette Constitution n’a pas été élaborée démocratiquement faute de l’existence d’une assemblée constituante ad hoc »

 

Au contraire, la Constitution européenne a été préparée par une Convention européenne, comptant 72 élus (sur 105 membres) élus du suffrage universel direct.

 

La Convention a rassemblé les principales parties prenantes au débat sur l'avenir de l'Union. Outre son Président et ses deux Vice-Présidents, elle était composée de :

-   30 représentants des parlements nationaux des États membres (2 par État membre) ;

-    26 représentants des parlements nationaux des pays candidats à l'adhésion (2 par pays candidat) ;

-    16 représentants membres du Parlement européen ;

-    15 représentants des chefs d'État ou de gouvernement des États membres (1 par État membre) ;

-   13 représentants des chefs d'État et de gouvernement des pays candidats à l'adhésion (1 par pays candidat) ;

-    2 représentants de la Commission européenne.

 

On rappellera ici que la République a définitivement été installée en France dans le cadre de lois constitutionnelles adoptées en 1875 dans la plus grande ambiguïté, sans même une ratification populaire. Que la Constitution de la Ve République a été rédigée en secret, après une mise à l’écart brutale des représentants élus, même si, ensuite, elle a été soumise à référendum. Il est bien sûr possible de déplorer cela, dans un monde où la démocratie se veut, de surcroît, de plus en plus participative. Mais était-il possible de faire autrement ?

À problème inédit, il fallait en fait une solution inédite : une Convention européenne réunissant 105 membres issus des 25 Parlements nationaux, du Parlement européen et des 25 gouvernements. Une instance représentative, bien plus que les obscurs conclaves diplomatiques, de la diversité des opinions européennes.

Il en a résulté une forme de miracle politique : un texte « constitutionnel », certes critiquable en dépit d’une grande inventivité institutionnelle, mais pour une fois à la hauteur de l’enjeu ; un texte qui préserve la place des États mais qui proclame dans le même temps la souveraineté des citoyens d’Europe, et qui donne une impulsion déterminante à la construction européenne tant en matière démocratique qu’en termes d’efficacité et de clarté gouvernantes. Pour la première fois, un traité européen ressemble à une constitution. Pour la première fois, il ne s’agit plus d’un énième rapport de « sages », vite rangé dans un placard, mais d’un texte élaboré par une assemblée politique dont le caractère d’ouverture démocratique est sans commune mesure avec celui des négociations inter-étatiques. Pour la première fois également une constitution a été élaborée dans une telle transparence, l’ensemble des délibérations et des contributions écrites étant immédiatement accessible à toute personne intéressée sur le site Internet de la Convention (qui a été visité par près de 700.000 personnes pendant la durée de la Convention), et chacun pouvant intervenir dans le cadre d’un « forum électronique » (www.europa.eu.int/futurum/). Et ce résultat inespéré est bien dû à la méthode choisie : réunir un collège réduit d’hommes politiques européens, de tous bords et de toutes origines géographiques, leur donner une obligation de résultat dans un temps donné, dans la publicité.

 

 

 

 

 


Tous les parlementaires des États membres au grand complet eussent-ils été rassemblés en un seul lieu, sans mandat explicite de leurs peuples, ils auraient été tout aussi illégitimes pour établir ou modifier des institutions.

 

Ni les parlementaires, ni les membres des gouvernements ne sont propriétaires de la souveraineté populaire.

Ils ne sont absolument pas habilités, même réunis en grand conclave clinquant, à en disposer.

 

Cette liste est inutile : en droit, c’est le mandat populaire qui intronise le pouvoir constituant, pas la compétence des membres réunis.

N’est-ce pas « une grave erreur juridique » de l’oublier ou de le négliger ?   :o)

Allez, ce n’est pas grave : tout le monde en commet, des erreurs… Il faut simplement en profiter pour progresser, sereinement.

 

 

 


Un excès n’en justifie pas un autre.

D’où viendrait qu’une forfaiture ancienne puisse en légitimer une nouvelle ?

C’est ce qu’on apprend en fac de droit aujourd’hui ?

Si ce sont d’authentiques démocrates qui sont aux manettes, assurément : il est possible de faire autrement.

 

 

 

 

 

 

 


Nous sommes assez nombreux, quelques dizaines de millions, à ne pas partager cet enthousiasme juridique.

 

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie et place des peuples des plus contestées, comme on l’a vu.


Transparence et équité fortement contestées.

Le respect le plus élémentaire des peuples concernés aurait consisté à leur demander leur avis avant.

 

Au lieu de cela, on ne consultera honnêtement que 9 pays sur 25  (et encore : certains référendums sont consultatifs)…

 

La langue de bois politicienne qui prétend construire une démocratie ne résiste pas à l’analyse du texte.

 

CONCLUSION

 

Vous l’aurez certainement compris à la lecture de ces réponses, au-delà des corrections à de grossières erreurs juridiques, mon cœur comme ma raison m’orientent vers un vote OUI au référendum du 29 mai. N’y voyez pas là une quelconque admiration de « technicien » du droit pour une belle architecture institutionnelle. C’est bien parce que je suis persuadé que cette Constitution peut enfin permettre de sortir l’Europe de l’ornière économique dans laquelle elle s’est embourbée pour créer enfin une vraie démocratie continentale que j’appelle à voter « oui » ; c’est bien parce que l’Europe reconnaît enfin une place aux droits sociaux et aux services publics qu’il faut valider ce traité. Sans cette constitution, l’avenir est connu : l’Europe sera pour longtemps un simple espace de libre-échange où règneront en maître les multinationales et les lobbies économiques, sans que le politique, sans que les citoyens, aient leur mot à dire. Ne nous trompons pas de combat : comme l’immense majorité des forces de gauche en Europe, soutenons ce traité constitutionnel.

 

 

Ma conclusion à moi :o)

 

Vous l’aurez sans doute deviné, je maintiens donc que le droit sert à protéger les hommes, pas à les museler : avec ce TCE, la force politique des citoyens européens devient complètement théorique.

 

Un rôle essentiel des professeurs de droit, comme des journalistes, est donc de rappeler l’importance des mécanismes qui rendent les institutions peu dangereuses par l’existence de contre-pouvoirs et de mise en jeu réelle des responsabilités de chaque organe institutionnel.

 

Certains me disent que "je vois le mal partout"… Il se trouve que le rôle des juristes est précisément de prévoir le pire pour éviter des conséquences fâcheuses s’il survient.

Celui qui rédige un pacte en pariant que tout va bien se passer risque fort d’être cruellement déçu.

 

 

Le Oui semble résigné : dire Oui, c’est continuer à laisser "les autres" décider sans contrôle, en confiance, et laisser perdre, cette fois volontairement, les moyens de résister et de se protéger.

 

Le Non est plus volontaire : dire Non, c’est décider d’arrêter de se laisser faire, c’est saisir l’opportunité historique qui nous est offerte de donner notre avis de citoyens sur la dérive néolibérale et "post-démocratique" de l’Europe, c’est commencer à changer, c’est la seule façon de rendre possible, un peu plus tard sans doute, une Europe vraiment démocratique.

 

 

 

Étienne Chouard.
Trets, 17 mai 2005.               http://etienne.chouard.free.fr/Europe/index.htm   etienne.chouard@free.fr

 

 

 

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