Pour des institutions écrites par et pour les
citoyens :
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Chers amis, je suis malheureux.
J’ai l’impression de travailler pour rien. Mon idée centrale ne progresse pas.
Je dois mal m’exprimer, ou me tromper.
La passivité des
gens qu'on viole chaque jour avec leur assentiment, dans l'indifférence
générale, leur servitude volontaire, me décourage chaque jour un peu plus.
D’autre part, et surtout,
l'incompréhension profonde des militants et des intellectuels que je respecte
pourtant plus que tout me désespère complètement : les dizaines d'heures que
j'ai passées avec Raoul Marc Jennar, Michel Onfray, Gérard Filoche, Jacques
Généreux, Frédéric Lordon, Annie Lacroix-Riz, Paul Ariès, Jean-Marie Harribey,
Bernard Manin, Jean Veronis, Daniel Schneidermann, Élisabeth Lévy et Philippe
Cohen, Jean Lebrun, François Ruffin, Mona Chollet, Sébastien Fontenelle, Agnès
Maillard, Stéphane Paoli, Serge Halimi, André Bellon, Maurice Allais, Paul
Alliès, Thierry Meyssan, Jean-François Kahn, Jacques Cheminade, Pierre
Rosanvallon, Daniel Mermet, et tant d'autres dont j'aime tant la pensée
généreuse, la culture infinie et/ou le courage politique, toutes ces heures
semblent n'avoir servi à rien :
Alors qu’ils sont précisément,
selon moi, particulièrement sensibles, humanistes, agiles intellectuellement et
ouvert à des idées nouvelles, aucun de ces valeureux n'a compris (mais j'en
déduis que c'est probablement moi qui me trompe et qu'il faut peut-être tout
laisser tomber et retourner voler dans mes montagnes chéries, ne pensant plus
qu’à moi et mes proches, comme avant), aucun n'a compris l'importance première,
prioritaire, inédite (jamais testée ailleurs qu’à Athènes il y a 2 500 ans),
forcément fondatrice d’un véritable pouvoir de résistance des hommes contre les
abus de pouvoirs, l’importance décisive de la Constitution — la seule
règle de droit qui soit, PAR DÉFINITION, au-dessus des pouvoirs et qui
s'impose donc à eux —, et, par voie de conséquence logique, l'importante majeure et
évidente du DÉSINTÉRESSEMENT DES AUTEURS de ce texte supérieur.
Tous ces personnages passionnants m'écoutent
gentiment, amicalement, amusés de mon insistance qu’ils qualifient parfois
d’obsessionnelle, mais pas du tout convaincus que j'aie le moins du monde
raison et... ils
continuent TOUS à considérer comme une évidence que l'Assemblée Constituante doit
être... ÉLUE.
J'en ai donc
vraiment marre, en fait, et derrière mon front, commencent à s'afficher les
mots BIEN FAIT POUR VOUS : pendant que le monde s'écroule, pendant que ces
gredins de patrons continuent à se goinfrer après nous avoir tous ruinés,
pendant que les serpillères gouvernementales nous font les poches en beuglant
leur vertu et en couvrant de centaines de milliards les barons voleurs au lieu
de les jeter en prison, de confisquer leurs biens et de nationaliser la finance
tout entière, alors que ce désastre ne peut être freiné par aucune digue puisque
la Constitution (relisez-la si vous ne me croyez pas, celle de France et celle
de l’Union européenne) ne prévoit rigoureusement AUCUN moyen de résister même
aux pires abus de pouvoirs, pendant que les pires ravages s’approchent, pendant
que les journalistes salariés des (subordonnés aux) banques nous préparent déjà
à la nécessité de nouvelles guerres, vous êtes tous là à dire : « oui, c’est
une bonne idée, la constitution, c’est intéressant, mais ce n’est pas réaliste,
il faut s’occuper d’abord de tous les problèmes des gens, les salaires,
l’emploi, l’environnement… » et gna gna gna…
Mais bon sang,
tous ces problèmes sont IMPORTANTS MAIS SECONDAIRES : tant que vous avez LES
FERS AUX PIEDS, les fers constitutionnels, vous êtes tous, nous sommes tous,
condamnés aux plus stériles bavardages.
Bla bla bla… et
merde.
Les
multinationales et les banques, moins stupides que nous, elles, ont compris que
CE QUI COMPTE C’EST D’ÉCRIRE SOI-MÊME LES INSTITUTIONS et de prendre ainsi le
contrôle réel des marionnettes gouvernementales : qui écrit le droit européen ?
Pourquoi est-ce un banquier (américain de cœur) — Jean Monnet — qui a décidé de
construire de nouvelles institutions (prétendument « européennes ») de cette
façon (sans nous) ? Pourquoi tous ces banquiers poussent-ils ardemment le
processus constituant européen (les Pompidou et autres Pascal Lamy) ? À votre
avis ? Par philanthropie ?
Ils sont moins
bêtes que nous, ça c’est sûr.
Ils doivent bien
se marrer à nous voir tous gesticuler en tapant les murs sans sortir de notre
prison, alors que la porte n’est même pas fermée à clef !
LE POUVOIR VA JUSQU'À
CE QU'IL TROUVE UNE LIMITE.
Ce principe implacable, aussi fort
qu'un principe physique universel, formulé au cordeau par Montesquieu, a une
conséquence importante : de la même façon qu'on ne reproche pas à un malade
d'être malade, de la même façon qu'on ne reproche pas à un objet de tomber vers
la terre, il est inutile, il est presque stupide, d'en vouloir aux pouvoirs
d'abuser : ils sont programmés pour abuser, ils abuseront, c'est leur
nature.
Par contre, c'est à nous — les
autres, ceux qui consentent à obéir aux pouvoirs —, de fixer des limites.
Et la Constitution, le droit du
droit, la seule règle qui soit au-dessus des pouvoirs, sert précisément à cela.
Mais si vous laissez écrire ces
limites par les hommes au pouvoir eux-mêmes... c'est idiot : vous creusez
vous-même votre tombe politique, ils vont évidemment tricher.
Et il faut donc vous en prendre à
vous, et à vous seul. Ce n'est pas la faute "des autres", et
surtout pas des hommes au pouvoir dont il n'y a rien à attendre de ce point
de vue.
Or, tous LES HOMMES DE PARTIS
cherchent à accéder au pouvoir (et c'est légitime, ce n'est pas le problème) :
ils sont TOUS POTENTIELLEMENT DES HOMMES AU POUVOIR, eux-mêmes ou leurs
proches.
Donc, dans un processus
constituant, à ce moment précis (et pas ailleurs, je ne généralise pas), les
hommes de partis sont à la fois « juges et parties » , les hommes de
partis ont, dans cette circonstance précise, absolument stratégique, un intérêt
personnel contraire à l'intérêt général, ILS NE SONT PAS DÉSINTÉRESSÉS et
ILS SERONT DONC TOUJOURS FORCÉMENT MALHONNÊTES : ils programmeront forcément,
comme ils l'ont toujours fait, l'impuissance politique des citoyens entre deux
élections.
Donc, SI ON ÉLIT l'Assemblée
Constituante, LES PARTIS VONT NOUS IMPOSER LEURS CANDIDATS et, à nouveau, comme
toujours, ce sont les hommes au pouvoir qui vont écrire les règles du pouvoir, et on n’en sortira pas, et
merde.
Alors, si vous ne faites pas du
TIRAGE AU SORT DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE une priorité absolue et immédiate,
décisive et indispensable, non négociable,
alors oui,
BIEN FAIT POUR VOUS.
Le 24 septembre,
Jean
Quatremer, journaliste à Libération,
sur son blog Coulisses de Bruxelles,
a publié la note suivante :
Quand
l'euroscepticisme mène au conspirationnisme
Je suis heureux de découvrir que la boucle est
désormais bouclée, plusieurs tenants du « non » de gauche soutenant désormais
officiellement les thèses conspirationnistes défendues notamment par Thierry
Meyssan à propos des attentats du 11 septembre 2001 : en résumé, les
attentats ont été organisés par les Américains eux-mêmes, voire n’ont tout
simplement pas eu lieu ! Le lièvre a été levé par le Nouvel Observateur daté
du 18 septembre. Sur le site de Chouard, on trouve un lien avec une interview
de l’animateur du « Réseau Voltaire » ainsi présenté: " Thierry Meyssan : « Il faut arrêter les processus de
diabolisation : "Passionnante interview donnée au site reopen911.info". « Je ne sais pas si les États-Unis ont simplement laissé faire les attentats ou s’ils les ont déclenchés », déclare au NO ce noniste de choc qui prédisait une « guerre civile » si le traité de Lisbonne était ratifié en France sans référendum. « Ce que je sais c’est que les plus gros mensonges passent comme une lettre à la poste. Pour les dirigeants américains, 3000 personnes, ça compte pour rien : les gens ne sont que de la merde sous leurs chaussures. Ce que dit Thierry Meyssan, un homme intelligent et très cultivé, devrait être débattu et analysé par les journalistes, au lieu de se trouver balayé par un canon à merde, dont Bigeard est aussi la victime ». Subtil et raffiné, non ? Tout y est : antiaméricanisme primaire, méfiance à l’égard des médias menteur, mépris des élites. Bellaciao
, le site participatif de la gauche antilibérale, tout aussi hystèriquement
anti-européen que Chouard et qui trouve que la LCR est aligné sur Sarkozy,
c'est dire– et dont je suis une tête de Turc régulière —, y va aussi de son
soutien aux thèses conspirationnistes (par exemple ici ou ici), tout comme le
site Agoravox qui prétend faire
de chaque citoyen un journaliste (un exemple ici ) … À pleurer de
bêtise. Mais je ne dirais pas comme Desproges : « Étonnant, non » ? |
Ne
pouvant répondre en semaine pour cause de cours au lycée, j’ai répondu avec le
message suivant, le dimanche 28 septembre 2008, vers 22 h :
Bonjour à tous,
Une amie m’a prévenu tardivement
de la publication de cette note. J’ai alors lu la première page en diagonale, mais
je devais aller en cours et je ne pouvais pas répondre. Ce week-end, je viens
de prendre connaissance des quatre pages de commentaires, dont certains sont
tout simplement passionnants. Comme d’habitude, on ne progresse jamais tant que
dans la contradiction (à condition, quand même, de se respecter, je pense).
À mon sens, « la théorie de
la théorie du complot » — celle que semble défendre Jean Quatremer et qui
traque de prétendues théories du complot — ressemble bien à une interdiction
pour les citoyens de vérifier s’il n’y a eu complot ou pas, une sorte
d’INTERDICTION DE DOUTER, sous peine de subir le ridicule réservé aux
paranoïaques, suspicieux au point d’en être malades.
— Pour reprendre d’abord vos
reproches un à un :
D’une part, je ne dis pas qu’il y
a eu tel ou tel complot : je dis justement que je n’en sais rien et que
j’aimerais bien lire TOUS les avis contradictoires sur la question pour me
forger une opinion éclairée ; ce n’est pas pareil, il ne faut pas me faire
dire ce que je n’ai pas dit. L’administration Bush développe sa propre théorie
du complot, mais on n’est pas obligé de tout croire d’emblée, ni dans un sens
ni dans l’autre, n’est-ce pas ?
J’ai expliqué à Ariane Chemin (une
journaliste du Nouvel Obs qui avait écrit un papier sur mon site en 2005 quand
elle travaillait au Monde) que les exécutifs à tendance tyrannique ont besoin
de « terroristes » ou d’« ennemis extérieurs » pour obtenir
la docilité d’une population effrayée (leçons bien connues d’Orwell et des
différents anti-totalitaires). Pour ces chefs-là, les humains comptent moins
que de la crotte sous leurs chaussures, je le crois effectivement.
Le moins que je puisse dire est
que cette journaliste professionnelle, pourtant apparemment bienveillante au
téléphone, probablement trop pressée, n’a pas retenu grand chose d’intéressant
de notre long entretien, et que le choix de deux phrases avec deux gros mots
(ce que je ne fais jamais à l’écrit, évidemment, quand j’ai le contrôle de mon
registre de langage) n’est pas neutre.
Votre propre dénaturation de cette
première déformation aboutit à une pensée méconnaissable où je ne me reconnais
pas. Il faut vraiment que j’apprenne à me tenir sur mes gardes quand je reçois
l’appel d’un « journaliste professionnel » car, comme dans un interrogatoire
policier, tout ce que je dis peut alors être retenu contre moi, en trahissant
s’il le faut la promesse d’une relecture de mes paroles citées.
De la même façon que je ne
prétends pas qu’il y a eu complot de l’administration Bush (sans l’exclure) en
vue de rendre acceptables les exactions qui ont suivi (Patriot Act et
agressions armées, notamment), je ne « soutiens pas officiellement »
Thierry Meyssan (comme le souhaite apparemment J4M pour me faire rentrer dans
la boîte qu’il m’a attribuée) : je trouve Meyssan intéressant, souvent
même très intéressant. Est-il possible de nuancer et ne pas voir le monde en
noir ou blanc ? Votre sens du discernement devrait vous permettre de
distinguer entre « trouver parfois très intéressant » et
« soutenir officiellement » ?
Je trouve aussi très intéressantes les thèses radicalement inverses,
mais argumentées, comme le lien donné par ‘Bouffon vert’ (25/9, 1h55) vers une
réfutation méthodique des doutes exprimés.
D’autre part, je réfléchis
effectivement à des institutions honnêtes, c’est-à-dire qui placent tous les
pouvoirs sous un contrôle permanent des citoyens (voyez mon forum : http://etienne.chouard.free.fr/forum
cela représente un certain travail). Je prétends en effet, comme bien d’autres
avant moi, que, issu ou pas d’une élite, TOUT POUVOIR EST (À LA FOIS NÉCESSAIRE
ET) DANGEREUX, et que les élites qui font tout pour s’affranchir des contrôles
sont, elles aussi, (nécessaires et) dangereuses.
Est-ce une pensée
anti-élite ? Pas du tout :
nous avons besoin de favoriser l’émergence d’une élite pour exercer le pouvoir,
cela va sans dire. Mais d’où viendrait que cette élite pourrait gouverner sans
un contrôle sourcilleux des citoyens à tout moment ?
Je dis donc que C’EST FOLIE DE
LAISSER LES ÉLITES au pouvoir modifier elles-mêmes la Constitution c’est-à-dire
de FIXER ELLES-MÊMES LES LIMITES DE LEUR PROPRE POUVOIR. Et pour l’instant,
personne n’a réussi à me montrer que j’ai tort, loin de là. Je suis sûr que la
stricte séparation du pouvoir constituant des pouvoirs constitués est une
grande idée qui peut permettre aux hommes de s’émanciper enfin, vraiment.
Pour moi, les deux Congrès de
2008, au cours desquels les ministres et les parlementaires ont profondément
modifié la Constitution sans même nous consulter par référendum, sont donc deux
coups d’État.
Je connais un autre professeur —
"petit" aussi ? — qui pense comme moi : http://www.marianne2.fr/Haute-trahison_a78911.html
http://www.debout-la-republique.fr/intervention-d-Anne-Marie-Le.html
Ensuite, je n’ai jamais prédit —
et encore moins voulu — une guerre civile : j’ai seulement souligné qu’un
pouvoir qui impose brutalement à un peuple l’exact contraire de ce que ce même
peuple vient de décider clairement par référendum, sur un point fondamental du
fonctionnement de la République, ce pouvoir à tendance tyrannique,
effectivement, prend le RISQUE d’une guerre civile, je dis qu’il mérite une
insurrection, oui (même si celle-ci n’aura sans doute pas lieu). Résumer cette
évidence en disant que je veux la guerre civile ou que je la prédis, c’est de
la diffamation ; c’est rendre responsable de l’incendie celui qui appelle
les pompiers. C’est ce que j’appelle, à l’écrit, une « machine à
salir » (et à l’oral, un canon à m.).
Donc, en me taxant
d’anti-américanisme, d’anti-élite, et d’anti-européanisme, vous fabriquez de
toutes pièces un diable qui n’existe que dans vos cauchemars
caricaturaux ; la réalité est plus nuancée ; toute vigilance n’est
pas fatalement paranoïaque, et l’existence de quelques paranoïaques avérés ne
fait pas de tous les citoyens vigilants des paranoïaques.
La caricature des thèses
adverses n’est-elle pas un aveu d’échec à les réfuter correctement ?
_______________________________________________________________________
— D’une façon plus générale et
plus importante, au-delà du libre débat nécessaire sur le 11 septembre, je
revendique le droit POUR TOUS de dire et de faire connaître les PENSÉES
DISSIDENTES en vue d’un débat éclairant — qui montrera sans doute la faiblesse
ou même l’inanité d’une thèse ou d’une autre.
Je ne revendique là rien d’autre
que l’iségoria, ce « droit de parole pour tous, à tout propos et à tout
moment » que les Athéniens tenaient pour l’institution CENTRALE d’une démocratie
authentique : les vrais démocrates, par des institutions appropriées,
protègent les pensées dissidentes comme un rouage décisif qui dévoile toutes
les intrigues et protège la démocratie elle-même, alors que les oligarques
interdisent et pourchassent les pensées dissidentes pour des raisons que chacun
peut deviner.
À propos de liberté d’expression, le mot « négationnisme » semble
être le redoutable successeur du mot « blasphème », avec la même
mission de fustiger des paroles radicalement interdites ; aux antipodes,
donc, de l’iségoria et de la liberté d’expression chère aux vrais libéraux. Je
n’aime pas le concept même de « négationnisme » qui impose une pensée
officielle, interdit le débat et laisse présager une future police de la
pensée. La réflexion de Noam Chomsky sur ce point est littéralement
passionnante, je trouve.
C’est par cette porte-là,
d’ailleurs, que je me suis intéressé au cas du 11 septembre : situation
révélatrice, emblématique, de la difficulté pour les pensées dissidentes à se
faire simplement respecter dans nos prétendues « démocraties ».
Les commentaires de Paul et
d’Entada (28/9, juste après minuit) et celui de Jean-Luc Guilmot (28/9, 9h4)
sont vraiment très intéressants.
Je rappelle que j’attends toujours
de ce blog la réponse à mes questions précises sur l’Union européenne.
Par exemple :
***************************************
Comment J4M et ceux qui pensent
comme lui justifient-ils la CONFUSION DES POUVOIRS qui règne à l’évidence dans
les institutions qu’ils défendent —aussi bien dans les institutions européennes
que dans les institutions françaises ?
***************************************
Les libéraux qui discutent ici
devraient aimer les pensées dissidentes — on a envie de dire « par principe »
—, au lieu de les pourchasser. C’est à n’y rien comprendre. Sont-ils vraiment
libéraux ?
Ont-ils lu les penseurs libéraux
(les vrais, pas les anti-libéraux que sont, en fait, les
« néo-libéraux »), ceux qui se méfiaient comme de la peste de l’État
Léviathan et de TOUS les pouvoirs à cause de leurs ABUS inévitables (ils s’en
méfiaient radicalement sans qu’on les traite pour autant de conspirationnistes,
j’insiste) ? Ont-ils lu Locke, Rousseau, Montesquieu, de Staël, Constant,
Alain, Orwell, Aron, Rawls, Rosanvallon, Castoriadis, qui, tous, dénoncent la
confusion des pouvoirs comme source mère de la tyrannie ?
N’est-il plus indispensable, selon
vous, de dénoncer toute confusion des pouvoirs ?!
Pas de réponse sur ce blog.
Je n’arrive pas à trouver ici
d’éclaircissements sur les « PROCÉDURES LÉGISLATIVES SPÉCIALES » qui,
ce me semble, permettent à des organes non élus de nous imposer sans contrôle
ce que j’appelle, moi, c’est plus clair, des « lois sans
parlement » :
À mon sens, et jusqu’à ce qu’on
m’ait démontré le contraire, DANS LES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE, LES
MINISTRES ET PRÉSIDENTS ACCUMULENT LES POUVOIRS EXÉCUTIF ET LÉGISLATIF
SUR UNE SÉRIE DE DOMAINES CACHÉS AU PUBLIC sous le nom trompeur de
« procédures législatives spéciales » (art. 289 §2 TFUE pour le
principe ; les autres articles sont disséminés (cachés) dans le TFUE) et
d’« actes non législatifs » (exemples : art. 24 TUE, ou art. 290
TFUE). Les ministres — agents exécutifs, en principe — se rassemblent en un
« Conseil » — en oubliant curieusement de préciser que c’est un
conseil de MINISTRES — et se déclarent carrément co-LÉGISLATEURS (art. 16 TUE).
Ces violations caractérisées du
principe essentiel de la séparation des pouvoirs révèlent une dérive considérée
par la Déclaration des Droits de l’Homme elle-même (art. 16 DDHC) comme la
marque la plus sûre du retour à la tyrannie : des pouvoirs non séparés
sont des pouvoirs à la merci des puissances privées du moment.
Pour des exemples sur ces discrètes « lois sans
parlement », voir http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Citoyens_d_Europe_Contre_le_Regime_Illegitime_references.pdf pages 3, 4 et 5.
Je sais que je me trompe peut-être
par endroit, comme vous — il n’y a pas de honte à se tromper,
heureusement : qui donc ne se trompe jamais ? —, c’est même pour le
vérifier que je vous interpelle, mais je ne me contente pas d’une insulte pour
changer d’avis : montrez-moi calmement où je me trompe et je serai
heureux, sincèrement, de progresser, je ne demande que cela.
Enfin, pour ce qui concerne
l’accusation d’anti-américanisme, on croirait à une blague : je suis marié
à une américaine (dont le père, accessoirement, fut blessé à Omaha Beach) et
une partie de ma famille vit en Amérique du Nord… Pas la peine d’en rajouter,
vous semblez avoir « une boîte à diables » et vous y collez tous ceux
qui vous contrarient. Certes, je dénonce une administration US bien précise,
cupide et cynique, qui multiplie les crimes contre l’humanité, c’est pourquoi
je dis et je maintiens que la vie humaine n’a clairement aucune importance pour
eux, ce sont leurs actes — pas des théories — qui me le prouvent tous les
jours, mais cela n’a rien à voir avec un anti-américanisme général, en tout cas
si on juge mes propos de bonne foi.
Les généralisations de cette note
sont donc trop caricaturales et donnent une mauvaise image de leur auteur. Une
image fausse d’ailleurs, j’en suis sûr, car personne n'est noir ou blanc et J4M
est souvent intéressant, sur d’autres sujets.
Ça me rappelle ce que j’écrivais
aux journalistes en 2005, et qui vaut encore tout à fait
aujourd’hui : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/LettreAStephanePaoliEtBernardGuetta.pdf
Sans rancune.
Étienne.
Pour un résumé des observations
qui me conduisent à considérer l’Union européenne comme un régime profondément
ILLÉGITIME, et pour une PROPOSITION de résistance, concrète et libre :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees
Pour un aperçu des pensées qui
m’intéressent et un peu mieux me connaître — moi, le diable hideux que vous
étiquetez « rouge/brun/vert »… et bientôt antisémite ? —, vous
pouvez consulter ma page ‘En vrac’ : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/En_Vrac.pdf et bien sûr ma revue de presse quotidienne
‘Liens et documents utiles’ depuis trois ans : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Liens_en_totalite.pdf
Je suis un admirateur d’Alain
— c’était lui aussi un professeur de lycée ; "petit prof" à vos
yeux ? — et je reproduis ci-dessous un ‘propos’ qui discrédite assez bien
l’interdiction de douter que certains ici voudraient imposer aux simples
citoyens en les traitant aimablement d’« escadrille de crétins ».
On pourrait intituler cette
réflexion (dont l’intérêt va crescendo) :
« Le citoyen a le devoir de penser librement, car les droits des
citoyens crédules sont comme abolis. Obéissez, mais n’obéissez pas sans
contrepartie : sachez douter, refusez de croire.
N’acclamez point : les pouvoirs seront modérés si seulement vous
vous privez de battre des mains. »
Discours de l'instituteur. « Mes
chers enfants, puisque le pouvoir aujourd'hui nous écoute, je veux rassembler
en peu de mots ce que j'ai eu occasion de vous dire concernant la politique. Le
premier article, le plus ancien, le mieux connu, est qu'il faut obéir aux
pouvoirs, j'entends de bonne volonté, sans restriction, et au mieux. Cela va
loin. Obéir aux lois d'abord, mais encore exécuter promptement les ordres
reçus. Soit dans l'inondation, soit dans l'incendie, et surtout dans l'état de
guerre, il y va de la vie peut-être ; mais je ne vois point de pouvoirs
possibles sans cela, ni d'action commune possible sans cela. Le serment d'obéir
doit donc être souvent renouvelé dans vos cœurs. Quand il serait renouvelé
publiquement chaque année, je verrais là une belle fête. À tes ordres, César. »
Il est bon de dire que l'homme qui parlait ainsi avait un bras de moins, avec
la renommée d'un fantassin irréprochable. Son discours ne sonnait pas creux.
L'homme sans peur et sans reproche
avait encore quelque chose à dire. « Il faut, dit-il, une contrepartie. Ce
contrat entre les citoyens et le pouvoir ne peut être ainsi fait que l'un ait
tous les droits et que l'autre n'en ait aucun. Ne discutons pas sur le droit
d'agir, de posséder, de louer son travail, de le refuser, même d'exprimer ce
que l'on pense. Ces droits, de même que le droit d'élire, de critiquer, de
contrôler, sont réglés par des lois qui sont mieux que passables. Mais je
laisse ce détail pour en venir à l'essentiel qui est le devoir de penser
librement. Dès que le citoyen est crédule, tous les droits sont comme abolis.
Il ne faut point croire. Cela est très pénible de ne point croire ce que dit un
homme éloquent et qui occupe la plus haute place. Mais comprenez aussi qu'un
tel homme plaide toujours pour lui-même, qu'il est juge et partie, qu'il est
entouré de flatteurs, qu'enfin il exerce le pouvoir, chose enivrante,
aveuglante. Il sera trompé, il se trompera lui-même. L'histoire des peuples,
comme je vous l'ai montré, est l'histoire des erreurs où tombe naturellement
tout pouvoir qui gouverne aussi les pensées. Donc examinez, instruisez-vous,
écoutez les uns et les autres. Dans les cas difficiles, sachez douter.
L'opinion règne toujours ; elle se fait sentir par le vote, mais bien
avant le vote. Chacun de vous est partie de l'opinion et modérateur du pouvoir.
Le muet refus de croire y suffit.
« Encore un mot là-dessus,
mes amis. N'acclamez point. L'acclamation vous revient et vous prend au cœur.
L'acclamation a fait tous les maux de tous les peuples. Le citoyen se trouve
porté au delà de son propre jugement, le pouvoir acclamé se croit aimé et
infaillible, toute liberté est perdue. Le lourd devoir d'obéir n'est plus
limité ni tempéré par rien. Je décris ici des mœurs nouvelles; je vous trace un
pénible devoir. Mais, mes amis, si l'on veut être libre, il faut le vouloir. Et
n'oubliez jamais que les pouvoirs seront modérés, prudents, circonspects,
préservés à jamais de l'infatuation, raisonnables enfin, et ménagers de vos
biens et de vos vies, si seulement vous vous privez de battre des mains. »
Le plaisant est que le pouvoir le
plus ombrageux ne peut rien trouver à reprendre dans ce discours ; mais il
bouillonne à l'entendre ; il voudrait appeler ses gardes ; il espère,
il appelle de tout son cœur la désobéissance, cette autre garde des rois.
Alain, 8 décembre 1923.
===================
Source : Alain, « Éléments d'une doctrine
radicale », propos choisis de 1906 à 1924,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Alain/elements_doctrine_radicale/elements_doctrine.html
Pendant
que je vis, chaque jour je lis Alain et
c’est pour moi une source claire d’intelligence pure ; à lire cet
homme, comme à lire son extraordinaire élève Simone Weil, j’ai l’impression de grandir.
Je vous propose ici quatre ‘Propos’ sur le mode de scrutin,
—tout à rebours de l’air du temps qui réclame aujourd’hui la proportionnelle
comme un retour à la justice élémentaire—, où Alain souligne que la
proportionnelle abandonne les citoyens aux luttes intestines des partis.
Chaque mot compte dans les Propos d’Alain, tout y est à la fois léger
et dense, plaisant et puissant, sujet à réflexion.
Alain tenait à choisir un homme plutôt qu’un programme ; un
homme vertueux (travailleur et honnête), un homme lui-même contrôlé par ceux
qu’il représente.
(Les titres sont de moi.)
Entre le plébiscite et le référendum, une voie moyenne :
des députés indépendants des partis et le contrôle permanent des pouvoirs.
Le
plébiscite consiste à demander au peuple : « Quels maîtres voulez-vous ? Voici un exposé de leurs principes, quant à la police, quant
à la guerre, quant à la consommation, quant à la production ; réfléchissez et
choisissez. Après cela, vous donnerez un long crédit aux maîtres que vous aurez
choisis ; ils pourront légiférer et gouverner en regardant au loin, comme de
bons pilotes, au lieu d'être arrêtés à chaque instant par les réclamations des
uns et des autres. » Ainsi vivent tous les pouvoirs monarchiques ou
oligarchiques ; car tous les citoyens ne
sont pas malheureux en même temps, et les abus de pouvoir, si l'on n'y remédie
sur l'heure, sont bientôt oubliés ; par-dessus tout le citoyen
hésite devant une révolution qui est, dans un tel système, son unique
ressource. Ajoutons que ce pouvoir fort a bientôt fait de rafraîchir les têtes
chaudes et de bâillonner ceux qui parlent trop ; l'oubli vient ainsi avant
que la réflexion s'éveille. Aussi la tyrannie, avec un peu d'adresse et de
bonheur, peut durer longtemps.
Le référendum est un système tout à fait
opposé à celui-là, car les pouvoirs ne font alors qu'appliquer les lois; ils ne
sont que magistrats. Rien ne peut être changé dans les droits et les devoirs
sans que le peuple soit consulté. Par exemple la
solution du conflit entre la Marne et l'Aube serait demandée au suffrage
universel ; la formule des assurances ouvrières et paysannes, de même ; le plan
de notre action au Maroc, de même. Et l'on saisit sans peine pourquoi ce système est impraticable. Chaque citoyen devrait
passer son temps à lire, à calculer, à discuter ; ou bien alors il devrait
juger d'après l'expérience, je dis son expérience à lui ; mais les
répercussions d'une loi sur les fraudes ne se font sentir à tous les citoyens
qu'après un long temps ; et elles sont perdues presque toujours dans la masse
des faits. Pour le problème marocain, c'est encore plus évident.
Ajoutons que le contrôle des gouvernants par les gouvernés,
qui est ce à quoi le peuple tient le plus, et ce qu'il réclamerait certainement
par voie de référendum, ne peut s'exercer par le référendum même. [Ah bon ? ÉC]
Entre plébiscite et référendum, il faut donc choisir quelque système
intermédiaire ; et l'on est ramené au parlementarisme, dans lequel les représentants
du peuple exercent un contrôle sans limite sur les actes du pouvoir, et
aussi prononcent sur les réformes, en tenant compte à la fois de leurs
connaissances propres et de l'opinion de ceux qu'ils représentent. Par ce
mécanisme, qui suppose une familiarité et des échanges continuels d'idées entre
les électeurs et l'élu, le peuple ne choisit pas ses maîtres ; il fait bien
mieux, il règle, il modère, il redresse l'action des maîtres qu'il a, quels
qu'ils soient.
C'est pourquoi le
caractère du député, ses habitudes de travail, sa clairvoyance, son
indépendance sont le principal, une fois que le principe de la souveraineté du
peuple est posé et maintenu. S'il s'agit de mettre au jour quelque
friponnerie d'administration, un modéré, s'il n'est ni ignorant, ni faible, ni
dépendant, vaut assurément mieux qu'un paresseux, un craintif, un sceptique, un
prodigue, un brouillon qui aurait l'étiquette radicale. Et si, dans ma circonscription, mon candidat n'étant pas élu, l'élu
est un homme intègre et qui travaille, je suis représenté tout de même ; car si
je connais un abus de pouvoir ou quelque gaspillage dans l'administration, je
saurai à qui m'adresser. Voilà pourquoi je veux que l'on considère plutôt le
caractère d'un homme, sa probité et sa puissance de travail, que le parti
organisé dont il aura reçu l'investiture.
30 juin 1911.
Mon commentaire :
Et comment
contrôle-t-on les contrôleurs ? Qui juge et punit les parlementaires eux-mêmes
? Si ces contrôleurs écrivent eux-mêmes leur code de conduite —la
Constitution—, nous sommes perdus.
Par ailleurs, je
ne partage pas cette conviction d’Alain que le peuple ne peut pas contrôler ses
élus par référendum. L’instruction et les moyens de communication ont beaucoup
progressé et ce qui était impensable hier semble devenu possible et même
souhaitable aujourd’hui. Cependant, les termes de l’alternative posés par Alain
restent d’une pertinence lumineuse. J’aime lire cet homme.
Contre la proportionnelle, scrutin injuste.
Quand ils ont dit que la Proportionnelle est juste, ils
croient avoir tout dit. Et je vois bien une espèce de justice au premier moment,
c'est-à-dire quand on nomme les députés ; mais encore faudrait-il y regarder de
près. Si l'électeur est moins libre et moins
éclairé dans son choix, est-ce juste ? Si les comités départementaux ont tout
pouvoir pour imposer tel candidat et surtout pour en éliminer un autre, est-ce
juste ? Si un homme droit et sûr prête son appui, par nécessité, à des
ambitieux aussi riches d'appétits que de talents, mais de pauvre caractère,
est-ce juste ? Si un ferme et libre esprit ne peut être élu qu'en traitant avec
un parti, est-ce juste ? Si les partis ainsi organisés ont presque tout pouvoir
pour échapper à la pression des électeurs, et tromper leurs espérances, est-ce
juste ? Si l'élite, déjà si puissante, se trouve fortifiée encore par ce
nouveau système électoral, est-ce juste ? Si l'influence des politiciens sur
les vrais amis du peuple, déjà trop forte, s'exerce alors irrésistiblement, par
les délibérations et les votes à l'intérieur du parti, est-ce juste ? Et enfin,
si l'écrasement des minorités est injuste dans la circonscription, par quel
miracle devient-il juste au parlement ? Car il faut bien que l'on décide enfin,
et que la majorité l'emporte. En somme, quand vous dites que la
Proportionnelle c'est la justice, j'ouvre bien les yeux, car j'aime la justice,
mais je ne comprends rien, je ne perçois rien de ce que vous annoncez.
En revanche, il y a
quelque chose que je comprends très bien et que je perçois très bien, c'est que
les opinions pour et contre la Proportionnelle correspondent à des opinions très
bien définies concernant l'avenir de la République. Car les uns, qui sont
l'élite, et que je reconnaîtrais presque au port de la tête, craignent
par-dessus tout ce qu'ils appellent la démagogie et les intérêts de clocher.
Ils veulent qu'en toute chose, armée, impôts, travaux publics, ce soient les
compétences qui décident ; ils veulent que la grande politique, qu'ils
appellent nationale, échappe tout à fait au contrôle des petites gens, pour qui
vivre de leur travail et s'assurer contre les risques est la grande affaire.
Enfin ils se défient de l'électeur. C'est contre l'électeur qu'ils ont inventé
la Proportionnelle, et l'invention est bonne.
Les autres savent trop, par trop d'expériences, ce que
devient la volonté populaire lorsqu'elle se heurte à l'action continue des
grands Ambassadeurs, des grands Banquiers et des grands Bureaucrates. Ils
savent trop comment les députés cherchent trop souvent autour d'eux, dans ce
milieu parlementaire qui a ses préjugés propres, un appui contre l'électeur, et
de beaux prétextes pour oublier leurs promesses. Ils savent que les grands
intrigants sont déjà assez forts, et disposent déjà trop des réputations et des
influences ; que l'air parisien est déjà assez mauvais et dangereux pour les
provinciaux même les plus rustiques ; et qu'enfin le scrutin d'arrondissement
est la meilleure arme de la province contre l'élite parisienne. Prise ainsi, la
question est assez claire, il me semble. Et c'est parce que ces raisons
commencent à se dessiner dans le brouillard, que cet accord apparent de la
plupart des députés recouvre en réalité des divisions profondes et une
résistance formidable.
14 juillet 1914.
Mon commentaire : D’accord, MAIS, même avec le scrutin
d’arrondissement, les élections législatives restent une révoltante
escroquerie. La raison en est que tout scrutin, s’il est dévoyé par les
intrigues partisanes, devient un scrutin détestable malgré toutes ses belles
promesses. Je continue à chercher, chez ce penseur exceptionnel qu’est Alain,
des traces de mon idée centrale —« ce n’est pas aux hommes au pouvoir
d’écrire les règles du pouvoir. »
Dans la même veine, il y a cet autre propos, excellent lui aussi :
Un bon scrutin permet de contrôler, de blâmer et de
détrôner tous les pouvoirs.
Le scrutin proportionnel, lui, offre un droit fictif et ne permet pas
davantage que de choisir un tyran parmi plusieurs tyrans.
Je vois que la Ligue des Droits de l'Homme, dans son
bulletin, recommande des cartes postales « proportionnalistes ». Il est
remarquable que tant de Républicains éclairés se soient laissés prendre par les
mots. Pour la Justice, pour le droit de l'électeur, ce beau programme devait
plaire à la Ligue. Un homme raisonnable me disait encore il n'y a pas longtemps
: « Je suis Proportionnaliste tout simplement parce que je veux conquérir
mon droit d'électeur. Je suis républicain, et assez décidé ; j'appartiens à une
circonscription où le royaliste est élu tous les quatre ans, sans lutte possible.
Que je vote ou que je ne vote pas, le résultat est, le même ; je demande
seulement que mon suffrage ne soit pas perdu ». Raison de belle apparence,
mais qui ne me frappe point.
Voter, ce n'est pas
précisément un des droits de l'Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l'on
avait la sûreté, l'égalité, la liberté. Le vote n'est qu'un moyen de conserver
tous ces biens. L'expérience a fait voir cent fois qu'une élite gouvernante,
qu'elle gouverne d'après l'hérédité, ou par la science acquise, arrive très
vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n'exerce pas un
pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n'exerce
pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s'agit donc pas de savoir
si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est
atteint, c'est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés
dès qu'ils méconnaissent les droits des citoyens.
On conçoit très bien un système politique, par exemple le
plébiscite, où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits
soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir
effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu'à être assuré que le
maître n'est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C'est dire
que je ne changerai pas mes droits réels pour
un droit fictif.
Or la Proportionnelle m'offre un droit
fictif, qui est de choisir pour mon compte, entre trois ou quatre Partis, quel
sera le Parti-Tyran. Mais que ce soit selon mon choix ou selon un autre, le Parti-Tyran
sera toujours tyran, et mes droits seront toujours diminués. Dès que le député dépend plus d'un journal ou d'un comité,
et moins de l'électeur, la liberté est menacée. Je dis la liberté de tous. Car
si je suis radical, et si les radicaux sont les maîtres, j'aurai bien quelques
faveurs si je les demande ; mais je n'appelle point cela liberté. Ce que j'appelle liberté, c'est la dépendance
étroite de l'élu par rapport à l'électeur. C'est d'après cela seulement que je juge un système électoral. En termes
bien clairs, il s'agit pour moi d'empêcher que les riches ajoutent le
pouvoir politique au pouvoir économique qu'ils ont déjà. Or, avec les
Partis et la Haute Politique, je suis assuré que les riches gouverneront.
Tandis qu'avec notre système, et les perfectionnements qu'il peut aisément
recevoir, comme limitation des dépenses électorales et secret du vote, nous
arriverons à tenir en bride les Grands Politiques, et les Hommes d'État
impatients qui ne parlent que de restaurer l'autorité. Merci du cadeau. Le
meilleur des rois ne vaut rien.
6 décembre 1912.
Source de ces trois premiers 'propos' : « éléments d’une doctrine radicale »
Nécessaire indépendance des députés à l’égard des
partis.
Tout contribue à jeter le chef dans de folles entreprises.
L’élection ne vaut pas contrôle.
Autant qu’un député juge à la manière d’un arbitre, et sans
considérer un parti ou l’autre, le peuple est libre, aussi libre que la
condition humaine le permet. Ce qui aura semblé nécessaire, utile, ou permis,
au plus grand nombre de ces arbitres sera tenu pour tel, et très raisonnablement.
Il n’en sera plus de même si le député considère
les partis. Car, si l’accusé, ici le ministre, est un des chefs de son
propre parti, il le soutiendra peut-être sans trop examiner, en vue de se
rapprocher de la tête. Si l’accusé est soutenu par l’autre parti, encore bien
mieux notre homme imaginera quelque ministère pour lui-même ou pour ses amis. Dans tous les cas il combattra comme soldat d’une
armée ; il combattra au lieu de juger. C’est ce qu’on voit toujours à
quelque degré, car rien n’est parfait ; mais le degré est ce qui importe. Supposez qu’un puissant parti occupe le pouvoir, et
paraisse en mesure de punir les indisciplinés et les traîtres par une exclusion
efficace, tout contrôle est rendu impossible et la liberté est perdue.
Les choses ne seront jamais tout à fait ainsi, parce que nul
système électoral ne détournera tout à fait le peuple de disloquer les partis
et de choisir des hommes. Mais il faut convenir que le système des listes, qui
vise toujours à écarter les isolés, nuit au contrôle et donne plus de liberté
aux pouvoirs quels qu’ils soient. Vouloir que le chef aime le scrutin
d’arrondissement, c’est trop demander. Les hommes font voir ici une
clairvoyance admirable. Observez les opinions, et vous remarquerez qu’elles
dépendent des fonctions. Tout homme qui détient une parcelle des pouvoirs,
quand ce ne serait qu’un chef de bureau, est pour le scrutin de liste et contre
le scrutin d’arrondissement. Aux yeux de celui qui n’est point du tout chef, la
proportionnelle est suspecte en ceci qu’elle suppose des listes et des partis.
Par la même raison tous les tyrans, grands et petits, tiennent pour la représentation
proportionnelle. Les socialistes ne sont pas loin de le comprendre, mais
seulement par les effets, et non point par les causes ; sans compter qu’ils
sont aisément un peu tyrans, et de bonne foi. « Si j’étais roi », telle est
leur chanson.
Si
tu étais roi sans contrôle, tu serais un mauvais roi. Il n’est point de sagesse
qui ne s’use à exercer le pouvoir.
L’importance, une pointe toujours d’entêtement, les difficultés réelles,
l’excès même du travail et le poids de mille affaires, enfin la mécanique du
pouvoir, qui est l’administration, tout
contribue à jeter le chef en de folles entreprises. Je le suppose
honnête, attaché au bien public, amoureux de la vraie gloire ; cela ne changera
rien. Et pareillement je suppose que ceux qui l’ont choisi soient réellement le
plus grand nombre, cela ne changera rien si ceux qui l’ont choisi n’ont pas le pouvoir de le modérer. Que les femmes
votent, cela ne changera rien. Mais au contraire, soit que les hommes votent
seuls, soit que les femmes s’y joignent, et que les chefs de famille aient
plusieurs voix ou non, pourvu que le député
soit tenu par les électeurs et non par les partis, le pouvoir sera tenu de dire ses secrets,
d’exposer ses projets, d’étaler ses comptes ; et tout ira passablement.
12 janvier 1924.
Source de ce dernier 'propos' : « Alain, Propos sur les pouvoirs », propos choisis et classés par Francis
Kaplan, Folio Essais n°1, 1985, p. 232.
Voyez aussi ALINALIA, le site des amis d'Alain : http://alinalia.free.fr.
Vous
pouvez réagir sur ce billet du blog :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/09/20/95-alain-contre-la-proportionnelle-scrutin-injuste-qui-abandonne-le-pouvoir-aux-partis
J’ai rencontré Jacques
Danon deux fois, et la position de l’UE sur son combat contre les
multinationales de l’assurance (c’est vraiment David & Goliath) est
à la fois révoltante et emblématique ; nous devrions tous être interpellés
par le sort que lui réservent les institutions de l’Union européenne, cela
n’arrive pas qu’aux autres. Sa solitude pourrait bien être prochainement la
nôtre. Voyez son blog, il est bien fait.
Voici un mail récent que m’a
envoyé une des personnes qui se battent à ses côtés, qui insiste sur quelques
points particulièrement choquants de l’affaire DANON :
Bonsoir
Étienne J’ai écouté
très attentivement hier soir l’une de vos interviews datée du mois de janvier
dernier qui se trouve sur votre blog. Vous dites, avec raison, que l’Europe
n’est plus une démocratie, que les puissances financières font la loi, que le
droit n’existe plus L’affaire
emblématique de Jacques illustre tellement bien ce que vous dites : les
puissances financières qui dictent leurs lois, le droit qui n’est soumis qu’à
leur arbitraire. Vous avez
dit que l’Europe est une fausse démocratie imposée en douce pour le compte
d’une oligarchie et que les institutions de l’Union européenne ont été
voulues par les banquiers. Par
rapport à vos considérants sur le comportement antidémocratique de l’UE, l’affaire
de Jacques offre une opportunité unique d’expliquer et de démontrer de façon
vivante et concrète comment les institutions européennes fonctionnent et que
l’image de protection et de démocratie n’est qu’une façade et qu’ils sont
complètement déconnectés de leurs citoyens. La
pièce maîtresse : Sur ce blog, je me permets
d’attirer votre attention toute particulière sur un document incroyable
(Novas) (annexe 1, en attache) qui démontre que l’oligarchie
financière s’approprie en toute impunité la puissance publique de l’Europe en
se prévalant des Commissaire européens, de la Commission européenne, du
Parlement européen et de son Président et des députés européens contre une
victime européenne devant la justice suisse, justice qui accepte ces
écritures, se transformant ainsi en tribune des institutions de l’UE contre
des citoyens de l’UE ! ! ! ! ! ! La même philosophie est renouvelée par la suite dans la
presse suisse transformant les Danon, en ennemis des relations bilatérales
entre la Suisse et l’UE (comme amplement démontré sur le site de la Ligue
des Droits de l’Homme belge). L’appel
au secours à l’Europe passe par le seul moyen qu’a le citoyen, à savoir le
droit de pétition. Les
Danon demandent secours et protection auprès des Institutions européennes qui
leur doivent protection. Comment est traitée au Parlement européen Le 14 février 2006, la pétition déposée le 22
septembre 2005 est déclarée recevable par la commission des pétitions du
Parlement européen. (annexe
2, en attache). Cette pétition met en avant que pour avoir eu le courage
de faire valoir leurs droits pendant près d’un quart de siècle, les Danon,
ont été ‘‘punis’’ et leur affaire transformée en une affaire d’Etat en
utilisant, en toute impunité, les institutions de l’UE contre eux, mais bien
pire encore, ils ont vu disparaître illégalement, arbitrairement et à leur
insu leur outil de travail de 25 ans et détruits, leurs intérêts économiques
vitaux et leur réputation équivalant à une mort économique et sociale. Leurs
avocats belges ont souligné ‘‘le fascisme économique’’ dont ils font l’objet.
Un éminent Professeur de droit bancaire suisse a conclu dans un avis de droit
‘‘boycott’’. (Comme
vous le dites si bien Étienne, l’Europe ne connaît plus le droit.) Au
mois de juin 2006, lors d’une audition au Parlement européen, le
comité des pétitions décide de convoquer la Winterthur devenue AXA
Winterthur, ainsi que la Suisse à l’audition du mois d’octobre 2006. Au mois d’août 2006, AXA Winterthur essaye, par le biais de la justice belge
d’obliger les Danon à retirer leur pétition. Le 4 octobre 2006, la
pétition (soutenue par la Ligue belge des droits de Homme) qui mettait en évidence
les violations au droit international public, aux droits fondamentaux, aux
traités internationaux, et qui demandait la protection des Danon de la part
de l’UE, est clôturée à l’unanimité, en violant à l’unanimité le
droit d’être entendu sur leurs moyens de défense présentés par les
avocats belges Par le
suite, soutenus par des députés européens, par la Présidente de la Sous
commission des droits de l’Homme du Parlement européen, ainsi que par la
Ligue belge des droits de l’Homme, les Danon demandent, comme ils en ont le
droit, la réouverture de cette pétition. Celle-ci leur est refusée. Le 31
janvier 2007, la Présidente de la Sous Commission des droits de l’Homme du
Parlement européen donne une conférence de presse sous le titre : Affaire
Danon: Violations des droits fondamentaux et atteinte aux accords bilatéraux
UE-Suisse Voir document en annexe 3 en
attache. Le service de presse des Verts du Parlement européen lance
des centaines d’invitations à toute la presse européenne écrite et parlée.
Seuls les journalistes de la presse suisse, plutôt agressifs, se présentent,
ainsi que AXA Winterthur accompagnés d’un
huissier…. ! ! ! ! ! Finalement les Institutions européennes se sont C’est
là où cette histoire des Danon, qui concerne aussi tous les citoyens de l’UE,
démontre avec force le bien-fondé de votre analyse de l’Europe que
j’ai pu entendre dans votre interview. Merci
pour votre attention, je vous appelle tout prochainement, Courtoises
salutations, MP |
Il me semble que nous devrions
nous montrer solidaires des Danon.
Ce cas est exemplaire.
Trets,
le 13 avril 2008, à 01:34.
Chers amis,
Contre les abus de pouvoirs
caractérisés que sont, à mon avis, tous les "traités constitutionnels",
je voudrais vous décrire une nouvelle idée pour résister au sabordage de la démocratie
par nos propres "représentants" : organiser partout une multitude de micro
résistances contre la source même de nos impuissances politiques :
1) Relier les signes alarmants
de l’actualité à l’impuissance politique des citoyens verrouillée par les
institutions ;
2) Concentrer nos protestations
sur l’honnêteté du processus constituant ;
3) Multiplier les micro
résistances à travers des manifestations hebdomadaires obstinées, le même jour
à la même heure, partout en Europe.
1) Les indicateurs alarmants sont nombreux qui
devraient nous inciter à contrôler tous les pouvoirs à tout moment :
Parmi les indicateurs
alarmants, on peut citer le crash financier majeur imminent, la dérive
policière des "démocraties" prétendument "libérales"
dans lesquelles même la torture — pratiquée sur des citoyens incarcérés sans
procès et sans défense — est autorisée et même encouragée au prétexte de "lutte
contre le terrorisme", l’usage massif d’armes nucléaires (des milliers
de tonnes de munitions à l’uranium) dans des pays écrasés par des guerres
contre d’insaisissables "terroristes", guerres déclenchées
sans que les peuples puissent l’interdire, la prolifération exponentielle des
OGM sans moyen de résister, le sabordage des services publics au prétexte d’une
dette fabriquée de toutes pièces par l’abandon de la création monétaire aux
banques privées, dette publique qui rend les prêteurs privés maîtres des
principales décisions publiques, l’abandon des peuples par leurs propres représentants
— politiciens de métiers qui doivent trop leur pouvoir aux puissances
financières —, les mécanismes de dérégulation à cliquet (à petits pas
irréversibles) qui dépouillent progressivement les États de leur droit
d’interdire le plus élémentaire (liberté de mouvement des capitaux imposée
par traité, AGCS négocié en secret, etc.), jusqu’aux constitutions !
écrites désormais directement par les présidents et leurs ministres et imposées
sans référendum !
La coupe est pleine et ça urge !
Il est temps que les citoyens reprennent le contrôle de leurs représentants.
Pourtant, les militants de tous
bords semblent mener leurs luttes sociales sans se préoccuper du tout de la
Constitution : ils luttent vaillamment sans
prêter attention aux fers que nous portons tous aux mains et aux pieds et qui
nous contraignent au plus haut niveau du droit.
Il me semble que toutes nos
luttes sociales sont vouées à rester de simples gesticulations sans effets
durables tant que des verrous institutionnels privent les citoyens du contrôle
des pouvoirs institués.
L’apparente indifférence des
militants sur ce point décisif m’étonne d’autant plus que ces verrous, déjà
redoutables dans les droits nationaux, sont terriblement renforcés, pérennisés,
par les institutions européennes.
Ainsi, nous avons urgemment
besoin du référendum d’initiative citoyenne (RIC) que nous garantiraient
assurément d’honnêtes institutions. Et ce droit élémentaire,
les politiciens de métier ne nous le donneront jamais, pour la raison
simple que ce droit citoyen irait directement contre leur intérêt personnel en
les privant d’une partie de leur pouvoir. C’est pourquoi je dis haut et fort
que ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir ;
ce n’est ni aux parlementaires ni aux ministres ni aux juges d’écrire ou de
réviser la Constitution.
D’où cette idée, qui me semble
doublement originale :
2) Nous devrions nous concentrer sur l’essentiel : l’honnêteté du processus constituant :
Il faudrait prioritairement protester contre l’essentiel et, comme
je viens de le suggérer, il me semble que la source majeure de nos impuissances est l’illégitimité
fondamentale des pouvoirs de l’Union européenne, conçue et
imposée par des exécutifs qui sont évidemment juges et partie dans un
processus constituant : ils s’écrivent des règles pour eux-mêmes
et ça se voit partout.
Cette partialité au plus haut
niveau du droit est extrêmement dangereuse pour les libertés et on peut le
constater concrètement : ce qui est programmé grâce à l’UE, c’est l’impuissance
politique des citoyens face au chômage, aux bas salaires, à la violence
économique et bientôt à la guerre, et l’absence de contrôle public des
pouvoirs dans les domaines qui comptent le plus pour les industriels et les
banquiers : marché intérieur, concurrence, liberté de mouvement des
capitaux, droit fiscal et droit social, notamment.
Alors qu’une Assemblée
constituante désintéressée programmerait sans doute un véritable référendum
d’initiative citoyenne (RIC), rouage central du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes, qui nous
permettrait enfin, par exemple, d’interdire nous-mêmes, rapidement et sans
difficulté, à la fois les paradis fiscaux, les OGM en plein champ, les armes à
l’uranium "appauvri", la privatisation des services publics, le cumul
des mandats, la libre circulation des capitaux, l’abandon de la création
monétaire aux banques privées, et bien d’autres fléaux dont, manifestement,
les politiciens de métier s’accommodent fort bien malgré les souffrances des
citoyens.
La première
originalité de l’idée que je vous propose serait donc de se concentrer très prioritairement sur la source même de
nos problèmes, c’est-à-dire le processus constituant : il s’agirait de
lutter contre le régime illégitime européen.
3) Une autre
originalité consiste à multiplier les micro-résistances et à protester toutes les semaines, le même jour et à la même heure, partout en Europe, par petits
groupes au début mais tout le temps et partout :
Ensuite,
deuxième originalité, plutôt que de faire une grande manif une fois tous les
six mois ou tous les ans, et puis plus rien jusqu’à la prochaine, avec une
frustration générale de ne rien pouvoir faire au quotidien, je propose de nous
inspirer de l’exemple des Allemands de l’est
et de leur idée, qui a très bien marché en 1989 (avec la chute du mur de
Berlin), et qui s’appelait « les
manifestations du lundi » :
Nous
organiserions, modestement mais vaillamment, plein
de petites manifestations, un peu partout, dans tous les quartiers et villages
d’Europe, le même jour à la même heure, toutes les semaines :
je propose le mercredi à 18 ou 19 h, mais il faut en parler entre nous, on fait
ce qu’on veut :o)
Ce serait un
rendez-vous régulier, facile à mémoriser et à
rejoindre par les nouveaux mécontents ou les nouveaux courageux, à
fréquenter sans peine puisque tout près
de chez nous, et permettant d’être
nombreux même en n’étant que 5 ou 10
personnes au même endroit puisque réunis un peu partout en
Europe au même moment, avec un site central et un forum par manif
pour faire connaître les initiatives et les infos utiles.
Ce serait
surtout le spectacle permanent d’un mécontentent général
et persistant, mécontentement opiniâtre et
obstiné, pas résigné du tout, prêt à se cristalliser bientôt.
Ce serait des Manifestations Obstinées Contre Le Régime Illégitime Européen
(MOCRIE), régime imposé aux peuples européens par voie de
traités, sans Assemblée constituante ni Référendum.
Nota : pour permettre la cohabitation
pacifique de tous les résistants, je recommande de s’interdire tout étendard ou drapeau partisan dans
ces MOCRIEs : à l’évidence, le clivage « gauche
droite » nous divise et nous affaiblit. Ce mouvement citoyen devrait
se concentrer sur l’essentiel : rendre le contrôle des pouvoirs publics
aux personnes physiques.
Il semble que des initiatives
soient en train de naître dans le même esprit un peu partout en Europe.
Il y en a
déjà cinq qui sont apparues en France en quelques heures (voir
le blog) : ainsi, tous les
mercredis à 18h, à partir du 16 avril, il y aura
une petite MOCRIE à Trets, sur la place de la Mairie, une autre MOCRIE à
Lyon, place de la République, une troisième MOCRIE à Montpellier, une autre
MOCRIE à Rennes, place de la Mairie, et encore une à Nantes
(44000) devant le château de la Duchesse Anne…
Vous aussi, n’hésitez pas à créer votre propre petite MOCRIE,
tout près de chez vous, simplement.
Puis, venez nous en avertir ici :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees
Si l’idée vous
plaît, j’ai besoin de vous, évidemment, pour la faire connaître entre simples
citoyens et pour organiser les outils qui nous permettront de communiquer entre
nous. Je vais créer un site qui centralise les infos et qui offre
notamment un forum par MOCRIE, de façon à permettre aux participants de communiquer.
On verra si
cette graine d’idée est assez simple et assez forte pour survivre dans la tourmente
que vit en ce moment l’idéal démocratique.
Amicalement.
Étienne.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
Organisons des microrésistances au traité de
Lisbonne,
Voici quelques articles sur l’expérience des
Allemands de l’est : « Allemagne : le retour
des manifestations du lundi » http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=4340 « La contestation
sociale s’amplifie » http://www.rfi.fr/actufr/articles/056/article_29909.asp « L’impact des
manifestations du lundi » http://www.humanite.fr/2004-09-20_International_L-impact-des-manifestations-du-lundi « Contre les patrons
voyous ! Appel pour les
manifestations du lundi » par Jean Dornac : http://wb.attac.be/Contre-les-patrons-voyous.html « Allemagne : les
jeunes larouchistes relancent les manifestations du lundi ! » http://solidariteetprogres.online.fr/Campagnes/Saxe.html « Mouvements populaires
en RDA » http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9unification_allemande#Mouvements_populaires_en_RDA
« Le pasteur qui a fait
tomber le mur de Berlin se retire » de Pierre Bocev, dans Le Figaro.fr
: |
De mon côté, je
propose ma première MOCRIE :
à TRETS (France 13530), le mercredi 16 avril
2008, à 18 h,
sur la place de la Mairie.
Je
vais préparer une banderole, avec d’un côté
« CECRI : Citoyens
Européens Contre le Régime Illégitime,
contre des pouvoirs imposés par voie de traités et sans référendum »
et de l’autre :
« MOCRIE : Manifestations
Obstinées Contre le Régime Illégitime Européen
toutes les semaines, le même jour à la même heure, partout en
Europe »
Les représentants
politiques des différents pays européens, tout en affirmant leur amour de la
démocratie, ont engagé depuis cinquante ans un processus constituant sans
les peuples qu’ils sont pourtant censés représenter, et même parfois carrément
contre eux, comme en France et aux Pays-Bas où les élus imposent par
voie parlementaire ce que leur peuple vient de refuser expressément par
référendum.
Les reproches majeurs que nous faisons aux
institutions européennes (voir encadré page suivante), et notamment celui de
verrouiller partout l’impuissance politique des citoyens, ne sont nullement
pris en compte par les élites politiques, médiatiques et économiques : la
démocratie imposée par nos élus est de plus en plus clairement factice.
Pourtant, les indicateurs alarmants
sont nombreux qui devraient nous inciter à contrôler tous les pouvoirs à tout
moment : le crash financier majeur imminent, la dérive policière des
"démocraties" prétendument "libérales" où
même la torture — pratiquée sur des citoyens incarcérés sans procès et sans
défense — est autorisée et même encouragée au prétexte de "lutte contre
le terrorisme", l’usage massif d’armes nucléaires (des milliers de
tonnes de munitions à l’uranium) dans des pays écrasés par des guerres contre
d’insaisissables "terroristes", guerres déclenchées sans que
les peuples puissent l’interdire, la prolifération exponentielle des OGM sans
moyen de résister, le sabordage des services publics au prétexte d’une dette
fabriquée de toutes pièces par l’abandon de la création monétaire, dette
publique qui rend les prêteurs privés maîtres des principales décisions
publiques, l’abandon des peuples par leurs propres représentants — politiciens
de métiers qui doivent trop leur pouvoir aux puissances financières —,
jusqu’aux constitutions écrites désormais directement par les présidents et
leurs ministres et imposées sans référendum ! La coupe est pleine et ça
urge ! Il est temps que les citoyens reprennent le contrôle de leurs
représentants.
Nous, citoyens européens de
toutes tendances, attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
contestons solennellement le droit des responsables politiques à redéfinir
eux-mêmes leurs propres pouvoirs sans consulter directement les peuples
concernés. Les
élus ne sont pas propriétaires de la souveraineté populaire ; ils n’ont
pas de légitimité à modifier eux-mêmes les institutions.
L’expression "traité
constitutionnel" est un aveu d’abus de pouvoir : on n’écrit pas les
constitutions par voie de traité. Ce n’est pas aux ministres, ni aux
parlementaires ni aux juges d’écrire ou de modifier les institutions
européennes : seuls les peuples eux-mêmes, — sur proposition d’une
Assemblée constituante désintéressée, c’est-à-dire dont les membres
n’écrivent pas des règles pour eux-mêmes —, seuls les peuples eux-mêmes ont
la légitimité politique de fixer et limiter les pouvoirs de leurs représentants,
par référendum, à l’issue d’un vrai débat public.
Au contraire, les
gouvernants européens profitent de leur pouvoir pour en abuser : le
processus constituant « par traités » rend les institutions
européennes très profondément illégitimes. Il nous semble important et urgent de
résister à cette dérive tyrannique et d’organiser cette résistance pour aussi
longtemps qu’elle sera nécessaire.
Un
souvenir : avant la chute du mur, les Allemands de l’est manifestaient
tous les lundis à 18 h pour dire simplement : « le
Peuple, c’est nous ». Ils étaient parfois une poignée, parfois des dizaines
de milliers, mais ils étaient toujours là, visibles.
Ce geste courageux de résistance
durable pourrait nous inspirer dans la lutte contre le processus despotique qui
se joue avec les traités inconstitutionnels européens : nous
pourrions, nous, institutionnaliser la résistance, autant que possible,
en multipliant les lieux où se manifeste le mécontentement :
Dans toutes les villes
d’Europe où il existe des résistants déterminés, seraient organisées
DES MANIFESTATIONS HEBDOMADAIRES,
tous les mercredis à 18 h par exemple.
Lors de ces manifestations, on
pourrait médiatiser internationalement les principales initiatives citoyennes
du moment,
ce qui donnerait à ces initiatives de la visibilité, et donc de la force. Par
exemple :
• la plainte de milliers de citoyens auprès
de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre l’État pour
violation du droit à élire notre Corps législatif, plainte d’origine
citoyenne que soutient www.29mai.eu,
• la pétition contre le parasitisme
financier, déchaîné par des institutions européennes complaisantes qui
interdisent aux États de gêner la libre circulation des capitaux,
pétition d’origine citoyenne que défend www.stop-finance.org,
• la pétition pour l’indispensable et très
populaire Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), pétition et projet
citoyen développés par www.ric-france.fr,
etc.
Dans les grandes villes, c’est même chaque
arrondissement (ou chaque quartier) qui pourrait organiser une telle manif
hebdomadaire, pour que chacun puisse s’y associer souvent sans trop perdre de
temps en transport inutile ; il est d’ailleurs sans doute plus efficace —
pour signifier qu’une colère générale gronde — que les manifestations, même
petites, soient très nombreuses, un peu partout en Europe.
Un site web (un wiki ou un
spip pour permettre le travail collaboratif) centraliserait une carte
européenne des manifestations et récapitulerait les villes et les villages
européens actuellement en résistance affichée, ainsi que les meilleures initiatives
populaires (slogans, visuels, plaintes, actions, événements, manifestes,
images et textes…).
Est-ce cette petite graine d’idée saura
germer partout en Europe ? Je l’espère :o)
Étienne
Chouard.
(8 avril 2008)
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/07/93-pour-des-manifestations-populaire-obstinees-mpo
Voyez, ci-après, la liste des principaux
griefs contre les institutions européennes, ainsi que les textes de
référence correspondants :
Liste des principaux malheurs programmés par les institutions
européennes, a) D’abord et principalement, le chômage de masse est
incroyablement encouragé par les institutions européennes à travers une
politique monétaire contraire à l’intérêt général : la lutte contre l’inflation
comme mission absolument prioritaire et intangible d’une Banque centrale
européenne (BCE) rigoureusement indépendante des représentants du peuple
(art. 119, 130 et 282 §2 et §3 TFUE) est une priorité contestable fixée au
plus haut niveau du droit, donc inaccessible à tout revirement de l’opinion
publique. Cette priorité qui n’avantage que les rentiers, imposée jusqu’à
nouvel ordre par les institutions européennes, entretient délibérément un
chômage massif et des bas salaires, ce qui présente l’avantage — pour
certains — de rendre tout le monde très docile et ne profite qu’aux
plus riches. Ce seul point devrait conduire tous les salariés (91% de la
population active) dans la rue contre le dernier acte du coup d’État européen
qu’est le traité de Lisbonne. b) Ensuite, et c’est un vrai
hara-kiri financier, la
création monétaire est totalement abandonnée aux banques privées :
la constitution européenne (art. 123 TFUE) interdit aux banques centrales de
prêter de l’argent aux États — [prêts qui permettraient un financement des
investissements publics sans subir la charge des intérêts]. Il est essentiel
de comprendre que cette interdiction impose aux États d’emprunter cet argent
— avec intérêts ! — aux acteurs privés qui ont de l’argent à placer
(pour s’enrichir sans travailler). Cette règle scandaleuse contraint les
États (c’est-à-dire nous tous) à payer des intérêts ruineux pour
financer les investissements publics — et à accumuler rapidement une dette
extravagante au regard de l’intérêt général (plus de 40 milliards d’euros
par an d’intérêts pour la France) —, alors que, si notre banque centrale pouvait
financer les équipements publics, les intérêts payés pourraient être
redistribués à la collectivité au lieu d’enrichir les
« investisseurs » privés. Non seulement elle nous ruine, mais en
plus, la dette publique (rendue inexorable par les institutions dans le
monde entier) verrouille au plus haut niveau du droit l’impuissance de nos
représentants politiques, réduits au rôle de marionnettes dépendantes des
puissances financières. Cet autre vice majeur devrait suffire, à lui seul, à
alimenter une révolte générale. c) L’interdiction
faite aux États de limiter les mouvements des capitaux (art. 63 TFUE) et la liberté d’établissement (art. 49 TFUE)
ont privé les travailleurs de tout contre-pouvoir face à la démesure des
actionnaires, les livrant à la concurrence intégrale à tous
niveaux ; elles exposent nos économies à la spéculation effrénée,
aux crises boursières à répétition et bientôt à la faillite
générale. Après avoir maté les travailleurs, les financiers leur feront
bientôt payer la note, à travers leurs salaires et leurs impôts. Qui donc a
intérêt à cette liberté absolue des renards libres dans le poulailler
libre ? Sûrement pas l’intérêt général. Encore un vice majeur dont
« l’élite » ne veut pas débattre et qui devrait lever les foules
contre tous les « traités constitutionnels » européens. d) La clause de défense mutuelle entre pays
membres de l’UE ne met pas en cause les engagements souscrits au sein de
l’OTAN (art. 42 §2 TUE). Cette clause, qui confirme l’art. 5 du pacte
atlantique, soumet de
fait toute défense européenne à celle de l’OTAN, puisque ce sont
les États européens les plus puissants militairement, économiquement et
politiquement qui ont la double appartenance. Cet assujettissement est
d’autant plus grave que, d’une part, l’UE et l’OTAN permettent aux États qui
en sont membre de s’associer pour des interventions ou des missions sur des «
théâtres extérieurs » et que, d’autre part, les instances politiques et
militaires de l’OTAN envisagent une restructuration de l’Alliance, fondée sur
la possibilité de frappe nucléaire « préemptive » (en premier) et
l’éventualité d’opérations engagées sans autorisation des Nations Unies
décidées par un simple consensus. e) Les
Ministres et Présidents accumulent les pouvoirs exécutif et législatif sur une série de domaines cachés au public sous le nom
trompeur de « procédures législatives spéciales »
(art. 289 §2 TFUE pour le principe ; les autres articles sont
disséminés — cachés — dans le TFUE) et d’« actes non
législatifs » (exemples : art. 24 TUE, ou art. 290 TFUE). Les
ministres — agents exécutifs, en principe — se rassemblent en un
« Conseil » — en oubliant curieusement de préciser que c’est un
conseil de ministres — et se déclarent carrément co-législateurs (art.
16 TUE). Ces violations caractérisées du principe essentiel de la séparation
des pouvoirs révèlent une dérive considérée par la Déclaration des droits de
l’homme (art. 16 DDHC) comme la marque la plus sûre du retour à la
tyrannie : des pouvoirs non séparés sont des pouvoirs à la merci des
puissances privées du moment. f) Les
exécutifs contrôlent aussi la carrière des juges européens dont le pouvoir est considérable : les juges sont nommés
pour six ans, ce qui est court, renouvelables, ce qui crée une
dépendance dangereuse (art. 253 TFUE). Cette violation du principe essentiel
de l’indépendance des juges par rapport aux autres pouvoirs bafoue encore le
principe protecteur de la séparation des pouvoirs, et encore une fois au
profit des ministres (qui nomment et renouvellent — ou pas — les
juges) ; on voit partout que ce sont eux, ministres, qui ont écrit les
règles. g) Le
pouvoir législatif — ordinaire, mais aussi constituant — est contrôlé, pour
l’essentiel, par des organes non élus. Exemples : conférence intergouvernementale (composée de
ministres) modifiant les institutions (art. 48 §4 TUE), Commission européenne
(non élue) ayant l’exclusivité de l’initiative législative (art. 17 §2 TUE,
ce qui est une véritable insulte à la démocratie représentative), ministres co-législateurs
(!) (art. 16 TUE), Banque centrale productrice de normes obligatoires à
portée générale (art. 132 TFUE), etc. h) Les
citoyens n’ont aucun moyen de résister à un abus de pouvoir et les
initiatives citoyennes sont muselées à
travers une procédure d’« initiative d’invitation » trompeuse
car sans aucune force contraignante (art. 11 §4 TUE). On prend les
citoyens pour des imbéciles en leur offrant bruyamment des cadeaux…
absolument vides. i) Les
procédures de révision permettent aux exécutifs de modifier eux-mêmes les
institutions, et surtout sans consulter les peuples concernés (art. 48 TUE). Ce sont d’abord toujours des organes non
élus qui sont chargés de réviser la Constitution européenne, ainsi que de
contrôler toute proposition de révision, et surtout les citoyens sont
tenus bien à l’écart du processus constituant qui n’impose aucun
référendum : la « démocratie » que nous imposent nos élus
est factice. j) Tout cela est dû,
d’après nous, à ce que le
processus constituant est lui-même profondément vicié par le fait que les
hommes au pouvoir, à la faveur de la construction européenne, s’écrivent des
règles pour eux-mêmes (art. 48 §4 TUE), alors que seule une
Assemblée constituante désintéressée peut programmer de bonnes
institutions : les membres de cette Assemblée ne doivent pas avoir un
intérêt personnel à l’impuissance politique des citoyens : ils
doivent donc, d’abord, être déclarés inéligibles aux fonctions qu’ils
instituent, et surtout, ils ne doivent pas être élus parmi des candidats
désignés par des partis, car ces hommes-là sont — forcément — à la fois
« juges et parties » dans un processus constituant. |
Consultez tous les textes de références cités à cette
adresse : |
Extraits
(7 pages) des institutions européennes modifiées par le traité de
Lisbonne :
articles incriminés par l’appel
à des Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime (MOCRIE)
0Hhttp://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees
[commentaires en vert et entre crochets] (Mise
à jour du 18 avril 2008)
et autres
documents (2 pages) propres à étayer les affirmations de cet
appel :
[Nota : quand le traité parle de « Conseil »,
les juristes semblent, avec ce nom abrégé et ambigu, préférer que les
citoyens oublient qu’il s’agit d’une assemblée de Ministres : la
confusion des pouvoirs qui règne partout au profit des exécutifs se verrait
davantage, sans doute, avec son vrai nom : « Conseil des Ministres ». Ne pas oublier que les institutions européennes sont écrites,
précisément, par les pouvoirs exécutifs, qui s’écrivent donc des règles
pour eux-mêmes, et ça se voit partout.] |
Article 16 TUE [confusion des pouvoirs : pouvoir
législatif abandonné à des ministres, censés uniquement exécuter les lois,
surtout sans les écrire !] 1. Le Conseil [des
Ministres] exerce, conjointement avec le Parlement européen, les
fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de définition
des politiques
et de coordination conformément aux conditions prévues par les traités. 2. Le Conseil est composé d'un représentant de
chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement
de l'État membre qu'il représente et à exercer le droit de vote. Article 17 TUE [exclusivité de l’initiative des lois (pouvoir
législatif) donné à la Commission (non élue !)] 1.
La Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives
appropriées à cette fin. Elle veille à l'application des traités ainsi que
des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille
l'application du droit de l'Union sous le contrôle de la Cour de justice de
l'Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle
exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion conformément
aux conditions prévues par les traités. À l'exception de la politique
étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités,
elle assure la représentation extérieure de l'Union. Elle prend les
initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l'Union pour
parvenir à des accords interinstitutionnels. 2.
Un acte législatif de l'Union ne peut
être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les
cas où les traités en disposent autrement. [Remarque : les cas en question ne
prévoient jamais que le Parlement pourrait être autonome sur un sujet donné
ou un autre, jamais : les exceptions à l’exclusivité de l’initiative
sont toujours prévues pour donner du pouvoir aux exécutifs, toujours !] Les autres actes sont
adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient. |
Article 119 TFUE [priorité absolue de la BCE = lutte contre l’inflation,
et tant pis pour le chômage, tant pis pour les travailleurs, tant mieux pour
les riches rentiers] 1.
Aux fins énoncées à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l'action des États membres et de l’Union
comporte, dans les conditions prévues par les traités, l'instauration d'une
politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques
économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition
d'objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d'une
économie de marché ouverte où la concurrence est libre. 2.
Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par les
traités, cette action comporte une monnaie
unique, l'euro, ainsi que la définition et la conduite d'une politique
monétaire et d'une politique de change uniques dont l'objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et,
sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques
générales dans l’Union, conformément au principe d'une économie de marché
ouverte où la concurrence est libre. 3.
Cette action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants : prix stables,
finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements
stable. Article 282 TFUE [priorité absolue de
la BCE = lutte contre l’inflation, et tant pis pour le chômage (2ème
couche)] 1. La Banque centrale européenne et les banques
centrales nationales constituent le Système européen de banques centrales. La
Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des États
membres dont la monnaie est l'euro, qui constituent l'Eurosystème, conduisent
la politique monétaire de l'Union. 2. Le Système européen de banques centrales est
dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne. L'objectif principal du Système européen de banques centrales est de
maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son
soutien aux politiques économiques générales dans l'Union pour contribuer à
la réalisation des objectifs de celle-ci. 3. La Banque centrale européenne a la personnalité
juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l'émission de l'euro. Elle est indépendante dans l'exercice de ses pouvoirs et dans la
gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l'Union
ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance.
(…) Dans
l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs
qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE,
ni la Banque centrale européenne, ni une
banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de
décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des
institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États
membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou
organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres
s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les
membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des
banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions. |
1.
Il est interdit à la Banque centrale
européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après
dénommées "banques centrales nationales", d'accorder des découverts ou tout autre type de
crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux
administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres
autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États
membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque
centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de
leur dette est également interdite. 2.
Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui,
dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques
centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la
Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés
de crédit. [Certains s’appuient sur le second paragraphe de cet article 123
pour soutenir l’idée que l’État, s’il le voulait, pourrait créer la monnaie
de financement dont il a besoin par
l’intermédiaire de ces établissements publics de crédit. C’est méconnaître le
fait qu’entre un tel établissement et le Trésor Public les échanges
monétaires ne peuvent s’effectuer qu’en monnaie centrale (inutilisable
pour les dépenses ordinaires). Dit autrement, un établissement public de
crédit ne peut pas ouvrir un crédit à l’État. Cf. AJH dans son tout dernier
livre : « La dette publique, une affaire rentable. »] |
1.
Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux
entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont
interdites. 2.
Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions
aux paiements entre les États
membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
Dans
le cadre des dispositions visées ci-après, les
restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre
dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette
interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de
succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis
sur le territoire d'un État membre. La
liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur
exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment
de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions
définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants,
sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. |
(…)
2. (…) La politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte
pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de
certains États membres, elle respecte les
obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États
membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre
de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est
compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans
ce cadre. (…) 7. Au cas où un État membre serait l'objet
d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui
doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir,
conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte
pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de
certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine
demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du
traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres,
le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre. |
Procédures législatives : procédure législative ordinaire = codécision avec des Ministres
tuteurs du Parlement, Les actes non législatifs
ne sont pas bien définis et doivent se comprendre « en creux », par
rapport à l’art. 289 §3, quand les
procédures législatives sont exclues : par exemple, en matière de PESC (à propos de la
guerre, rien que ça), les décisions sont prises par les exécutifs à
l’exclusion expresse de toute procédure législative, c’est-à-dire sans
donner le moindre pouvoir au Parlement… (voir plus bas les art. 24, 26 et 28
TUE).]
Pour
exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements,
des directives, des décisions, des recommandations et des avis. Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire
dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État
membre. La directive lie tout État membre destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la
forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments.
Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour
ceux-ci. Les
recommandations et les avis ne lient pas.
1.
La procédure législative ordinaire consiste en l'adoption d'un règlement,
d'une directive ou d'une décision conjointement par le Parlement européen et
le Conseil, sur proposition de la Commission. Cette procédure est définie à
l'article 294. 2. Dans les cas spécifiques prévues par les traités,
l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision par le Parlement
européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la
participation du Parlement européen constitue une procédure législative spéciale. 3. Les actes juridiques adoptés par procédure
législative constituent des actes législatifs. [Pour un exemple d’actes non législatifs, voyez la PESC, dans la
case suivante. Pour comprendre ces « procédures législatives
spéciales » — qu’on devrait plutôt appeler « lois sans
parlement » —, il faut parcourir un à un les centaines d’articles
des traités… Le fait de refuser de présenter la moindre liste de ces lois
sans parlement est, en soi, éminemment suspect : pourquoi donc cacher
ces domaines réservés où l’exécutif légifère seul ? Voici un exemple de procédure législative ordinaire
et de procédure législative spéciale, en matière de politique sociale :
les domaines de codécision entre
Parlement et Ministres sont surlignés en gris, les domaines
où l’exécutif légifère seul (Montesquieu fait la toupie dans sa tombe) sont
surlignés en rouge]
1.
En vue de réaliser les objectifs visés à l'article 151, l’Union soutient et
complète l'action des États membres dans les domaines suivants : a) l'amélioration, en particulier, du milieu de travail
pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ; b) les conditions de travail ; c) la sécurité sociale et la protection sociale
des travailleurs ; d) la protection des travailleurs en cas de
résiliation du contrat de travail ; e) l'information et la consultation des travailleurs ; f) la représentation et la défense collective
des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous
réserve du paragraphe 5 ; g) les conditions d'emploi des ressortissants
des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union ; h) l'intégration des personnes exclues du marché du
travail, sans préjudice de l'article 166 ; i) l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne
leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ; j) la lutte contre l'exclusion sociale ; k) la modernisation des systèmes de protection sociale,
sans préjudice du point c) 2.
À cette fin, le Parlement européen et le
Conseil : a)
peuvent adopter des mesures destinées à encourager la coopération entre États
membres par le biais d'initiatives visant à améliorer les connaissances, à
développer les échanges d'informations et de meilleures pratiques, à
promouvoir des approches novatrices et à évaluer les expériences, à l'exclusion
de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des
États membres ; b) peuvent arrêter, dans les domaines visés au
paragraphe 1, points a) à i), par voie de directives, des prescriptions
minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et
des réglementations techniques existant dans chacun des États membres. Ces
directives évitent d'imposer des contraintes administratives, financières et
juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de
petites et moyennes entreprises. Le Parlement européen et le Conseil statuent conformément
à la procédure législative ordinaire après consultation du Comité économique et social
et du Comité des régions. Dans les domaines visés au paragraphe 1, points
c), d), f) et g), du présent article, le Conseil statue conformément à une
procédure législative spéciale, à l'unanimité, après consultation
du Parlement européen et desdits Comités. Le
Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission après
consultation du Parlement européen, peut décider de rendre la procédure
législative ordinaire applicable au paragraphe 1, points d), f) et g), du
présent article. [Mystère : le point c, et lui seul, ne pourra en aucun cas
relever de la codécision. Domaine réservé des ministres.] 3.
Un État membre peut confier aux partenaires sociaux, à leur demande
conjointe, la mise en oeuvre des directives prises en application du
paragraphe 2 ou, le cas échéant, la mise en oeuvre d'une décision du Conseil
adoptée conformément à l'article 155. Dans
ce cas, il s'assure que, au plus tard à la date à laquelle une directive ou
une décision doit être transposée ou mise en oeuvre, les partenaires sociaux
ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, l'État
membre concerné devant prendre toute disposition nécessaire lui permettant
d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par ladite
directive ou ladite décision. [Est-ce qu’on pourrait expliquer aux citoyens pourquoi « la
sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs » (point c)
sont rigoureusement exclues du pouvoir du Parlement et réservées au pouvoir
sans contrôle du Conseil des ministres ?] |
[Actes non législatifs : pas facile de comprendre quelle est la
portée de ces normes européennes qui ressemblent à notre pouvoir
réglementaire en France : On a un bel exemple de ces "actes non législatifs" à
propos de la PESC, politique étrangère et de sécurité commune :
où, quand et comment allons-nous faire la guerre… Le
Parlement n’a aucun pouvoir en la matière : les exécutifs semblent y
avoir confisqué tous les pouvoirs, sans contre-pouvoir (vous avez dit "démocratie" ?) :]
1.
La compétence de l'Union en matière
de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité
de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense
commune qui peut conduire à une défense commune. La
politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en oeuvre par le Conseil européen
et le Conseil, qui statuent à l'unanimité, sauf dans les cas où les
traités en disposent autrement. L'adoption d'actes
législatifs est exclue. Cette politique est exécutée par le haut représentant de l'Union pour
les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres,
conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de
la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de
justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces
dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article
40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions
visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne. [Les Présidents des États membres fixent les grandes lignes de la
PESC,
1.
Le Conseil européen identifie les intérêts
stratégiques de l’Union, fixe les objectifs et définit les
orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y
compris pour les questions ayant des implications en matière de défense. Il
adopte les décisions nécessaires. Si
un développement international l'exige, le président du Conseil européen
convoque une réunion extraordinaire du Conseil européen afin de définir les
lignes stratégiques de la politique de l'Union face à ce développement. 2.
Le Conseil élabore la politique étrangère et
de sécurité commune et prend les décisions nécessaires à la définition et à
la mise en oeuvre de cette politique, sur la base des orientations
générales et des lignes stratégiques définies par le Conseil européen. Le
Conseil et le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité veillent à l'unité, à la cohérence et à l'efficacité de
l'action de l'Union. 3.
La politique étrangère et de sécurité commune est exécutée par le haut représentant et par les États membres,
en utilisant les moyens nationaux et ceux de l'Union.
1.
Lorsqu'une situation internationale exige une action opérationnelle de
l'Union, le Conseil adopte les décisions
nécessaires. Elles fixent leurs objectifs, leur portée, les moyens à
mettre à la disposition de l'Union, les conditions relatives à leur mise en
œuvre et, si nécessaire, leur durée. 2.
S'il se produit un changement de circonstances ayant une nette incidence sur
une question faisant l'objet d’une décision visée au paragraphe 1, le Conseil révise les principes et les objectifs
de cette décision et adopte les décisions nécessaires. 3.
Les décisions visées au paragraphe 1
engagent les États membres dans leurs prises de position et dans la
conduite de leur action. 4.
Toute prise de position ou toute action nationale envisagée en application
d’une décision visée au paragraphe 1 fait l’objet d’une information par
l’État membre concerné dans des délais permettant, en cas de nécessité, une
concertation préalable au sein du Conseil. L'obligation d'information
préalable ne s'applique pas aux mesures qui constituent une simple
transposition sur le plan national des décisions du Conseil. 5.
En cas de nécessité impérieuse liée à l'évolution de la situation et à défaut
d’une révision de la décision du Conseil visée au paragraphe 1, les États
membres peuvent prendre d'urgence les mesures qui s'imposent, en tenant
compte des objectifs généraux de ladite décision. L'État membre qui prend de
telles mesures en informe immédiatement le Conseil. 6.
En cas de difficultés majeures pour appliquer une décision visée au présent
article, un État membre saisit le Conseil, qui en délibère et recherche les
solutions appropriées. Celles-ci ne peuvent aller à l'encontre des objectifs
de la décision visée au paragraphe 1 ni nuire à son efficacité. |
1.
Un acte législatif peut déléguer à la
Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou
modifient certains éléments non essentiels
de l'acte législatif. Les
actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la
portée et la durée de la délégation de pouvoir. Les
éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne
peuvent donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir. 2.
Les actes législatifs fixent explicitement les conditions auxquelles la
délégation est soumise, qui peuvent être les suivantes : a)
le Parlement européen ou le Conseil peut décider de révoquer la délégation ; b)
l'acte délégué ne peut entrer en vigueur que si, dans le délai fixé par
l'acte législatif, le Parlement européen ou le Conseil n'exprime pas
d'objections. Aux
fins des points a) et b), le Parlement européen statue à la majorité des
membres qui le composent et le Conseil statue à la majorité qualifiée.
|
Les juges et les avocats généraux de la Cour de justice, choisis parmi des
personnalités offrant toutes garanties d'indépendance et qui réunissent les
conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus
hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes possédant
des compétences notoires, sont nommés d'un
commun accord pour six ans par les gouvernements des États membres,
après consultation du comité prévu à l’article 255. Un
renouvellement partiel des juges et des avocats généraux a lieu tous les
trois ans dans les conditions prévues par le statut de la Cour de justice de
l’Union européenne. Les
juges désignent parmi eux, pour trois ans, le président de la Cour de
justice. Son mandat est renouvelable. Les juges et les avocats généraux sortants peuvent
être nommés de nouveau. |
1. Les traités
peuvent être modifiés conformément à une procédure de révision
ordinaire. Ils peuvent également être modifiés conformément à des procédures
de révision simplifiées. Procédure de révision ordinaire 2. Le gouvernement
de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut
soumettre au Conseil des projets tendant à la révision des traités. Ces
projets peuvent, entre autres, tendre à accroître ou à réduire les
compétences attribuées à l’Union dans les traités. Ces projets sont transmis
par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux. 3. Si le Conseil
européen, après consultation du Parlement européen et de la
Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l’examen des
modifications proposées, le président du Conseil européen convoque une Convention composée de représentants
des parlements nationaux, des chefs d’État ou de gouvernement des États
membres, du Parlement européen et de la Commission. La Banque centrale
européenne est également consultée dans le cas de modifications
institutionnelles dans le domaine monétaire. La Convention examine les
projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une
Conférence des représentants des gouvernements des États membres telle que
prévue au paragraphe 4. Le Conseil européen peut décider à la majorité
simple, après approbation du Parlement européen, de ne pas convoquer de
Convention lorsque l’ampleur des modifications ne le justifie pas. Dans ce
dernier cas, le Conseil européen établit le mandat pour une Conférence des
représentants des gouvernements des États membres. 4. Une Conférence des
représentants des gouvernements des États membres est convoquée par le président
du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les
modifications à apporter aux traités. [Ce sont donc exclusivement des membres de
l’exécutif qui écrivent désormais la Constitution des
« démocraties » européennes… Fin
de l’état de droit, relire la Déclaration des droits de l’homme, article
16.] Les modifications entrent en vigueur après avoir
été ratifiées par tous les États
membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. 5. Si à l’issue d’un délai de deux ans à compter de
la signature d’un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des
États membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États membres
ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil
européen se saisit de la question. Procédures de révision simplifiées 6. Le gouvernement
de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut
soumettre au Conseil européen des projets tendant à la révision de tout ou
partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne, relatives aux politiques et actions
internes de l’Union. Le Conseil européen peut adopter une décision
modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Conseil européen statue à
l’unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission
ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications
institutionnelles dans le domaine monétaire. Cette décision n’entre en
vigueur qu’après son approbation par les
États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles
respectives. La décision visée au deuxième alinéa ne peut pas
accroître les compétences attribuées à l’Union dans les traités. 7. Lorsque le traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil
statue à l’unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil
européen peut adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la
majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne
s’applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le
domaine de la défense. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne prévoit que des actes législatifs sont adoptés par le Conseil
conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut
adopter une décision autorisant l’adoption desdits actes conformément à la
procédure législative ordinaire. Toute initiative prise par le Conseil européen sur
la base du premier ou du deuxième alinéa est transmise aux parlements nationaux. En cas d’opposition
d’un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette
transmission, la décision visée au premier ou au deuxième alinéa n’est pas
adoptée. En l’absence d’opposition, le Conseil européen peut adopter ladite
décision. Pour l’adoption des décisions visées au premier ou
au deuxième alinéa, le Conseil européen statue à l’unanimité, après
approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres
qui le composent. |
1.
Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées au SEBC [système européen des
banques centrales], la Banque centrale européenne, conformément aux traités et selon les
conditions fixées dans les statuts du SEBC et de la BCE : -
arrête des règlements dans la mesure nécessaire à l'accomplissement des
missions définies à l'article 3.1, premier tiret, aux articles 19.1, 22 ou
25.2 des statuts du SEBC et de la BCE, ainsi que dans les cas qui sont prévus
dans les actes du Conseil visés à l'article
129, paragraphe 6, -
prend les décisions nécessaires à l'accomplissement des missions confiées au
SEBC en vertu des traités et des statuts du SEBC et de la BCE, -
émet des recommandations et des avis. 2.
La Banque centrale européenne peut décider de publier ses décisions,
recommandations et avis. 3.
Dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil,
conformément à la procédure prévue à l'article 129, paragraphe 6, la Banque
centrale européenne est habilitée à infliger aux entreprises des amendes et
des astreintes en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions. |
(…)
4.
Des citoyens de l'Union, au nombre d'un
million au moins, ressortissants d'un nombre
significatif d'États membres, peuvent prendre
l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses
attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour
lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est
nécessaire aux fins de l'application des
traités. [Nota : cet article ne comporte rigoureusement aucune
force contraignante : la Commission fait ce qu’elle veut, sans même
avoir à motiver sa décision : elle peut jeter l’initiative à la
poubelle, elle peut la déformer ou la vider de son sens… Et ensuite, le
Conseil des Ministres et le Parlement peuvent faire de même… On se moque des
citoyens en prétendant leur offrir un droit démocratique tant attendu avec
cet article 11 qui est, en fait, une véritable insulte.] |
|
Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a pas de Constitution. [Le principe de la
séparation des pouvoirs est enseigné partout dans le monde comme le premier
principe fondateur qui doit guider des institutions républicaines, l’exigence
la plus importante pour protéger les hommes contre l’arbitraire. Ce que tout citoyen
devrait savoir dès son plus jeune âge, c’est que sa principale
protection contre les abus de pouvoir réside dans la séparation des pouvoirs, et que cette
séparation des pouvoirs ne peut être imposée qu’au plus haut niveau du droit,
dans un texte essentiel pour les libertés qui s’appelle Constitution, qui se sert — pour
ainsi dire — qu’à cela : séparer les pouvoirs pour les empêcher de
nuire. C’est pour cela que
les révolutionnaires de 1789 ont signalé solennellement dans la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen qu’une société qui ne garantit pas la
séparation des pouvoirs n’a pas de constitution : cette société est
gravement exposée aux abus de pouvoir. Par exemple, notre
propre Constitution, celle de 1958 qui institue la 5ème
République, précise expressément :] Art 23-1 Constitution française de 1958 : Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec
l'exercice de tout mandat parlementaire. Source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/constit.htm |
Documents complémentaires pour étayer/illustrer les affirmations de la proposition :
Indicateurs alarmants évoqués :
« En octobre 2006, le Congrès
étasunien a franchi le pas et a approuvé un projet de loi légalisant la
torture, en flagrante violation des principes même de la démocratie. La
majorité républicaine ainsi que plusieurs élus démocrates de la Chambre des
représentants et du Sénat ont autorisé l’utilisation des preuves obtenues sous
la torture contre le « combattant ennemi illégal ». Le
texte, intitulé Loi des commissions militaires, 2006 , reconnaît
l’existence de tribunaux secrets pour juger tout ressortissant étranger soupçonné
de porter atteinte aux intérêts des États-Unis. L’accusé ne pourra pas
prétendre au choix de son avocat, ni connaître les charges qui pèsent contre
lui. De plus, les preuves présentées contre lui pourront rester secrètes. Bien
évidemment, il pourra également être détenu sans pouvoir réclamer d’être
présenté devant un juge, et ce indéfiniment. Il ne pourra pas contester la
légalité de sa détention, ni les tortures dont il aura été victime [6].
La loi confère également au président
étasunien « l’autorité [pour] interpréter la signification et
l’application des conventions de Genève » prohibant la torture. Ces
dernières ne pourront pas être invoquées « comme source de droit devant aucun
tribunal des États-Unis ». La section V de la législation stipule que
« personne ne pourra invoquer les conventions de Genève ni aucun de leurs
protocoles dans une quelconque action d’habeas corpus ou tout autre acte
civil ou toute poursuite judiciaire dans lesquels les États-Unis, un
fonctionnaire en activité ou non, un employé, un membre des forces armées ou
tout autre agent des États-Unis est partie en tant que source de droit ». En outre,
« aucun tribunal, aucun juge n’aura le pouvoir d’entendre ou de prendre en
considération une demande en assignation d’habeas corpus introduite par
un ressortissant étranger (ou en son nom) qui est ou qui a été détenu par les
États-Unis et qui a été considéré comme étant correctement détenu comme
combattant ennemi ou en instance de cette qualification [7] ».
Non seulement cette
loi liberticide, d’essence totalitaire, représente une menace pour n’importe
quel citoyen du monde ne bénéficiant pas de la nationalité étasunienne, mais
elle octroie une impunité totale aux responsables des traitements cruels,
inhumains et dégradants. L’Union européenne et la France en particulier ont
maintenu un silence scandaleux au sujet de cette législation. Que se
serait-il passé si la Chine, Cuba, l’Iran, la Russie ou le Venezuela avaient
adopté une loi similaire ? Qui peut encore parler, en référence aux États-Unis,
de modèle de démocratie ? »
[6] et [7] :
voir « Quand Washington légalise la torture » 5Hhttp://www.humanite.fr/popup_imprimer.html?id_article=838696
Source : « Quand
Reporters sans frontières légitime la torture » 6Hhttp://www.voltairenet.org/article151200.html
Autres points évoqués, à
étayer :
Lire JP Fitoussi,
Professeur des Universités à l'Institut
d'Études Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l'IEP de
Paris, Président de l'OFCE et Secrétaire général de l'Association
Internationale des Sciences Économiques, entretiens avec JC Guillebaud, « La politique de l’impuissance »,
2005, Arléa.
Extrait édifiant :
- JCG : « Vous êtes en train de dire
qu’au fond, obsédé par la lutte contre
l’inflation, on a littéralement consenti au chômage. »
- JPF : « Pis que ça ! On
a dans une première phase instrumentalisé le chômage pour combattre
l’inflation. Chaque "banquier central" de la planète sait que, dès
qu’il augmente les taux d’intérêts, il met au chômage une partie des catégories
les plus vulnérables de la population. Non seulement il le sait, mais c’est
précisément pour ça qu’il le fait. Pourquoi augmente-t-on les taux d’intérêts ?
Parce qu’on est persuadé que la demande est trop forte et que les entreprises
produisant à pleine capacité ne pourraient la satisfaire qu’en augmentant leurs
prix. La douche froide des taux d’intérêts réduit ainsi la demande et incite
les entreprises à licencier. » (p. 45)
(…)
- JCG : « Que pensez-vous des deux arguments martelés à cette époque
[après 1982] à propos de l’inflation et du respect des grands équilibres ?
Premièrement on a dit qu’il était légitime (y compris moralement) de lutter contre
l’inflation parce qu’elle pénalisait les plus pauvres ; deuxièmement,
qu’il fallait maintenir les grands équilibres par simple respect et générosité
pour les générations à venir, afin de ne pas faire peser une charge trop lourde
sur la tête de nos enfants. On a habillé, en quelque sorte, cette politique
d’un discours de générosité… »
- JPF : « C’était un double
mensonge. En augmentant les taux
d’intérêts, et surtout en les maintenant à un niveau élevé une fois l’inflation
vaincue, on savait qu’on favorisait ceux qui détiennent le capital financier,
et que l’on excluait de l’accès aux biens durables (qui exigent un recours à
l’emprunt) les catégories les plus vulnérables de la population. (…) Le second
mensonge, c’est qu’en augmentant les taux d’intérêt on faisait du service de la
dette un des postes les plus importants du budget de l’État. »
(P. 46)
- JPF : « Que l’orientation
des politiques économiques de l’Union soit, pour l’essentiel, indépendante de
tout processus démocratique est à la fois contraire aux traditions politiques
des peuples européens, et dangereux pour l’efficacité économique de
l’ensemble. » (p. 72)
- JPF : « En forçant le trait,
on pourrait affirmer que le « gouvernement économique » de l‘Europe
se rapproche à s’y méprendre d’un despote éclairé qui, à l’abri des pressions
populaires, chercherait le bien commun au travers de l’application d’une
doctrine rigoureuse – le libéralisme -, supposée supérieure à toutes les autres
en termes d’efficacité économique. La démocratie ne serait donc pas le système
politique le mieux à même d’appréhender l’intérêt général ; elle placerait
les gouvernements en position de vulnérabilité devant les pressions des
populations en faveur de la redistribution. Le pouvoir a ainsi changé de
mains. Les politiques ont préféré le confier à des agences indépendantes. (…)
Mais il est vrai aussi
que, dès l’origine, la construction européenne fut l’œuvre d’une démocratie des
élites, plutôt que de la démocratie tout court. Cependant les élites ont changé
(…) aujourd’hui elles ont tendance à assimiler le bien public au marché.»
La suite est proprement
incroyable… Un petit livre important, à lire…
Vendredi 15 février 2008, 10 h : mon
site est en panne depuis lundi 11,
en panne dans
toutes ses pages interactives (blog, forum, wiki).
La base de données est inaccessible pour les visiteurs, depuis trois jours
entiers.
Le support de Free me certifie qu’il ne peut rien faire.
J’ai l’impression de n’avoir aucun moyen de régler le
problème moi-même.
C’est peut-être fini. Désolé.
J’en ai marre de toutes ces impasses.
J’ai encore une idée à essayer…
Après, je vais recommencer à voler.
Vendredi 15, 14 h : j’ai trouvé. C’est réglé. C’était de ma faute.
Mais cette longue interruption m’a fait mal. Un mal
profond et inattendu.
J’ai senti comme je suis devenu accro à l’échange, devenu si simple sur le net.
J’ai senti comme je suis devenu dépendant de vos émotions et réactions, chez
moi.
J’ai senti comme vous étiez devenu un moteur essentiel de mon travail
quotidien.
Je crois qu’il faut que je retourne voler un peu ; je deviens trop « One track
Minded ».
Je vais aller retrouver mes montagnes chéries, mes herbes folles dans la brise
parfumée, et mes cumulus adorés.
Je vais retrouver mes amis les rapaces et les martinets, et enrouler avec eux
de beaux thermiques jusqu'aux barbules odorantes, merveilleuse odeur des
nuages.
Je vous raconterai.
Merci d’être toujours là, malgré les pannes.
:o)
Étienne.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/02/15/90-la-panne
Chers amis,
Le lien entre nos institutions — malhonnêtes dès leur
constitution, de façon à bien verrouiller notre impuissance politique — et
les intrigues des banques privées — qui sont capables, pour nous
asservir, de voler la création monétaire à la collectivité, et même de
contraindre les représentants politiques à livrer le pays à des bourreaux
qu’elles ont fait naître —, est pour moi la découverte de l'année 2007.
Cette découverte permet de progresser dans notre réflexion sur une Constitution
d'origine citoyenne. Ceux qui disent qu'on ne progresse pas se trompent.
Alan Greenspan vient de déclarer : « je dois
prévoir que quelque chose d’inattendu va arriver et nous mettra à terre... » « ... Nous, ainsi que toutes les autres banques
centrales, perdons le contrôle des forces qui accroissent les prix. »
C'est évoqué là : http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3655
Et on dirait bien que c'est le pire
cauchemar des banquiers : le cauchemar des banquiers, c'est de
lâcher par mégarde la gorge des salariés (80% de la population active), et de
les voir s'échapper pour recommencer à lutter victorieusement pour augmenter
leurs salaires...
C'est cette obsession viscérale
des salaires chez les banquiers qu'a utilement soulignée Annie Lacroix-Riz dans ce livre important
qu'est "Le choix de la défaite"
(*) (ne
ratez pas cette vidéo) : sabordage historique dont la preuve
formelle apportée par l'historienne pour les années 30 met en lumière (et
permet d'enfin comprendre) le même choix — pour les mêmes raisons :
tenir en cage les salaires —, à travers la construction européenne ardemment
voulue et imposée par les banquiers, à commencer par Jean Monnet...
Des
salariés dotés d'institutions leur permettant de se défendre financièrement...
Une République, quoi... L'horreur absolue de tous les banquiers et de tous les
rentiers du monde...
Je trouve qu'entendre Greenspan redouter sérieusement cette perspective
d'inflation est un vrai bon pronostic de bonne année... :o)
Bonne année à vous tous, chers amis
!
Étienne.
(*) Annie Lacroix-Riz souligne fortement, — preuves formelles à
l'appui, ce qui la distingue bien de nombreux historiens contemporains faux-nez
du MEDEF — que, même en 1936, le Ministre des finances avait promis au
Gouverneur de la Banque de France (également maître du Comité des Forges, MEDEF
du moment) de bien tenir les salaires (comme le faisaient, et le font toujours
?, tous les ministres des finances avant de prendre leurs fonctions), et que c'est
uniquement sous la pression irrésistible de la rue, sous la contrainte de
centaines de milliers de salariés en colère et prêts à en découdre physiquement,
que les Ministres (et leurs banquiers matons) ont dû lâcher les congés payés,
les 40 heures, les hausses de salaires, etc.
Annie Lacroix-Riz souligne
qu'aujourd'hui encore, comme hier, il n'y a pas grand-chose à attendre de
l'initiative de nos "représentants" puisque leurs vrais maîtres sont
les banquiers : rien ne se fera de bon si
les salariés ne prennent pas eux-mêmes en charge la défense de leurs
intérêts.
Elle souligne aussi que l'obsession des banquiers contre les hausses
de salaires était telle que la Banque de France a soutenu activement Hitler
depuis le début, que la même Banque de France a soutenu d'autres dictateurs,
que la même Banque de France a rendu possible le financement de l'effort de
guerre de l'Allemagne et que la même Banque de France a finalement voulu et
imposé la capitulation rapide de la France devant Hitler, carrément... car
Hitler était formidable du point de vue des salaires : exactement l'homme dont
la Banque de France aimait les méthodes pour traiter les syndicats et autres
agitateurs d'esclaves... Tout ça est passionnant. Cette historienne est un
phare, un des derniers qui soient allumés.
Voyez aussi cette deuxième longue et intéressante vidéo :
http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3024.
Voir aussi cette bonne recension du livre :
http://www.solidariteetprogres.org/spip/special/Ent-Lacroix-Riz.pdf
Sur la profonde malhonnêteté de nombreux historiens actuels, grassement payés par les plus riches (et encensés publiquement
tous les jours par des médias aux ordres — qui peut résister à cette corruption
?) pour réécrire une histoire sur mesure — et sans preuves —, il faut
absolument lire cet autre livre, tout petit celui-là mais décapant au possible
: « L'histoire
contemporaine sous influence » ;
voir cette bonne recension : http://www.voltairenet.org/article13259.html.
Je viens de recevoir ce message qui
me peine profondément.
Au
revoir
« C’est
avec beaucoup d’émotion que je vous écris ces lignes. Toute ma vie, j’ai payé
cash le prix de mes choix. Il en est allé ainsi, une fois encore, lorsque j’ai
pris la décision de soutenir la candidature de José Bové.
Je
suis sans emploi et sans ressources. Depuis des mois, je cherche. En dépit d’un
curriculum vitae bien fourni, qui, ailleurs, m’aurait très vite ouvert de
nombreuses portes, notamment à l’Université, en France, mon pays d’adoption, je
n’ai trouvé ni soutien sérieux, ni proposition crédible.
Au
Cambodge, où on n’a pas oublié le rôle que j’y ai joué pendant douze ans pour l’aider
à sortir des séquelles d’une des plus grandes tragédies du XXe siècle, certains
ont appris ma situation. Ils ont considéré que ce n’était pas acceptable. Une
offre m’est faite de travailler comme expert-consultant auprès du gouvernement
cambodgien sur certains dossiers où je peux apporter quelque chose à ce pays.
Je l’ai acceptée. Comme j’ai accepté une autre offre sur le Liban. Je vais
partager les quatre années qui me séparent de la retraite entre ces deux pays.
Depuis
sept ans, je me suis impliqué, avec toute la force de mes convictions, dans
l’action citoyenne. Comme militant altermondialiste d’abord, au nom d’une
certaine idée de l’Europe ensuite, dans la recherche d’une gauche de gauche
enfin. Je l’ai fait en toute liberté, sans souci de carrière. En restant fidèle
à mes convictions et en n’obéissant qu’à ma conscience.
Ce
qui me peine le plus au moment de me retirer de l’action militante, c’est de
laisser derrière moi un champ de ruines où gisent toutes les gauches. Dans les
gravats, on ne trouve que sauve-qui-peut carriériste ou sectarisme. Le socialisme
a contribué de manière décisive à la mondialisation néolibérale et à son
extension aux champs européen et français. Les disciples de Lénine, quelle que
soit la secte qu’ils dirigent, ont tué l’espérance née le 29 mai 2005. Les
militants altermondialistes sont repliés sur des combats certes essentiels,
mais dans une approche trop sectorielle.
Le
mot « gauche » ne porte plus aucune espérance. Il demeure néanmoins,
pour ceux qui entendent mettre leurs actes en cohérence avec leurs convictions,
une certaine manière de penser et d’agir qui allie liberté, égalité et fraternité,
qui recherche le beau et le bien, qui ne renonce jamais à l’engagement. C’est à
cela que j’entends rester fidèle, plus que jamais disciple des Lumières et
attaché aux idéaux de Mai 68.
Je
ne serai pas là pour participer à la création d’une gauche nouvelle fondée sur
des valeurs et une pratique où la fin se trouve déjà dans les moyens. Je le
regrette profondément. Je ne serai cependant pas absent du débat européen grâce
à un livre que je termine ces jours-ci.
Je
souhaite à chacune et à chacun du bonheur dans vos vies et vos combats.
Raoul
15
août 2007
Raoul Marc JENNAR
consultant - questions internationales
7, place du Château, 66500 Mosset
Email : raoul.jennar@wanadoo.fr »
Je suis ému et triste. Raoul a profondément changé ma vie avec
son immense livre « Europe, la trahison des élites », puis avec son amitié
chaleureuse et exigeante. Je n’ai pas su l’aider comme il en avait besoin dans
cette difficile passe "après-Bové" ; je me sens nul. Nous aurons du
mal à nous battre sans lui : c’est un fin connaisseur des tromperies de l’Union
européenne et un des plus solides résistants au féodalisme des multinationales
et des banques qui s’en va.
C'est incroyable que les dizaines de milliers de résistants
qui lui doivent tant — et qui vont tant avoir besoin de lui dans les années qui
viennent — soient incapables de se grouper et de se cotiser durablement (ou de
l'aider à trouver un poste de chercheur en faculté) pour lui permettre
simplement de vivre et pour qu'il puisse continuer de lutter à nos côtés. Notre
(éternelle) indifférence au sort d'autrui et notre manque de discernement sont
désespérants.
J’ai le bourdon.
Je suis en train
de découvrir le détail d'une situation financière incroyable.
Vous croyez que
la monnaie est créée par l'État ? Vous vous trompez : ce sont les banques privées qui
créent la monnaie, et qui en perçoivent le prix (l'intérêt).
Si c'était l'État qui créait la monnaie,
il pourrait l'investir directement lui-même (sans devoir payer le moindre
intérêt jusqu'au remboursement) ; il pourrait aussi prêter cette monnaie
nouvelle aux banques (charge à elles de la prêter à leur tour) et en percevait
le premier intérêt (des milliards d'euros), ce qui pourrait aussi financer les
services publics, au lieu de garnir des poches de soie au prix d'un déficit
paralysant pour l'État.
L'État (c'est-à-dire nous tous) a perdu le droit de
battre monnaie et ce sont des banques privées à qui nos soi-disant
"représentants" ont abandonné ce pouvoir décisif.
Vous pensez que la monnaie est un outil
qui sert l'intérêt général ? Vous vous trompez : la monnaie est
devenu (discrètement) un outil qui sert d'abord des intérêts privés.
La construction de l'Union européenne pourrait bien
être motivée principalement par ce détournement de la richesse publique,
notamment à travers à l'article 104 du traité de Maastricht : « Il est
interdit à la BCE et aux banques centrales des États membres, ci-après
dénommées « banques centrales nationales » d’accorder des découverts ou tout
autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux
administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités
publiques, aux autres organismes ou entreprises publiques des États membres;
l’acquisition directe des instruments de leur dette, auprès d’eux, par la BCE
ou les banques centrales nationales, est également interdite. »
Par cet article (repris quasiment tel
quel dans le TCE, art. III-181), les États (c'est-à-dire nous tous) ne peuvent
plus financer les investissements publics qu'en empruntant à des acteurs
privés, et en leur payant un intérêt.
Cette prise de conscience m'a conduit à écrire un billet à
Judith Bernard, sur le Big Bang Blog, qui s'inquiétait du sort des
services publics et de leur financement prétendument problématique (d'après nos
représentants politiques).
Je reproduis ci dessous le billet en
question et je le fais suivre de quelques citations importantes pour
étayer mon propos. Tout ça est un peu long mais de la plus haute importance :
avec le contrôle de l'argent, on est au coeur du problème des hommes avec le pouvoir
: ça vaut le coup de lire pour comprendre. Les citoyens sont fous de ne pas
approfondir personnellement cette cause majeure de leur travail forcé.
Non,
ce n'est pas "trop cher" : pour financer
nos services publics,
il nous suffit de reprendre aux banques privée
la création monétaire
que la puissance publique n'aurait jamais dû abandonner
27 avril 2007.
Bonjour
Judith,
D’abord, merci
pour tout ; d’ordinaire silencieux, je savoure vos textes, forts et beaux, dans
mon coin, comme on goûte du lait au miel :o)
Ceux qui vous maltraitent cette fois, en faisant comme si vous
étiez à la fois utopique et irresponsable à tant apprécier la dépense publique
sans vous soucier des financements, ceux-là se trompent : nous n’aurions aucune
peine à financer TOUS les investissements utiles à notre collectivité si nous
avions le contrôle de notre monnaie, au lieu de l’avoir — c’est proprement
incroyable — abandonné aux banques privées.
Ceux qui vous
vilipendent font comme si la monnaie, aujourd’hui rare, était forcément rare,
ce qui n’est pas le cas. Ils vous enferment ainsi dans une économie de rareté.
Mais cette rareté est artificielle, elle est voulue, elle est fabriquée, et
elle est la source de la richesse immense de certains acteurs qui savent rester
discrets.
Bien sûr, si
la monnaie est rare, elle est chère et son prix s’ajoute aux prix de toutes
choses ; les échanges sont pénalisés par le coût des crédits. Mais la monnaie
pourrait être abondante, ou plus exactement suffisante. Pour cela, il faudrait
que l’État (c’est-à-dire nous) ait le contrôle de sa création.
Or il se
trouve — vous n’allez pas me croire — que les États ont abandonné la création
monétaire aux banquiers privés. Les États (c’est-à-dire nous) ne peuvent plus
créer la monnaie dont ils ont besoin pour fluidifier l’économie. Quand
l’État (c'est-à-dire nous) a besoin d’argent (pour construire des hôpitaux ou
des crèches), il doit aujourd’hui emprunter cet argent aux acteurs privés et
leur payer un intérêt, au lieu de créer lui-même l’argent dont il a besoin.
C’est idiot. Non, c’est criminel. En tout cas, ce n’est pas une fatalité :
c’est un choix politique et un choix qui n’a rien à voir avec l’intérêt
général.
Quand une
banque vous prête 100 000 €, elle ne les a pas. Elle les crée (par une simple
écriture) pour vous les prêter, et elle les détruira quand vous lui rendrez.
Mais au passage, elle aura perçu un intérêt (considérable) qui ne correspond à
aucun service, aucune privation de sa part : l’intérêt que perçoivent les
banques privées sur la monnaie créée ex nihilo (à partir de rien) est
foncièrement injuste, une sorte de paiement de l’indu, un racket gigantesque de
toute l’économie par des acteurs privilégiés.
Quelle est la
raison de ce sabordage monétaire qui asphyxie notre économie ? Une volonté
politique. Un phénomène réversible, donc. Il ne tient qu’à nous de récupérer
notre souveraineté monétaire.
Tous les
citoyens devraient prendre quelques heures pour étudier l’histoire du racket
financier imposé par les banques (en France, en Europe, aux États-Unis) : ils
comprendraient les solutions qui s’imposent, à la fois simples et fortes ; la
création monétaire doit impérativement et exclusivement relever de la puissance
publique.
Ne croyez pas les épouvantails et autres chiffons rouges qu’on va
agiter devant vos yeux pour vous persuader que l’État créateur de monnaie est
forcément imbécile : de bons contrôles sont évidemment imaginables pour que la
création publique de monnaie soit raisonnable. Ce qu’on appelle la « planche
à billet » n’est pas forcément une catastrophe, bien au contraire, c’est le
sens de mon message : c’est l’abus de la planche à billets qui est une
catastrophe, OK ; mais son utilisation raisonnable est non seulement utile,
mais indispensable pour un bon fonctionnement de l’économie. Ceux qui
prétendent le contraire ont souvent une idée derrière la tête et pas seulement
l'intérêt général en ligne de mire.
D’ailleurs, la masse monétaire augmente d’environ 10% tous les ans sans
déclencher d’inflation, ce qui est bien la preuve que ce spectre de la planche
à billets n’est qu’un épouvantail (bien commode pour nous conduire à accepter
que l'État soit dépouillé de ce droit essentiel).
Par contre,
les banques privées devenues créatrices (et vendeuses) de notre monnaie (ces
banques à qui on a abandonné la « planche à billets », précisément) sont,
effectivement, de véritables parasites, à très grande échelle. Rien
n’impose, économiquement, que ce soit des acteurs privés qui maîtrisent la
planche à billets, au contraire.
Nous sommes
fous d’accepter de perdre ce levier vital des politiques publiques, aussi bien
en France qu’en Europe.
Les soi-disant
"libéraux" font tout pour ruiner les États, ce qui offrira plusieurs
avantages aux acteurs privés déjà très riches : une fois ruiné, l’État ne
pourra plus assumer que les fonctions sécuritaires (armée, police, justice),
bien utiles aux très riches (ces fonctions étatiques là, ils y tiennent,
curieusement). Une fois ruiné, l’État vendra les services publics aux copains
privés des prétendus « hommes d’État » complaisants. Je vous laisse imaginer
les yeux cupides avec lesquels les compagnies d’assurance lorgnent le marché du
financement de la santé publique, pour s’en tenir à votre exemple. Les
"libéraux" vont leur vendre tous nos plus précieux services publics.
Et l’Union
européenne, l’OMC, le FMI sont leurs principaux outils de désarmement politique
des populations, d’affaiblissement des États, de renoncement au peu de
démocratie que ces populations avaient pourtant chèrement payée.
Si on ne se paie pas de mots en ne lisant, dans les institutions,
que les préambules et les généreuses déclarations d’intention liminaires, si on
va lire tous les articles en détail pour contrôler que la séparation des
pouvoirs existe bien, vérifier si le contrôle des pouvoirs est effectif,
surveiller l’indépendance des juges qui doit être réelle, s’assurer que
l’information honnête des citoyens soit protégée et garantie, prendre garde à
ce que des moyens soient offerts aux citoyens pour résister vraiment à
d’éventuels abus de pouvoir, si on contrôle tout ça, Judith, et bien c’est une
catastrophe : ils sont en train de nous piquer la démocratie. Et en jurant le
contraire !
Et pour
l’urgence, il y a un des deux candidats qui nous promet de nous violer dès
qu'il sera élu (au moins, on est prévenus) : le « mini traité » imposé par voie
parlementaire, c'est un cauchemar : c'est dans la partie 1 que se trouvent les
dispositions les plus dangereuses pour la démocratie (les autres parties
sont déjà en vigueur et le resteront : ça ne les gêne pas de les retirer de la
"réforme").
Lire à ce
sujet C'est
la partie 1 du TCE qui est la plus dangereuse, celle qui nous retire la
démocratie : pas question de l'accepter sans référendum].
Mais le cœur
de l’impuissance politique grandissante des hommes est encore plus difficile à
percevoir : comme je vous le disais, la grande absente de nos débats publics
est la monnaie. Pourtant, nous pourrions satisfaire bien des besoins vitaux en
reprenant son contrôle.
Il tient aux
journalistes et aux citoyens « donneurs d’alerte » de faire monter le sujet sur
la place publique : je vous conseille la lecture de cette page « La vérité
sur la dette » (http://tiki.societal.org/tiki-index.php?page=La+v%C3%A9rit%C3%A9+sur+la+dette),
mais aussi celle d’un petit livre formidable et important : « Les 10 plus
gros mensonges sur l’économie » (http://www.10mensonges.org/)
; ne pas rater les mensonges 1 à 4, essentiels.
Prenez surtout
le temps d’étudier le tableau de la page 73 qui montre de façon pédagogique que
toute somme dépensée par l’État se retrouve dans ses caisses au bout de quatre ou
cinq ans d’impôts (ce qui montre la bêtise des politiques frileuses réclamant
un État pingre) et que cet investissement a été multiplié (on parle d’ailleurs
de multiplicateur d’investissement) et a répandu ses bienfaits dans des
proportions immenses.
Les difficultés financières de l'État ne viennent pas du tout de
son incurie, mais de sa pauvreté artificiellement programmée à travers un
système bancaire inique, un privilège de type féodal discrètement consenti aux
banques privées —le droit de créer la monnaie et de prélever un intérêt sur
cette monnaie neuve, et l'obligation pour l'État de s'endetter auprès des
acteurs privés pour financer les besoins publics— système bancaire qui met le
pays en coupe réglée, sans aucun espoir de jamais rembourser une dette sans fin
puisque la création monétaire est rançonnée.
Nous sommes
victimes d’un sabordage monétaire de la part de nos propres « représentants »
et la construction européenne permet de verrouiller ce sabordage monétaire
au plus haut niveau : européen et constitutionnel. Normalement, si leur plan
aboutit, aucun peuple ne pourra plus jamais s’affranchir de la tutelle du
système financier privé.
Consultez
aussi le site passionnant http://www.fauxmonnayeurs.org/.
Pour relier
cette affaire à mon idée fixe — « ce n’est pas aux hommes au pouvoir
d’écrire les règles du pouvoir » ; il nous faut un processus constituant
honnête pour nous protéger enfin des abus de pouvoir ; les candidats pour
l’assemblée constituante ne doivent surtout pas être désignés par les partis
—, je pense que les politiciens professionnels actuels, tels qu’ils sont élus,
ont trop d’"ascenseurs à renvoyer", ils sont trop ligotés par ceux
qui ont financé leurs campagnes électorales : seul le référendum
d’initiative populaire rendra aux peuples le pouvoir d’imposer, avec une
légitimité politique incontestable, aux acteurs privés les plus puissants ce
que les hommes politiques ne peuvent déjà plus faire.
Nous sommes donc au cœur de votre billet : dans l’état actuel
d’affaiblissement des puissances publiques face aux multinationales privées, la
protection des services publics passe, à mon sens, par une réforme institutionnelle
qui rend du pouvoir aux peuples, pouvoir nécessaire pour défendre eux-mêmes les
services auxquels ils tiennent, et cette réforme n’est possible que si
l’assemblée constituante n’est pas composée d’hommes de partis car les partis
ont un intérêt personnel à l’impuissance politique des citoyens, ce qui
explique qu’ils ne nous donneront jamais le pouvoir qui nous est dû. Cela vaut
pour la France comme pour l’Europe.
Je sais que
tout cela n’est pas très poétique, pardonnez-moi, mais les attaques qui fusent
contre vous sont injustes et me hérissent car elles révèlent et défendent une idéologie
inepte (ou plutôt très intelligente) qui nous ruine tous, chaque jour un peu
plus.
Amicalement.
Étienne.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Liens.php
(Cette page de ‘liens et documents’ est assez lourde à charger (environ 4 Mo),
mais elle est incroyablement riche en informations pour résister ; je
l’actualise presque tous les jours.)
PS : encore un
mot, chère Judith : je suis sûr que vous apprécierez les derniers textes que
j’ai publié sur la partie blog de mon site : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php.
Je découvre et
dévore des auteurs immenses comme Alain (extraordinaire blogueur), Jacques
Duboin, Simone Weil, George Orwell… autant de résistants dont les
pensées gagnent à être remises en avant pour nous défendre contre les affreux.
PPS :
l'immense économiste Maurice Allais (http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Allais)
("prix Nobel" d'économie, considéré à l'étranger comme un vrai génie)
—assez à droite sur certains points, mais plutôt à gauche sur d'autres—, traite
les banques privées de « faux-monnayeurs », et il le démontre fortement. Il
écrit : « Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les
banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent
bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des
faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. »
PPPS : il faut
aussi lire deux petits livres formidables, de Jacques Généreux, chez
Seuil : "Les vrais lois de l'économie" et "Pourquoi la
droite est dangereuse". Ce sont deux petits bijoux d'intelligence, de
concision, de précision... Cet homme porte bien son nom et ferait un excellent
Président.
Au passage, je
réclame le droit d'élire un citoyen non candidat. Pourquoi sommes-nous
limités à l'offre politique des partis, pourquoi devons-nous choisir parmi ceux
qui veulent le pouvoir alors qu’ils sont sans doute les plus dangereux pour
l'exercer ? Bon, j'arrête, car je suis intarissable là aussi... :o)
Merci pour
tout ce que vous faites, ne changez pas :o)
Voici maintenant quelques
citations importantes pour appuyer mes dires (ne ratez pas les
textes formidables de Bernard Maris) :
Citation n°1, de Denis Clerc :
« Les banques créent de la monnaie
très simplement. Lorsque le titulaire d’un compte obtient un prêt à court terme
(moins d’un an), par exemple une avance sur salaire : dans ce cas, la banque
inscrit au crédit du bénéficiaire la somme demandée (d’où le terme de crédit). Elle
a créé de la monnaie scripturale à partir de rien. Une inscription sur un
compte lui a suffit. »
Source
: Denis Clerc, « Déchiffrer l’économie », Chapitre 4 La monnaie et le
crédit, p. 163.
Citation n°2, de la Banque de
France :
En 1971, la Banque de France éditait un
opuscule dénommé « la Monnaie et la Politique monétaire » dans lequel elle
précisait : « Les particuliers — même
paraît-il certains banquiers — ont du mal à comprendre que les banques aient le
pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où ils
déposent de l'argent en compte et c'est ce dépôt qui permettrait à la banque de
consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits.
Or, cette vue n'est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui
font les dépôts. » [et pas l’inverse. (ÉC)]
Source : Banque de France, donc pas vraiment des mickeys :o)
Citation n° 3, de Maurice Allais :
« Fondamentalement,
le mécanisme du crédit aboutit à une création de moyens de paiements ex nihilo [(à partir de
rien (ÉC)],
car le détenteur d’un dépôt auprès d’une banque le considère comme une encaisse
disponible, alors que, dans le même temps, la banque a prêté la plus grande
partie de ce dépôt, qui, redéposée ou non dans une banque, est considérée comme
une encaisse disponible par son récipiendaire. À chaque opération de crédit, il
y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme de crédit aboutit à
une création de monnaie ex nihilo par de simples jeux d’écritures
(*).
(*) Ce n’est qu’à partir de la publication en 1911 de l’ouvrage
fondamental d’Irving Fisher, The purchasing Power of money, qu’il a été
pleinement reconnu que le mécanisme du crédit aboutit à une création de
monnaie. »
Source : Maurice Allais, "Prix Nobel" de
sciences économiques, « La crise monétaire d’aujourd’hui. Pour de profondes
réformes des institutions financières et monétaires. », Éd. Clément Juglar,
1999, p. 63.
Citation n°4, de Maurice Allais :
« Le jugement éthique porté sur le
mécanisme du crédit bancaire s'est profondément modifié au cours des siècles.
(...) À l'origine, le principe du crédit reposait sur une couverture intégrale
des dépôts. (...) Ce n'est que vers le XVII e siècle, avec l'apparition des
billets de banque, que les banques abandonnèrent progressivement ce principe.
Mais ce fut dans le plus grand secret et à l'insu du public » (...) « En abandonnant au secteur bancaire le droit de
créer de la monnaie, l'État s'est privé en moyenne d'un pouvoir d'achat annuel
représentant environ 5,2 % du revenu national. »
Source : Maurice Allais,
Prix Nobel d’économie 1988, La réforme monétaire, 1976).
Citation n°5, de Bernard Maris :
Création et destruction monétaire
« (…) C’est le principe fondamental de
la création monétaire : si je fais un crédit papier de 100 et si je sais qu’une
grande partie de ce crédit reviendra chez moi banquier, je peux multiplier le
crédit bien au-delà du stock d’or dont je dispose. (…) Le mécanisme est décrit
dans l’adage : « les prêts font les dépôts ». Le crédit fait les
dépôts, il fait l’argent. Et non l’inverse ! Avis à ceux qui croient que
l’épargne fait l’argent. Quel contresens économique !
(…) Mais la vraie garantie de la
création monétaire, c’est l’anticipation de l’activité économique, du cycle production
consommation. Encore faut-il que cette anticipation soit saine : toute création
monétaire saine débouche sur une destruction monétaire équivalente.
(…) Nous percevons mieux la nature de la
monnaie : des dettes (des créances sur la banque émettrice) qui
circulent. Des dettes qui, si elles sont saines, doivent, par l’activité
économique, provoquer leur remboursement.
Aujourd’hui, la monnaie
est détachée de tout support matériel, on peut en créer à l’infini. »
Source : Bernard Maris,
professeur d’université en France et aux États-Unis, « Anti-manuel
d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 219.
Citation n°6, de Bernard Maris :
Le déni d'existence
« Longtemps, les économistes ont
négligé l’argent. Les économistes libéraux, orthodoxes s’entend. Encore
aujourd’hui, nombre d’économistes considèrent que l’argent, la monnaie, ne sont
pas des questions en soi. La monnaie est neutre. Elle n’a pas d’incidence sur
l’économie réelle (souligner dix fois), l’économie véritable, profonde, celle
qui parle des produits, des services, de l’emploi, des prix.
Il y a deux aspects de l’économie,
disent les grands économistes classiques, Ricardo, Say, Smith, Malthus, et
après eux les grands monétaristes, Friedman, Patinkin, Lucas aujourd’hui : 1)
l’économie d’échange, où les produits s’échangent contre les produits, le
travail contre des biens, par exemple, et, à côté, la monnaie. Elle est en plus.
Elle vient définir le niveau des prix, mais ça n’a pas d’incidence fondamentale
sur le fonctionnement de la production, du commerce, et sur l’emploi. Cela
paraît extravagant, mais c’est comme ça ! Aujourd’hui encore, en 2003, on
enseigne dans les universités la « théorie du cycle réel », Real Business
Cycle, qui s’efforce d’expliquer les fluctuations cycliques des économies par
les goûts des consommateurs, le progrès technique, en supposant que l’argent
n’existe pas. (…)
Même les autoproclamés monétaristes,
comme le prix Nobel Milton Friedman, ont échafaudé leur scolastique pour
annihiler la monnaie, pour démontrer qu’elle n’avait pas d’influence sur le
réel, sur la réalité des productions et des échanges, mais simplement sur les
prix. Cette conception aberrante de la neutralité de la monnaie ne
mériterait-elle pas, pour elle seule, qu’on rejette la théorie orthodoxe aux
poubelles des stupidités idéologiques ? Oui, mais il faut comprendre ce
que cache ce rejet systématique de la monnaie.
(…)
Pourquoi les
économistes classiques, néoclassiques, orthodoxes, monétaristes, nient-ils
l’argent ? Parce qu’ils nient le pouvoir de l’émetteur, le pouvoir du seigneur,
le seigneuriage, ils nient la politique, gravée sur le denier par l’effigie de César,
et au-delà, [ils nient] tout ce que l’argent contient de « sociétal » (…)
Ricardo et les classiques considéraient
que le travail mesure la valeur des choses. Dès lors, il est clair que la
valeur relative des objets et des services s’exprime en termes de travail : s’il
faut deux fois plus d’heures de travail pour produire une table qu’une chaise,
une table vaut deux chaises. On peut tout mesurer dans l’économie à partir des
chaises, tout exprimer en termes du numéraire « chaise », les voitures comme
les services d’avocat. L’économie montre les échanges d’objets et de services
contre des objets et des services, chacun valant une certaine quantité de
travail.
Alors, à quoi sert la monnaie, les
pièces d’or ? À rien, si ce n’est à faciliter les échanges. « La monnaie est
un voile posé sur les échanges » disaient les classiques, une sorte de
fluide ou d’éther qui facilite la circulation des choses mais qui ne leur donne
aucune valeur, et qui elle-même n’en a aucune. La valeur de l’or est la
quantité de travail nécessaire à produire l’or. Certes, l’or est plus facile à
manipuler que les chaises pour l’échange. Mais on aurait pu prendre des
coquillages ou des cigarettes comme unité de monnaie.
Supposons qu’une pièce de 1 euro circule
10 fois en une journée entre les consommateurs. 10 est la vitesse de rotation
de la monnaie, soit V. Supposons que le prix P des objets échangés soit de 2,
et que 500 objets soient échangés. La valeur des échanges de la journée est
donc 2 x 500 = 1000. Combien faut-il de pièces de monnaie de 1 euro, M, pour
permettre les échanges ? Il en faut 100, car 100 pièces qui circulent 10 fois
permettent de réaliser 1000 euros d’échanges. On obtient donc une relation
comptable, une tautologie, que l’on va baptiser « équation monétaire » : MV=PQ.
Cette équation résume toute la théorie
monétaire. Elle dit : la monnaie, multipliée par sa vitesse de circulation, est
égale au niveau général des prix multiplié par le volume des transactions. Elle valut un prix
Nobel à Milton Friedman. La monnaie fixe le niveau général des prix. Plus il y
a de monnaie en circulation, plus les prix augmentent. Mais l’économie réelle,
elle, ne bouge pas. La monnaie détermine seulement l’inflation : 10% de hausse
de monnaie en volume conduira à 10% de hausse de prix, c’est mécanique. D’une
équation comptable, on a fait une théorie niant l’impact de la monnaie sur
l’économie. Tout se passe comme s’il y avait deux secteurs dans l’économie
: le secteur réel, les entreprises, les usines, le travail, les consommateurs,
et le secteur monétaire, une banque qui injecte de la monnaie et qui fixe les
prix.
Petit aparté : toute la conception
européenne de la Banque centrale, indépendante du pouvoir politique et
interdite de recevoir des ordres des gouvernements, tient à la « neutralité »
de la monnaie. La Banque centrale est là pour maintenir la valeur de la
monnaie, éviter qu’il y ait trop d’inflation. Ne pas trop donner de monnaie
revient donc à faire des économies, car plus il y a de monnaie, plus les prix
augmentent. Cette obsession de la monnaie rare et forte relève de la
neutralité, de la théorie classique (Ricardo, Friedman).
Ordre des débiteurs et
ordre des créanciers
Mais pourquoi faut-il que l’argent soit rare ? Nous retrouvons ici notre
vieil ami, le problème économique, le problème de la rareté. Partout, les
économistes promeuvent la rareté. L’argent rare sera cher, surévalué peut-être
même. Qui a de l’argent ? Les riches, les épargnants, ceux qui ont pu
accumuler ou hériter. Si le taux d’intérêt est élevé, le taux d’intérêt étant
le prix de l’argent, l’argent est demandé, il s’évalue. Le capital est rare et
cher. Les créanciers, les détenteurs d’argent, sont contents, tout comme les
prêteurs et les rentiers sont contents. Les rentiers dont les loyers des
maisons sont élevés. Les créanciers ont une certaine vision de l’ordre
économique.
Qui sont ces créanciers ? Des personnes riches, âgées. À qui prêtent-ils ? À
des personnes sans argent, des locataires ou des entrepreneurs, qui empruntent
pour leur entreprise. Ce sont des débiteurs. Ils préfèrent que l’argent soit
bon marché, et même qu’il se dévalue. L’inflation ruine les créanciers et
enrichit les débiteurs. Un emprunteur, si la hausse des prix est constante,
et si son salaire suit cette montée, rembourse de moins en moins. Alors que les
salariés et les entrepreneurs sont contre l’argent cher, les épargnants et les
rentiers sont pour.
Lorsqu’une activité est endettée et ne
peut plus rembourser ses dettes par son activité, soit on la maintient sous
perfusion en lui donnant d’autres crédits sans contrepartie, puisqu’il n’y aura
pas de sa part création de richesses matérielles, soit on lui dit : « Fini !
Vous remboursez ! » Si elle ne rembourse pas, elle est mise en faillite, et
avec la faillite s’opère un redéploiement de la propriété industrielle (ce que
Schumpeter appelait la destruction créatrice) : l’ordre des créanciers décide
de ce redéploiement. Plus de textile en France. Plus d’acier de basse qualité.
En échange, se développent des services, des logiciels…
L’ordre des débiteurs, l’ordre
économique du point de vue des débiteurs, est radicalement opposé à celui des
créanciers. L’antagonisme débiteur-créancier est total : ce qui profite à l’un
nuit à l’autre. La lutte des débiteurs et des créanciers, terrible, occulte, est
une lutte pour la définition de la propriété industrielle : dans quels secteurs
les entrepreneurs sont-ils autorisés à travailler par l’ordre des créanciers ?
Ils peuvent se tourner vers Internet, par exemple, ce qui a créé une bulle
énorme et un endettement terrible des entreprises comme Vivendi ou France
Telecom. L’histoire économique est faite de ces affrontements.
En 1976 en France, le
ministre Raymond Barre prend une décision historique : il décide que l’État paiera
les intérêts de sa dette au-delà du taux d’inflation. Il dit : « Je place
l’État au service des créanciers, des épargnants. Finie l’inflation qui érode
le capital. Vive les rentiers ! » Fini l’ordre des salariés et des
entrepreneurs, finies les Trente Glorieuses, la monnaie se renforce, le chômage
augmente, les salaires stagnent, la rente réapparaît. Dix ans plus tard, en
2003, le partage du produit national s’est fait au profit des créanciers : 10%
du PIB a basculé du côté du profit et de la rente. (…)
La mondialisation, d’une certaine
manière, est un basculement de l’économie au profit des créanciers, des boursiers,
des rentiers, des financiers. »
Source : Bernard Maris, «
Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 206 s.
Citation n°7, de Bernard Maris :
La Banque de France
« La Banque de France était à l’origine
une banque privée, dotée d’une assemblée ou d’un conseil de deux cents gros
actionnaires. Ces deux cents actionnaires les plus puissants de la place de
Paris ont donné naissance au mythe des « deux cents familles », les deux cents
familles bourgeoises contrôlant l’argent en France et cimentant le « mur de
l’argent », ce mûr contre lequel se heurtaient les gouvernements progressistes.
Les régents de la Banque de France étaient recrutés dans les deux cents
familles, les Mallet, Vernes, Rothschild, Hottinger, Wendel. La loi de Germinal
an XI définissait la parité du franc par rapport à deux métaux, l’or et
l’argent, la Banque de France devant, statutairement, garantir la solidité du
franc, en contrôlant le volume de la création monétaire. En gros, la Banque
suivait le principe du « tiers » : le crédit consenti à l’économie était égal à
trois fois les réserves d’or et d’argent contenues dans les caisses. C’était
une gestion prudente, et le franc germinal se révéla le plus solide de toutes
les monnaies, résistant le dernier à la crise de 1929 et restant convertible en
or jusqu’en 1926, alors que la livre, le dollar, le mark étaient depuis
longtemps inconvertibles. (Déjà politique du franc ultra fort, déflationniste,
qui fit dire à Keynes que « les français étaient des paysans assis sur leur tas
d’or ».)
Mais les banquiers et les industriels du
conseil de la Banque de France, contrôlant le crédit, contrôlaient d’une
certaine manière la politique de la France. Ainsi l’État s’était ruiné après la
guerre de 14. Les dépenses de reconstruction étaient importantes. Le chômage
menaçait. La politique coloniale était coûteuse. Les dépenses à caractère
social pointaient leur nez, l’éducation coûtait cher. En 1924, arrive au
pouvoir le Cartel des gauches, qui demande des avances à la Banque de France
pour boucler son budget. Une avance de la Banque de France à l’État, autrement
dit au Trésor, se traduit dans le langage populaire par : « faire marcher la
planche à billets ». Moreau, le régent de la Banque de France refuse. Herriot
le radical, Président du Conseil, démissionne ! La Banque de France a fait
chuter le gouvernement ! La gauche s’est fracassée sur le mur de l’argent !
En 1934, Pierre Laval,
chef du gouvernement, et surtout Léon Blum, Président du conseil, en 1936, du
gouvernement du Front Populaire, soumettent la Banque de France à la tutelle
publique. Vincent Auriol, ministre des Finances du Front déclare : « Les
banques je les ferme, les banquiers je les enferme ! » Il décrète le franc
inconvertible. Les régents de la Banque de France, transformés en gouverneurs,
et des sous-gouverneurs sont nommés par l’État. En 1945, le général de
Gaulle, chef du gouvernement provisoire, nationalise la Banque de France :
c’est fini. En même temps, les trois grandes banques de dépôt, le Crédit
Lyonnais, le Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) et la Banque
nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) sont nationalisées. Le
crédit est sous tutelle publique. L’État a recouvré son autorité sur la monnaie,
ce qui ne durera pas.
Retour de la création monétaire au privé
1945-1993 : presque un demi siècle de
tutelle publique. En fait, l’État cesse de contrôler le crédit en 1983, lorsque
le gouvernement socialiste décide d’arrimer le franc au mark, monnaie forte, de
stabiliser la France dans l’Europe, et de laisser le contrôle du crédit et de
l’émission monétaire (à nouveau !) à la Banque de France. L’État a donc
contrôlé le crédit de 1934 à 1983, pendant cinquante ans.
En 1993, l’État prend
acte de l’indépendance de la Banque de France par la loi de décembre.
Désormais, le gouverneur est nommé mais ne peut plus être « démissionné » par
l’État. Il est interdit à la Banque de France de financer le déficit du
budget de l’État, autrement dit de faire marcher « la planche à billets ». Si
l’État a besoin de sous, qu’il les emprunte et qu’il les rembourse ! Les
nouveaux statuts de la Banque interdisent aux membres de son conseil (art. 1) «
de solliciter ou d’accepter d’instruction du gouvernement ou de toute personne
». Et voilà. Le pouvoir politique est soumis. La dictature des rentiers a
triomphé.
Les statuts de la Banque de France, calqués (et « aggravés » en quelque sorte)
sur ceux de la Bundesbank, gardienne du temple de la monnaie forte, seront
copiés par la Banque centrale européenne. L’ordre des créanciers règne en
Europe.
Aux États-Unis, c’est l’inverse. La Banque fédérale de
réserve est responsable devant le Congrès. La planche à billets fonctionne
toujours. Le statut d’hyper puissance permet aux États-Unis d’accaparer, chaque
année, les deux tiers de l’épargne nouvelle dans le monde, essentiellement en
provenance de l’Europe et du Japon. Les États-Unis, souverains du monde,
fonctionnent selon le principe régalien de la création monétaire.
Voilà une question
essentielle d’économiste : qui fabrique l’argent qui nous fait vivre ? Au
profit de qui ? Pour quelles activités ? De 1945 à 1976, l’État fabrique
l’argent au profit de la reconstruction, puis de la croissance. Et puis, après
cette très brève parenthèse du capitalisme, le privé reprend ses droits. »
Source : Bernard Maris, «
Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 221 s.
On comprend avec ce dernier extrait que rien n'est
inéluctable et que la lutte politique permet de progresser.
Citation n°8, de Éric Dillies :
Naissance de la Banque d'Angleterre
« "Le passé est pour les
économistes l'objet d'un mépris sans borne". Ainsi s'exprimait
Tocqueville dans "L'Ancien Régime et la Révolution". En effet,
s'il est un événement peu connu dans l'histoire économique, c'est bien celui de
la naissance de la Banque d'Angleterre. Guillaume d'Orange, gendre de Jacques
II qui s'était converti au catholicisme, usurpa le trône d'Angleterre après la
Révolution de 1588.
Gaston Bardet écrit qu'"en 1694,
Guillaume d'Orange, devenu Guillaume III d'Angleterre; n'avait
plus d'argent pour payer son armée. Ce hollandais dont le succès avait été
financé par les banquiers protestants de son pays, va — juste retour des choses
— être pris dans l'engrenage des usuriers anglo-hollandais. Un syndicat
d'usuriers, dirigé par William Paterson, lui proposa la combinaison suivante :
a) Le syndicat privé
avancera au gouvernement un prêt en or de
b) En récompense, le
syndicat privé a le droit de s'appeler Banque d'Angleterre ;
c) Comme le syndicat se
démunissait de tout son capital pour financer le prêt, il avait en échange le
droit d'émettre et de négocier des billets à ordre jusqu'à concurrence des
Ainsi l'Angleterre
fut le premier État à se départir de son droit régalien de battre monnaie au
profit d'un "syndicat privé" (à l'intérieur duquel Isaac Newton était
grand Maître de la monnaie), qui s'en arrogeait le droit contre un intérêt...
financé par l'impôt.
Si l'on veut aller plus loin, l'une des causes
fondamentales de la Révolution d'Indépendance des États-Unis fut provoquée en
1751 par l'Angleterre qui obligea ses colonies d'Amérique à utiliser dorénavant
sa monnaie à intérêt au lieu de leur monnaie gratuite. Et d'après Benjamin Franklin
"La Nouvelle Angleterre mit moins d'un an à passer de la plus extrême
prospérité au plus extrême marasme".
Irruption de la monnaie de crédit dans
la pensée économique
1) C'est certainement à l'œuvre de Clément
Juglar (1859-1905) : "Des crises commerciales et de leurs retours
périodiques", en 1860, que l'on doit la connaissance de la première
intrusion de la monnaie de crédit dans l'économie.
En effet, Juglar constate que l'économie
enchaîne des phases de croissance rapide et de récession en des cycles de 7 à
10 ans. Après avoir rejeté comme origine de crises, les saisons
agricoles et climatiques, retenues par Jevons (1835-1882), il considère
qu'elles sont le produit du mécanisme monétaire de l'économie de marché et
des variations de la masse monétaire et du crédit. Ainsi, les banques prêtent au-delà de leurs encaisses métalliques
grâce aux billets de banque jusqu'au jour où la confiance des agents
économiques disparaît et entraîne la conversion de leurs avoirs en or. Cela
entraîne des faillites de banques, la réduction drastique de la masse monétaire
et la récession jusqu'au retour à l'équilibre.
On le voit, contrairement aux [sornettes et superstitions] classiques,
l'équilibre économique est instable et la monnaie intervient directement dans
l'économie.
2) Knut Wicksell
(1859-1926), économiste suédois, est le premier à reconnaître l'importance du
système bancaire dans l'offre de crédit. Il met en évidence que ce n'est pas l'épargne qui paie les investissements
mais le crédit bancaire par la monnaie scripturale.
Il sépare épargne et
investissement et montre que ce ne sont pas "les dépôts qui font les
crédits mais les crédits qui font les dépôts", et démontre par là
l'inanité de la loi de Say. Ce n'est pas l'offre qui crée sa propre demande,
mais le crédit.
Je pourrais citer d'autres exemples qui
ne feraient que confirmer l'intuition selon laquelle la monnaie n'est ni
neutre, ni externe. Comme le pensait Schumpeter (1883-1950),
par le crédit la monnaie est au commencement de l'économie capitaliste, et le
banquier "est l'éphore de l'économie d'échange". "La
monnaie préexiste aux marchés" rappelle Michel Aglietta.
(…)
D - Les instruments de la Banque
Centrale
Le système est dit hiérarchisé car les
agents économiques empruntent auprès de leurs banques secondaires qui se
refinancent auprès de la Banque Centrale au taux de réescompte.
Il est appelé à réserves fractionnaires,
car chaque banque secondaire doit avoir un compte auprès de la Banque Centrale
où elle doit déposer des réserves, en monnaie fiduciaire, non rémunérées.
Et chaque emprunt nouveau de la part
d'un agent économique doit être gagé pour partie en monnaie centrale
(actuellement entre 1 et 5 %).
Pendant "les
Trente Glorieuses", 80 % des financements accordés aux agents
économiques (ménages et entreprises) se faisaient par le canal bancaire et
permettaient un pilotage direct de la masse monétaire par la Banque Centrale.
Avec l'ouverture des marchés monétaires
aux entreprises au début des années 80, les banques secondaires ont perdu leur
monopole de financement. On a appelé cela la désintermédiation bancaire.
La déréglementation des marchés sous la pression des firmes multinationales
s'est faite sous le couvert du renouveau des idées libérales. En effet,
l'ouverture des marchés financiers était perçue comme un moyen de limiter le
niveau des taux d'intérêt, grâce à la concurrence, et d'assurer une allocation
optimale des moyens de financement. La substitution s'est faite rapidement car
les crédits bancaires ne représentent plus que 20 % du financement de
l'économie.
Le seul instrument qui reste à la Banque
Centrale pour piloter la politique monétaire est le taux d'intérêt ou taux
directeur établi par les appels d'offre ou les prises en pension (l'appel
d'offre est l'un des deux outils de la politique monétaire de la Banque
Centrale). Deux fois par semaine, après consultation des banques, la Banque
Centrale procède à l'achat ou à la vente sur les marchés financiers d'un
certain volume de titres (bons du trésor) qu'elle échange contre de la monnaie
au taux d'appel d'offre. La prise en pension est le deuxième outil de la
politique monétaire. Au lieu d'acheter et de vendre des titres, la Banque
Centrale peut "prendre en pension" pendant cinq à dix jours, des
effets de commerce détenus par les banques en échange de la monnaie au taux de
prise en pension).
Dans "La monnaie dévoilée",
Galand et Grandjean étudient les
conséquences du pilotage de la politique monétaire par les taux d'intérêts. En résumé, pour relancer l'activité, la Banque
Centrale baisse les taux qui facilitent le crédit et dynamisent l'économie.
Mais pour éviter l'emballement par le levier du crédit, la Banque Centrale va
augmenter ses taux progressivement et rendre l'investissement non rentable,
produisant par là même le retournement de conjoncture. Mais comme les effets de
cette politique se font sentir dans une période de 6 à 18 mois, l'économie
retombe en récession sans que la Banque Centrale puisse l'éviter.
Le cycle de ce "stop and
go" est non seulement inefficace mais démontre l'instabilité
intrinsèque de toutes économies financées par la monnaie d'endettement. À cela s'ajoute, dans
une économie mondialisée où chaque pays s'endette de plus en plus avec
l'extérieur, la contrainte du taux de change. Pour maintenir le taux de change,
la Banque Centrale doit rendre attractive sa monnaie par des taux d'intérêt
suffisamment élevés. La Banque Centrale doit donc arbitrer entre croissance
économique et stabilité des changes.
Pour des raisons
d'unification monétaire, Bérégovoy, Balladur et Juppé ont choisi la deuxième
solution et ont jeté des millions de personnes dans la misère et la pauvreté,
réduisant la politique économique au "traitement social du
chômage".
Or, nous rappelle Jean-Paul
Fitoussi, président de l'OFCE, le taux d'intérêt est la variable
sociale par excellence, car plus il est élevé, plus il va récompenser les
richesses accumulées au détriment des futurs créateurs de richesse qui ne
pourront emprunter à cause de la cherté de l'argent. Il va déprécier le futur
et lui préférer le présent en donnant de l'importance au passé. Il empêche
toute mobilité sociale et renforce les inégalités.
Aussi, comme l'avait
parfaitement compris Keynes, dans une économie
d'endettement, il faut euthanasier le rentier-accumulateur au profit du
débiteur-créateur par des taux d'intérêt nominaux inférieurs aux taux d'intérêt
réels. Ce fut, entre autres, la politique des Trente
Glorieuses.
E - Les marchés financiers
Il y a une quinzaine de jours, M.
Kessler (celui du MEDEF, pas le grand écrivain) expliquait que les marchés financiers
qui ont mauvaise presse, ne sont en fait que le marché mondialisé de
l'allocation optimale de l'épargne de chacun d'entre nous. Ce n'est pas faux,
mais est-ce seulement cela ?
Pour comprendre ce qui se cache
derrière, faisons un peu d'histoire, chose que les économistes n'aiment pas,
comme le rappelait Tocqueville.
Au sortir de la seconde guerre mondiale
fut institué par les accords de Bretton-Woods,
un système de change fixe reposant sur un dollar convertible en or (35
dollars l'once). Morgenthau, secrétaire au Trésor, avait voulu
faire du dollar le reflet de la suprématie totale de l'Amérique dans le domaine
politique, industriel et financier et "mettre le dollar au centre du
système monétaire international" (Michel Aglietta, le FMI).
Il fallait, pour cela, "transférer
le centre financier du monde de Londres et de Wall Street vers le gouvernement
des États-Unis". Car, comme le rappelle Armand Van Bormael,
dans La guerre des monnaies, après la crise de 29, "seul
le contrôle de la politique monétaire et financière par les autorités pouvait
assurer le plein-emploi, des prix stables et le bien être général". Et Morgenthau
avait la ferme intention de "chasser les usuriers du
Temple de la finance internationale".
Ce système a relativement bien
fonctionné jusqu'à la fin des années cinquante, période de redémarrage des
économies européennes favorisant les échanges, donc... des transactions
financières. Les banques américaines répondant à la demande de médiation et de
crédit de la part des entreprises européennes, installèrent des succursales en Europe, en particulier
à la City de Londres où les contraintes financières étaient quasi inexistantes.
Ainsi, ces succursales
émirent des lignes de crédits pour financer les entreprises et... les déficits
publics des états européens. L'Eurodollar était né, c'est-à-dire des dollars
émis de l'étranger et circulant à l'étranger en dehors du contrôle de la Federal
Reserve.
L'apparition de
l'eurodollar sur la scène internationale est équivalent à ce que fut, au XIXe
siècle, l'apparition de la monnaie de crédit. On assista sur l'euromarché,
libéré de toutes contraintes étatiques, au miracle de la multiplication des
pains : un empilement gigantesque de moyens de paiement privés n'ayant
comme contrepartie que "la plume du comptable" comme le
rappelle Milton Friedman.
Face à la multiplication des
Eurodollars, les États-Unis se retrouvèrent dans l'incapacité d'assurer la
convertibilité en or du dollar, et le 15 août 1971, Richard Nixon décida
de laisser flotter le dollar.
Avec la naissance de l'Eurodollar, les
banquiers avaient remporté leur première victoire sur les États ; avec les
changes flottants, ils venaient d'en remporter une seconde. En effet, avec
l'instabilité des changes, chaque transaction internationale devenait
périlleuse et obligeait chaque opérateur à s'assurer contre les risques de
changes. Le marché des changes était né et procurait aux banquiers de
confortables bénéfices d'un système qu'ils avaient instauré.
En 1965, les eurodollars représentaient
11 milliards de dollars, en 1972, 82 milliards, en 1980, 700 milliards. Aujourd'hui,
" une masse de plus en plus monstrueuse de monnaie apatride en progression
géométrique, dont le total dépasse 4 000 milliards de dollars, est animée
de mouvement échappant à tout contrôle et à toute justification économique
réelle ". Jean Remy, Aux sources de l'erreur libérale.
Actuellement, le marché des changes totalise 1 500 milliards par jour et
le montant des engagements de gré à gré sur les marchés dérivés atteint
72 000 milliards de dollars.
Comme le signale Maurice
Allais, tout ceci ne fut rendu possible que par la multiplication des
"faux-droits", par la création ex nihilo de moyens de paiement
privés qui accaparent la planète. Pour conclure, je citerai Jean Remy
parlant de l'internationalisation des monnaies rendues pleinement
convertibles et donc privatisées : "cette privatisation bien que résultant
de la volonté des États, porte en elle-même dans un effet de rétroaction, la
destruction de leurs souverainetés".
V - Monnaie et Souveraineté
A - La souveraineté mondiale
Après ce survol rapide de l'évolution
monétaire, nous voilà ramenés au dilemme de départ: la monnaie est-elle un bien
public ou un bien privé ?
Face à cette privatisation du monde,
deux postures se dégagent. La première est de dire que face à la mondialisation
par le privé, il faut opposer une mondialisation par le public. Il faut faire,
à l'échelle mondiale, ce qui s'est produit au début du XXe siècle et en
particulier après la crise de 29 au niveau national : la Banque Centrale
qui encadre et qui gouverne le crédit, donc le pouvoir financier. Les
institutions pour accomplir cette mission existent déjà en germes, l'ONU pour
édicter les règles de droit, le FMI, comme prêteur en dernier ressort. C'est la
thèse de nombreux économistes dont Michel Aglietta est la figure
emblématique.
La fonction de prêteur en dernier
ressort est apparue à la fin du XVIIIe siècle et a été conceptualisée par Bagehot,
banquier et économiste, en 1873. "En cas de crise, le prêteur en
dernier ressort assure la liquidité des banques de second rang, de façon à leur
permettre de faire face à leurs engagements. En se posant comme ultime recours
dans les périodes de "courses à la liquidité", la Banque Centrale
apporte au marché la régulation qu'il ne peut trouver en lui-même". Ruffini
op. cit.
Cependant, cette gouvernance mondiale ne
règle pas le problème de l'émission anarchique de crédit. Et comme
le défend Maurice Allais, à la suite de Hayek et de
Fisher, seule une couverture intégrale des dépôts à vue et a
terme, peut mettre un terme à "la spéculation gigantesque que l'on constate
[...] parce que l'on peut acheter sans payer et vendre sans détenir".
C'est-à-dire que chaque crédit émis doit correspondre à une épargne
correspondante.
Comme cette condition sine qua non
pour assainir la finance n'est pas réclamée par les défenseurs de la gouvemance
mondiale, ce droit exorbitant de prêteur en dernier ressort peut être assimilé
à un pousse-au-crime : en effet, le banquier prête jusqu'au-delà du
raisonnable, et la Banque Centrale intervient pour rembourser le créancier
avec l'argent... des contribuables (cf. L'affaire du Crédit Lyonnais et des
caisses d'épargne américaines).
Dans un tel système, le banquier peut
s'écrier "pile je gagne, face tu perds". On appelle cela
pudiquement l'aléa moral.
D'ailleurs, le FMI s'en est bien rendu compte,
car dernièrement il a refusé d'intervenir dans l'affaire argentine, laissant
les créanciers en face de leurs responsabilités.
L'autre reproche que l'on pourrait faire
à cette thèse est : "Comment une autorité mondiale pourrait-elle s'imposer
et faire respecter l'universalité de ses lois à des pays aussi différents, aux
intérêts aussi divergents, sans l'avènement d'une puissance
impériale ?" Les États-Unis pourraient éventuellement, à terme,
assurer ce rôle, mais il faudrait une crise autrement plus grave que celle du
11 septembre.
Face à cette impasse idéologique, il
faut faire un retour à l'État national.
B - Le droit régalien de battre monnaie
Il est de bon ton depuis la révolution
monétariste initiée par Milton Friedman de reprendre le célèbre jugement de
David Ricardo : "l'expérience prouve
que toutes les fois que le gouvernement ou une banque ont eu la faculté
illimitée d'émettre du papier-monnaie, ils en ont toujours abusé".
Pour le courant monétariste, la monnaie est chose trop sérieuse pour la laisser
entre les mains des gouvernants.
[Curieusement], cela ne semble pas
heurter les monétaristes que ce pouvoir illimité ait été confié à des intérêts privés.
Maurice Allais rappelle que "pendant
des siècles, l'Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l'État de
battre monnaie et le privilège exclusif d'en garder le bénéfice ; la
république démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce
privilège à des intérêts privés. Ce n'est pas le moindre paradoxe de notre
époque".
Maurice Allais a démontré de manière
définitive que l'origine de l'inflation est due essentiellement à la
multiplication des moyens de paiement par la création ex nihilo dans les
banques secondaires, entraînant l'inflation qui a détruit l'épargne dans les
années soixante-dix. Si elle n'apparaît plus actuellement, c'est à cause des politiques
restrictives menées depuis 20 ans, qui ont pour but de contracter la masse salariale,
donc la demande solvable, mais elle est bien présente sur les marchés
financiers.
Maurice Allais
propose donc l'interdiction totale de toute création monétaire à l'intérieur
des banques secondaires par le taux de couvertures intégrales des prêts, et
l'exclusivité de l'émission monétaire à la Banque Centrale.
C - Conséquences pour notre économie
Il est un phénomène curieux qui ne cesse
d'interroger les politiques et les économistes, c'est la progression croissante
de la dette publique. De 79 milliards de francs en 1975, elle est passée
à plus de 5 000 milliards en 2000. Elle est concomitante à la progression
des marchés financiers.
Pourtant cela s'explique très
facilement. Jusque dans les années
soixante-dix, l'inflation était supérieure au taux d'intérêt, donc l'intérêt
réel (intérêt nominal déduit de l'inflation) était négatif et favorisait le
débiteur-investisseur face au créancier. Cela dynamisait l'économie car le
poids de la dette diminue avec le temps.
Sous l'influence des
idées monétaristes, les États se mirent à lutter contre cette inflation en
augmentant considérablement les taux d'intérêt, rendant le taux d'intérêt réel
positif. En 1973, une loi interdit tout concours de la Banque Centrale au
trésor, c'est-à-dire pour 1'Etat de créer de la monnaie.
Face à ce renversement, les entreprises
virent leurs projets devenir moins rentables, voire pas rentables du tout. La
longue litanie de faillites et de chômage commença. Cette politique
restrictive, dite aussi de désinflation compétitive, obligea les entreprises à
augmenter leur autofinancement car elles ne pouvaient plus accéder au crédit
devenu usuraire, en comprimant la masse salariale et diminuant par là même la
demande solvable.
Comme la nature a horreur du vide, c'est
l'État, contraint et forcé, qui se substituera au désendettement des
entreprises et des ménages en voyant sa dette croître de manière géométrique,
entre autres à cause de la montée inexorable du chômage.
Les États, pris dans le piège récessif
firent appel aux marchés financiers pour emprunter, alourdissant par la charge
des intérêts le poids de la dette. En 1995, les intérêts de la dette
représentaient 19 % des recettes fiscales, soit 72 % de l'impôt sur le revenu.
En refusant d'exercer son droit régalien
de battre monnaie, l'État s'est mis à l'encan [s’est vendu au plus offrant] des financiers au
détriment de tous. Or comme l'enseigne Abraham Lincoln, "le privilège de créer de la monnaie est le
plus opportun dessein d'un gouvernement. Par l'adoption de ces principes, le besoin
ressenti depuis longtemps d'uniformiser la monnaie aux besoins sera satisfait.
Les assujettis aux taxes seront libérés des intérêts. L'argent cessera d'être
le maître pour devenir la servante de l'humanité".
D - Le caractère récessif de l'économie d'endettement
Il y a près de 80 ans, le Major
Clifford Hugh Douglas, fondateur du "social credit
movement" mettait en évidence avant la crise de 1929, par le théorème
A + B, le caractère nécessairement récessif des économies d'endettement.
Chaque prix d'un bien se décompose en
deux parties. L'une A, comprend les salaires et les revenus immédiatement
disponibles. L'autre B, est formée des charges fixes, financières, sociales,
fiscales et des bénéfices réinvestis. Elles ne sont pas immédiatement
disponibles. Le prix du produit est formé de A + B, or seul A est immédiatement
disponible. Donc pour acheter A + B, il faut faire appel au crédit. Et
plus la production va croître et plus la dette va devenir pesante.
Tovy Grjebine, par sa "théorie
séquentielle de la récession" qu'il expose dans Récession et
Relance et Théories de la crise et politiques économiques arrive à la même
conclusion. Il remarque cependant que dans
une économie en croissance, tant que les agents économiques augmentent leurs
endettements, la production peut être écoulée. Mais quand ils atteignent le
seuil d'endettement, et ne peuvent plus aller au-delà, les stocks d'invendus se
forment, l'économie entre en récession.
Toute croissance économique
suppose une croissance de la masse monétaire similaire. Mais il est fondamental
que cette croissance monétaire n'ait pas comme contrepartie une dette.
Il est intéressant de noter qu'Aristote
est hostile à toute forme d'intérêt et qu'à l'origine, la monnaie est considérée
comme un moyen d'éteindre la dette [cf. notre citation d'Aristote plus haut]. .
Grjebine considère alors que seul l'État est capable de changer les contreparties
de la monnaie et opérer le désendettement de tous les agents économiques par la
mise en place d'une monnaie libre et franche d'intérêt, en permanence au
service de la communauté.
S'il est à la fois sain et nécessaire de
désendetter notre économie, M. Grjebine signale que si 25 % des entreprises le
faisaient en même temps, cela entraînerait l'effondrement de l'économie par la
diminution drastique de la masse monétaire.
Toutes les études démontrent que la
monnaie endogène ou de crédit est nécessaire pour stimuler l'économie mais
qu'elle n'est qu'un palliatif qui se révèle à terme pire que le mal. Il faut donc remplacer la monnaie d'endettement par
une monnaie permanente.
E - la politique de changement des
contreparties de la monnaie
Initiateur et
concepteur de la proposition de loi organique 157 déposée par l'intergroupe conjoncture
à l'Assemblée Nationale en 1981, Tovy Grjebine proposait de stimuler
le désendettement des agents économiques par des crédits d'impôt correspondants. Ce qui, nécessairement,
entraînerait l'augmentation du déficit public qui serait compensé par une
injection égale de monnaie de la Banque Centrale.
Il n'y aurait pas
d'augmentation de la masse monétaire mais simplement changement des contreparties
de la monnaie qui assainirait l'économie et diminuerait la charge des frais
financiers. L'opération pourrait être renouvelée plusieurs années de suite,
elle stimulerait l'économie. Des études prospectives ont été faites en
France et aux États-Unis qui donnèrent comme résultat une
croissance de 5 % par an et une éradication du chômage en une législature.
Malheureusement ce projet de loi ne fut
examiné qu'en juillet 1981. Le nouveau gouvernement socialiste avait pris une
autre voie dont chacun se souvient des pitoyables résultats.
Avant de conclure ce chapitre et
d'aborder le dernier par un aperçu historique des politiques de relance par le
désendettement, je citerai cette phrase de Marcel Macaire,
professeur d'économie à Nanterre : "la création monétaire
par la Banque Centrale est par nature une dette sans créancier puisque l'État
se prête à lui-même. C'est parce qu'il se croit obligé d'en avoir, qu'il
emprunte à d'autres que lui-même et crée de ce fait un déficit budgétaire.
C'est cette méprise — et elle seule — qui crée la dramatique situation du chômage
dans laquelle nous nous débattons aujourd'hui".
VI - Aperçu historique des politiques de
relance
A - Moïse
Curieusement la première analyse sur
la tyrannie de la dette et les moyens de s'en défaire se trouve dans le
Lévitique 25, 10-11: Un des livres du Pentateuque que la tradition attribue à
Moïse (treize siècles av. J-C). Il proclame l'extinction de toutes les
dettes et la libération de tous les hébreux mis en esclavage pour cause de
dettes tous les 49 ans, année du Jubilé. Ce texte n'est évidemment pas
argumenté puisque c'est un décret divin, mais l'on ne peut qu'y constater sa
pré-science dans une économie non monétaire.
Je signale qu'un gramme
d'or épargné à la naissance de Jésus Christ à 3,25 % par an représenterait
actuellement 6,1026 tonnes d'or, soit l'équivalent de la masse de la
terre.
Deux économistes genevois, Dembinski
et Bovin ont repris récemment l'idée jubilaire de remise des dettes
et de créances dans Rapport moral sur l'argent dans le monde, 2000 (www.obsfin.ch).
B - L'Antiquité
Le monde grec traversa au VIIe siècle
av. J-C. une crise qui fit croître les domaines des grands propriétaires
terriens et réduisit les paysans pauvres à la misère et à l'esclavage pour
dette. Constatant que l'armée athénienne se réduisait de manière dramatique
(car seuls les hommes libres pouvaient combattre), Solon (640-561) libéra
les athéniens mis en esclavage et éteignit toutes les dettes. Il procéda en
même temps à une dévaluation de 30 % et développa l'artisanat en vue de
l'exportation.
Petite ville au VIIe siècle, Athènes
était devenue une ville prospère au début des guerres médiques (490-479). Mais,
c'est à la suite de la découverte des nouveaux
filons argentifères dans les mines du Laurion, qu'Athènes doit sa splendeur.
En effet, cet afflux soudain de métal précieux fut utilisé par Thémistocle
(524-459) en 483 pour la construction d'une flotte gigantesque de 200 trirèmes
qui lui permit de remporter la victoire de Salamine en 480 contre les Perses.
Il assurait à l'avenir l'hégémonie d'Athènes sur le monde grec jusqu'à la fin
de la guerre du Péloponnèse en 404. La ville d'Athènes tirait
l'essentiel de ses ressources de l'exploitation des mines lui procurant une
richesse inégalée dont il reste encore actuellement tant de vestiges.
Face à l'afflux de richesses, les
Athéniens étaient confrontés au danger de l'accumulation et de la thésaurisation.
Ils l'évitèrent par une politique active de grands travaux (la construction du
Pirée, de l'Acropole...) et par les lois de liturgie qui obligeaient les
citoyens les plus riches et les métèques à des dépenses de service public dont
la plus coûteuse était l'équipement des trières.
Il est intéressant de
noter que la chute d'Athènes, d'après Thucydide, fut due à la trahison d'Alcibiade
qui conseilla aux Spartiates d'occuper en 413 la Décélie qui contrôlait les
mines du Laurion. Alcibiade ajouta "des richesses que compte le pays,
la majeure partie vous reviendra" et du même coup, "les
Athéniens se trouveront privés des revenus des mines d'argent du Laurion"
[Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, chap. XCI].
À l'origine, Rome ne connaissait que la
monnaie de bronze, l'as qui suffisait aux échanges de la cité. Mais à la fin du
IIIe siècle, la deuxième guerre punique (218-202) contre Carthage entraîna des
dépenses telles que Rome dut faire appel à l'emprunt privé. Dans l'incapacité
de rembourser ses créanciers, Rome dévalua progressivement sur 16 ans des
5/6èmes de sa valeur, monétisant en grande partie l'Ager Publicus.
Heureusement, la victoire souriait aux Romains qui s'accaparèrent les mines
argentifères espagnoles de la région de Carthagène jusqu'alors sous domination
carthaginoise qui rapportèrent à Rome 25 000 deniers d'argent par jour.
L'État romain conserva jusqu'à sa chute
le monopole de la frappe des monnaies dont les quantités quintuplèrent
annuellement entre 140 et 90 avant J.-C., pour se stabiliser jusqu'à
l'avènement de l'Empire. Pour avoir un ordre de grandeur, quelques années de
monnayages romains représentaient l'équivalent d'un siècle de monnayage
athénien. Cependant, Rome connut de nombreuses crises d'endettement et de
paiement, en particulier au 1er siècle avant notre ère, qui étaient
souvent dues à des crises extérieures comme la guerre d'Asie contre Mithridate
(89-85 av. J-C) qui entraînaient la perte de confiance, la rides publica,
la thésaurisation et le manque de liquidités, l'inopia nummorum. L'État
procédait alors à des injections massives par le canal des dépenses militaires,
décidait un moratoire des dettes et octroyait des crédits d'impôt.
L'équilibre serait rétabli avec la victoire par le butin ou le tribut. Ainsi
l'Asie et la Grèce seront pressurées de telle manière que cela prendra des
allures de cataclysme économique. Son " endettement " vis-à-vis de
Rome était de 720 millions de deniers qu'il faut rapporter à ce que coûtait la
distribution de blé annuelle à Rome, 15 millions, soit à peine 2 % de la dette
de l'Asie.
Un autre phénomène
intéressant est l'absence de dette publique à Rome. Différence notable avec
l'Occident qui connut le problème insurmontable de la dette publique dès le
début du XIVe siècle et créa une classe inconnue de l'Antiquité : les
financiers. Claude Nicolet
dans Rendre à César, conclut que "l'absence de dette publique
explique que les entreprises financières et le système de crédit ne se soient
pas transformés à Rome". Rome ne connaissait pas la monnaie
d'endettement.
L'observation de l'histoire monétaire
nous montre que toute grande renaissance politique fut précédée par un
afflux massif de numéraire. Le siècle d'Auguste, le "siècle
d'or", fut financé par le pillage des temples égyptiens après la victoire
d'Actium contre Marc-Antoine, la renaissance carolingienne par la découverte de
mines d'argent en Dacie, la Renaissance par l'afflux d'or des Amériques, la
révolution industrielle en Europe par la découverte des mines d'or de
Californie...
C - L'époque contemporaine
Mais ceci s'est produit
sous le régime de la monnaie métallique. Il en va autrement avec la
monnaie d'endettement dont nous avons vu qu'elle résout le problème de l'écart
récessionniste en le reportant dans le temps jusqu'au moment où est atteint
le seuil d'endettement qui ne permet plus de l'utiliser, c'est alors la crise.
Or, la crise la plus exemplaire et qui a
laissé le plus de traces dans la mémoire européenne est celle de 1929.
Sans entrer dans les détails, son origine est due au rétablissement de la
convertibilité du Franc et de la Livre en or en 1925-1928.
En effet, dans le système de Gold
Exchange Standard, l'or se trouvait aux États-Unis et uniquement le dollar
était convertible. Churchill et Poincaré en
rétablissant la convertibilité de leur monnaie, échangèrent des dollars contre
de l'or, ce qui diminua le stock aux USA, et qui par contrecoup réduisit la
part de la monnaie permanente dans la masse monétaire. Les premiers
signes d'essoufflement de l'économie américaine apparurent au début de 1929.
Malgré les discours rassurants, la
production industrielle se mit à baisser. Dès septembre, la spéculation boursière
financée essentiellement par le crédit bancaire commença à montrer des signes
d'inquiétudes, les ventes s'accélérèrent et en octobre, le jeudi 24, les prix
dévissèrent entraînant dans leur chute la faillite du système bancaire
américain.
La répercussion en Europe ne se fit pas
attendre, et dès les premières semaines de 1930, elle entrait en dépression.
L'Allemagne et l'Autriche furent les plus touchées car leurs économies étaient
extrêmement liées au secteur bancaire américain (qui avait prêté énormément par
les plans Dawes et Joung décidés à la Conférence de Gênes en 1922. Il s'agit à
l'époque de trouver une solution aux questions des réparations).
En 1931, la moitié du système bancaire
allemand et autrichien avait fait faillite, entraînant une diminution formidable
de la masse monétaire en jetant dans la misère des millions de personnes. En
Face à l'incapacité de la République de
Weimar et face au péril de la révolution bolchevique, les Allemands se jetèrent
dans les bras d'Adolf Hitler en janvier 1933, seule planche de salut dans un
monde qui venait de chavirer.
Ici apparaît un homme,
ignoré de l'histoire économique et dont il faut remercier M. Grjebine d'avoir
eu le courage de le ressusciter, M. Ernst Wagemann. Il rentrait
des États-Unis, où il enseignait l'économie, avec une solution : ce que
nous vivons actuellement est le contraire de l'hyper-inflation du début des années
vingt où il y avait trop de monnaie en circulation par rapport à la production.
Maintenant, nous sommes en déflation, il manque de la monnaie par rapport à
la production. Il faut donc en émettre. La nouvelle équipe dirigeante
fut séduite et Schacht, le magicien de la finance, fut chargé d'appliquer cette
solution.
Il est intéressant de signaler que la
préface de la Théorie Générale de J. M. Keynes, publiée en 1936, était
consacrée à la politique du docteur Schacht et faisait l'apologie de la méthode
de préfinancement de l'économie par le troisième Reich. Cette méthode était
considérée par l'auteur comme le seul moyen efficace de lutter contre la crise
et le chômage. Mais Keynes ne s'arrête pas là, et au cours de son ouvrage, il
défend les thèses de Silvio Gessell et du major Cliford Hugh Douglas et
pense qu'il y a encore beaucoup à trouver dans ces deux économistes qui sont
restés dans l'anonymat.
En quoi
consistait-elle ? L'État passa commande de travaux auprès des
entreprises privées qu'il paya avec des bons de travail escomptables auprès de
la Banque Centrale. Les entrepreneurs payèrent leurs salariés et leurs
fournisseurs avec ces moyens de paiement, qui furent ensuite présentés et
escomptés auprès d'une banque secondaire qui elle-même les présenta et se les
fit escompter auprès de la Reichbank, qui ne se les fit jamais rembourser par
l'État. L'État avait procédé à une émission ex nihilo de monnaie permanente. Les résultats ne se
firent pas attendre ; en 1937 le chômage avait disparu, l'économie connaissait
une croissance formidable et en
L'expérience venait de
démontrer que l'argent n'est pas gagé parce qu'il y a derrière lui, mais
parce qu'il y a devant, le travail et la production de la communauté.
En 1938, aux États-Unis, malgré les
plans de relance par le déficit public, le chômage touchait encore 8 millions
d'américains. Les bruits de bottes venant d'Europe se faisant entendre, le gouvernement
fédéral décida la loi prêt-bail de financement de l'effort de guerre. Il émit
des bons du trésor qui furent rachetés par la Federal Réserve. 20 % de l'effort
de guerre furent financés par ce principe. En 1941, les États-Unis ne
connaissaient plus le chômage.
D'autres expériences ont été menées
depuis. Pendant les Trente Glorieuses parce qu'on appelle "le circuit
du trésor", au Japon entre 1975 et 1980 et plus récemment aux
États-Unis en 1991, la Federal Réserve a monétisé 100 milliards de dollars
de bons du trésor dont chacun a pu mesurer les conséquences par l'expansion et
le dynamisme de l'économie américaine pendant 7 ans.
Conclusion
Pour reprendre une
métaphore chère aux Anciens, la monnaie est à l'économie ce que le sang est
au corps humain; s'il en manque, c'est l'anémie, s'il y en a trop, c'est la
congestion. Il ne viendrait à l'idée de personne d'emprunter son propre sang.
Alors, il revient à l'État, pour le service du bien commun, d'assurer l'offre à
la demande de monnaie pour qu'enfin l'économie soit au service de l'homme. »
Source : Éric Dillies, dans
une synthèse passionnante intitulée « Monnaie et souveraineté » :
http://fragments-diffusion.chez-alice.fr/monnaieetsouverainete.html.
(Extrait du Bulletin Science
et Foi n°64 et 65, 2e Trime 2002, CESHE
France - B.P. 1055 - 59011 Lille cedex)
Il faut absolument lire les
parties III à VI de ce document exceptionnel.
Citation n°9, de Jacques Généreux :
« L’acceptation du chômage et le
culte de la désinflation
Le mal politique de
l’époque n’est plus le chômage, c’est l’inflation. En effet, en 1979 aux
États-Unis et en Grande-Bretagne, puis au début des années 1980 en Europe
continentale, on fait le deuil de l’objectif du plein emploi qui faisait
l’unanimité depuis des années 1940, pour se convertir au culte d’une nouvelle
priorité, la désinflation.
Le fondement officiel de cette
conversion est la nécessité d’être compétitif dans un monde où la concurrence
internationale est de plus en plus vive.
En réalité, si tout le monde réduit son
inflation, personne ne devient plus compétitif. On n’est donc
contraint à la désinflation que parce que quelqu’un a initié le mouvement et
que les autres sont obligés de s’aligner, non pas pour être plus
compétitifs, mais pour éviter de l’être moins.
Si les pays n’avaient aucun intérêt
propre à la désinflation, ils tenteraient probablement de se dissuader les uns
des autres de se lancer dans une guerre des prix, exactement comme ils
s’entendent pour éviter des pratiques de concurrence déloyale. Ainsi, quoique
la concurrence internationale ait certainement joué un rôle, la conversion
générale et rapide aux dogmes de la rigueur monétaire et de l’inflation
minimale n’a pu se produire que parce qu’elle présentait un
autre intérêt pour les élites dirigeantes. Mais lequel ? Pourquoi cette
conversion est-elle désirée par les politiques ? Pourquoi est-elle somme
toute acceptée par la société ? Pourquoi à ce moment-là et pas
avant ? Si l’inflation est le mal absolu que l’on dénonce alors, pourquoi
l’avoir toléré si longtemps ?
C’est que jusqu’alors, précisément,
hormis les rentiers, tout le
monde trouvait son compte dans les
politiques d’expansion monétaire modérément inflationnistes.
D’abord, parce que les revenus nominaux
des salariés et des entreprises progressaient plus vite que l’inflation.
Ensuite et surtout, parce qu’une
telle politique monétaire se traduisait par des taux d’intérêt réels faibles ou
négatifs, ce qui, pour faire simple, signifie que le
crédit est gratuit, voire rapporte de l’argent à celui qui
s’endette !
Cette politique
très favorable à l’investissement et au financement bancaire des entreprises n’était pas moins
avantageuse pour les ménages : ceux-ci pouvaient accéder plus vite aux
biens d’équipement et devenir propriétaires de leur logement.
Les seuls vrais perdants de cette
politique monétaire étaient ceux qui tiraient une part essentielle de leurs revenus
de placements financiers : ne pouvant trouver dans les taux d’intérêt une
rémunération stimulante, ils investissaient dans les actions des grandes
sociétés cotées en Bourse. Mais, là aussi, leurs exigences en matière de
rendement étaient limitées par celles des managers qui privilégiaient d’autres
objectifs (croissance de la firme, prestige, etc.). Les dirigeants disposant d’un accès aisé au financement bancaire
étaient relativement indépendants de leurs actionnaires.
D’autant que ces derniers, dans un
espace financier réglementé et cloisonné à peu près partout dans le monde,
n’avaient pas la liberté ni l’opportunité de chercher ailleurs des managers
plus complaisants à leur égard. En un mot, les actionnaires n’étaient pas
alors en position de force pour exiger les meilleurs dividendes.
Si les rentiers avaient
donc, à l’évidence, intérêt au retournement des politiques monétaires en faveur
de la désinflation et d’une meilleure rémunération de l’épargne, ils restèrent longtemps
isolés dans une société qui tolérait l’inflation et jouissait du crédit
gratuit.
Mais au tournant des
années 1970-1980, leurs aspirations sont devenues celles de toute une génération
de cadres économiques et politiques accédant alors au pouvoir.
Ces derniers
appartenaient en effet aux classes aisées et intermédiaires qui, durant les Trente
Glorieuses, avaient pu constituer un patrimoine immobilier et une épargne
financière, grâce à la progression des revenus et à la faiblesse des taux
d’intérêt.
Mais une
fois leur patrimoine constitué, les quadragénaires et quinquagénaires des
années 1970-1980 n’avaient plus besoin du crédit gratuit. Ils espéraient au
contraire des taux d’intérêt plus élevés qui rémunéreraient mieux leur épargne. L’inflation n’avait
plus à leurs yeux la moindre vertu, tandis qu’elle érodait la valeur réelle de
leur patrimoine. Aussi devint-elle un souci majeur dans les années 1970 (…) »
Source : Jacques Généreux,
professeur d’économie à Sciences Po, La Dissociété, Seuil, 2006).
Il faut absolument lire ce livre
formidable : c’est un chef-d’œuvre de clarté et de pédagogie.
Chaque paragraphe est important, du début à la fin.
Ainsi, l’âge et la fortune des
hommes au pouvoir permet de comprendre enfin pourquoi la misère perdure pour
le plus grand nombre !
Je ne peux m’empêcher de penser au tirage au sort
comme une véritable panacée juridique pour nous affranchir des effets pervers
de l’élection qui est largement une illusion, celle de dominer nos maîtres en
les désignant… Pure illusion, à l’expérience des faits.
Si vous avez des infos complémentaires sur ce
scandale du hara-kiri monétaire accepté discrètement par les politiciens
de métier, vous êtes bien sûr les bienvenus :o)
Vous pouvez réagir, critiquer ou compléter ces idées sur la partie ‘blog’ de
ce site :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2007/05/01/72-non-ce-n-est-pas-trop-cher-le-financement-des-besoins-collectifs-est-rendu-sciemment-ruineux
Surtout,
ne ratez pas le très précieux http://www.fauxmonnayeurs.org/
Je viens de lire
le
projet de "traité modificatif" du Conseil européen et j’en ai
encore des bosses sur la tête. Tout d’abord il faut expliquer qu’il s’agit d’une
feuille de route, ce n’est pas encore un nouveau Traité. Il faut être prudent
sur la critique car on ne connaît pas encore le contenu du futur
document. Mais en lisant cette simple feuille de route, j’ai sursauté à tous
les paragraphes. Il est souvent répété dans ce document que les travaux de
la Convention Giscard de 2004 devront être intégrés dans le Traité.
Cela signifie tout simplement que le Traité constitutionnel Européen, celui qui
a été conçu par la Convention Giscard et qui a été expressément refusé par les
Français et les Hollandais, à quelques détails près, va nous être imposé par la
voie parlementaire.
J'analyse cette
démarche autoritaire des exécutifs contre leur propre peuple comme une
reprise du viol politique qui dure depuis cinquante ans — et qui n'a été
interrompu que par les cris de la victime le 29 mai 2005, le temps qu'on lui
remette rapidement son bâillon.
Dans le détail
du texte, c’est indéniable, il y a un certain nombre de changements. Mais c'est
surtout le fait d’évolution de la terminologie pour effacer l'idée qu'il s'agirait d'une
constitution. Ainsi les termes de « loi » et « loi
cadre » sont abandonnés au profit de « règlements » et
« directives » qui n’évoquent pas ce coté institutionnel, et l'usage
du mot "Constitution" est expressément proscrit. Mais ce sont des
détails, des manoeuvres rhétoriques.
En réalité, ce
texte est un danger pour ce qu'il dit, mais aussi pour ce qu’il ne dit
pas : il ne permet toujours pas le contrôle des pouvoirs (personne n'est
responsable de ses actes dans les institutions européennes) ; l'exécutif bénéficie toujours de la même confusion
des pouvoirs sur des sujets cachés (sous le nom trompeur d'"actes non
législatifs" et de "procédures législatives spéciales", art.
I-34 et I-35 du TCE) ; il laisse perdurer l'extravagante dépendance des
juges européens envers les exécutifs qui les nomment (art. I-29.2), et n'organise
pas l'indépendance des médias ; la Banque centrale y a toujours une mission
chômagène favorable aux rentiers (I-30.3) ; les citoyens y sont toujours aussi
impuissants contre les abus de pouvoir ; etc.
En fait, le plus
important dans cette affaire est soigneusement éludé dans les débats par les
politiciens de métier, vous le constaterez : les hommes ont inventé le concept
de Constitution non pas pour organiser les pouvoirs (qui sont bien capables de
s'organiser tout seuls) mais pour affaiblir les pouvoirs, pour les diviser,
pour les contrôler. Ceci est essentiel.
Donc,
de la même façon que ce n'est pas l'étiquette "Constitution" qui est
dangereuse pour les citoyens, ce n'est pas l'absence d'étiquette
"Constitution" qui peut nous rassurer : ces institutions, par les pouvoirs qu'elles mettent en place,
SONT une Constitution PAR NATURE et elles sont, par là même, dangereuses pour
tous ceux qui vont obéir à ces pouvoirs ; et nous
sommes bien fous de laisser les exécutifs écrire eux-mêmes les limites et les
contrôles de leurs propres pouvoirs.
En proclamant que
leur texte "n'est plus une constitution", les auteurs sont doublement
en situation d'abus de pouvoir caractérisé : il ne leur appartient pas d'écrire
ce texte — la Conférence Inter Gouvernementale (CIG) est profondément
illégitime dans ce rôle — et il ne leur appartient pas davantage de le
requalifier. Ce processus malhonnête est un coup
d'État de nos propres exécutifs contre les principes de base de la démocratie.
Vous pouvez réagir là
(sur le site www.marianne2007.info) :
http://www.marianne2007.info/Etienne-Chouard-Avec-le-traite-modificatif,-les-chefs-d-etat-violentent-leurs-peuples-_a1625.html
Chers amis, je résume
ici, sur une page, ma critique de nos soi-disant
« démocraties » :
C’est
aux Citoyens d’écrire eux-mêmes leur Constitution et ensuite de la protéger.
Pour rester libres, les citoyens doivent toujours rester vigilants à l’encontre
des pouvoirs.
1 La démocratie est une réponse
des hommes au problème qu’ils ont avec les pouvoirs.
2 En effet, sans exception, le pouvoir
corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument.
3 Depuis la nuit des temps, aussi
vertueux soient-ils au départ, tous les hommes au pouvoir « changent »
et finissent par abuser de ce pouvoir, s’ils restent longtemps au
pouvoir.
4 Tous les pouvoirs, et notamment les
exécutifs (les gouvernements), tendent à « s’autonomiser »,
c’est-à-dire à concentrer le plus possible de pouvoirs et surtout à
s’affranchir de tout contrôle rigoureux.
5 Donc, pour les humains, les
pouvoirs sont à la fois nécessaires et dangereux.
6 C’est pourquoi les gouvernés ont imposé à leurs gouvernants de signer un pacte, appelé « Constitution », qui institue les pouvoirs et qui fixe s