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Journal de bord

Pour des institutions écrites par et pour les citoyens :
un plan C : une Constitution d’origine Citoyenne.
Il ne faut pas laisser les hommes au pouvoir
écrire eux-mêmes les règles du pouvoir.


18 novembre 2008

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BIEN FAIT POUR VOUS ! (18 novembre 2008) (Lien)

 

Chers amis, je suis malheureux. J’ai l’impression de travailler pour rien. Mon idée centrale ne progresse pas. Je dois mal m’exprimer, ou me tromper.

 

La passivité des gens qu'on viole chaque jour avec leur assentiment, dans l'indifférence générale, leur servitude volontaire, me décourage chaque jour un peu plus.

 

 

D’autre part, et surtout, l'incompréhension profonde des militants et des intellectuels que je respecte pourtant plus que tout me désespère complètement : les dizaines d'heures que j'ai passées avec Raoul Marc Jennar, Michel Onfray, Gérard Filoche, Jacques Généreux, Frédéric Lordon, Annie Lacroix-Riz, Paul Ariès, Jean-Marie Harribey, Bernard Manin, Jean Veronis, Daniel Schneidermann, Élisabeth Lévy et Philippe Cohen, Jean Lebrun, François Ruffin, Mona Chollet, Sébastien Fontenelle, Agnès Maillard, Stéphane Paoli, Serge Halimi, André Bellon, Maurice Allais, Paul Alliès, Thierry Meyssan, Jean-François Kahn, Jacques Cheminade, Pierre Rosanvallon, Daniel Mermet, et tant d'autres dont j'aime tant la pensée généreuse, la culture infinie et/ou le courage politique, toutes ces heures semblent n'avoir servi à rien :

 

Alors qu’ils sont précisément, selon moi, particulièrement sensibles, humanistes, agiles intellectuellement et ouvert à des idées nouvelles, aucun de ces valeureux n'a compris (mais j'en déduis que c'est probablement moi qui me trompe et qu'il faut peut-être tout laisser tomber et retourner voler dans mes montagnes chéries, ne pensant plus qu’à moi et mes proches, comme avant), aucun n'a compris l'importance première, prioritaire, inédite (jamais testée ailleurs qu’à Athènes il y a 2 500 ans), forcément fondatrice d’un véritable pouvoir de résistance des hommes contre les abus de pouvoirs, l’importance décisive de la Constitution — la seule règle de droit qui soit, PAR DÉFINITION, au-dessus des pouvoirs et qui s'impose donc à eux —, et, par voie de conséquence logique, l'importante majeure et évidente du DÉSINTÉRESSEMENT DES AUTEURS de ce texte supérieur.

 

Tous ces personnages passionnants m'écoutent gentiment, amicalement, amusés de mon insistance qu’ils qualifient parfois d’obsessionnelle, mais pas du tout convaincus que j'aie le moins du monde raison et... ils continuent TOUS à considérer comme une évidence que l'Assemblée Constituante doit être... ÉLUE.

 

 

J'en ai donc vraiment marre, en fait, et derrière mon front, commencent à s'afficher les mots BIEN FAIT POUR VOUS : pendant que le monde s'écroule, pendant que ces gredins de patrons continuent à se goinfrer après nous avoir tous ruinés, pendant que les serpillères gouvernementales nous font les poches en beuglant leur vertu et en couvrant de centaines de milliards les barons voleurs au lieu de les jeter en prison, de confisquer leurs biens et de nationaliser la finance tout entière, alors que ce désastre ne peut être freiné par aucune digue puisque la Constitution (relisez-la si vous ne me croyez pas, celle de France et celle de l’Union européenne) ne prévoit rigoureusement AUCUN moyen de résister même aux pires abus de pouvoirs, pendant que les pires ravages s’approchent, pendant que les journalistes salariés des (subordonnés aux) banques nous préparent déjà à la nécessité de nouvelles guerres, vous êtes tous là à dire : « oui, c’est une bonne idée, la constitution, c’est intéressant, mais ce n’est pas réaliste, il faut s’occuper d’abord de tous les problèmes des gens, les salaires, l’emploi, l’environnement… » et gna gna gna…

 

Mais bon sang, tous ces problèmes sont IMPORTANTS MAIS SECONDAIRES : tant que vous avez LES FERS AUX PIEDS, les fers constitutionnels, vous êtes tous, nous sommes tous, condamnés aux plus stériles bavardages.

 

Bla bla bla… et merde.

 

Les multinationales et les banques, moins stupides que nous, elles, ont compris que CE QUI COMPTE C’EST D’ÉCRIRE SOI-MÊME LES INSTITUTIONS et de prendre ainsi le contrôle réel des marionnettes gouvernementales : qui écrit le droit européen ? Pourquoi est-ce un banquier (américain de cœur) — Jean Monnet — qui a décidé de construire de nouvelles institutions (prétendument « européennes ») de cette façon (sans nous) ? Pourquoi tous ces banquiers poussent-ils ardemment le processus constituant européen (les Pompidou et autres Pascal Lamy) ? À votre avis ? Par philanthropie ?

 

Ils sont moins bêtes que nous, ça c’est sûr.

 

Ils doivent bien se marrer à nous voir tous gesticuler en tapant les murs sans sortir de notre prison, alors que la porte n’est même pas fermée à clef !

 

 

 

LE POUVOIR VA JUSQU'À CE QU'IL TROUVE UNE LIMITE.

 

Ce principe implacable, aussi fort qu'un principe physique universel, formulé au cordeau par Montesquieu, a une conséquence importante : de la même façon qu'on ne reproche pas à un malade d'être malade, de la même façon qu'on ne reproche pas à un objet de tomber vers la terre, il est inutile, il est presque stupide, d'en vouloir aux pouvoirs d'abuser : ils sont programmés pour abuser, ils abuseront, c'est leur nature.

 

Par contre, c'est à nous — les autres, ceux qui consentent à obéir aux pouvoirs —, de fixer des limites.

 

Et la Constitution, le droit du droit, la seule règle qui soit au-dessus des pouvoirs, sert précisément à cela.

 

Mais si vous laissez écrire ces limites par les hommes au pouvoir eux-mêmes... c'est idiot : vous creusez vous-même votre tombe politique, ils vont évidemment tricher.

 

Et il faut donc vous en prendre à vous, et à vous seul. Ce n'est pas la faute "des autres", et surtout pas des hommes au pouvoir dont il n'y a rien à attendre de ce point de vue.

 

Or, tous LES HOMMES DE PARTIS cherchent à accéder au pouvoir (et c'est légitime, ce n'est pas le problème) : ils sont TOUS POTENTIELLEMENT DES HOMMES AU POUVOIR, eux-mêmes ou leurs proches.

 

Donc, dans un processus constituant, à ce moment précis (et pas ailleurs, je ne généralise pas), les hommes de partis sont à la fois « juges et parties » , les hommes de partis ont, dans cette circonstance précise, absolument stratégique, un intérêt personnel contraire à l'intérêt général, ILS NE SONT PAS DÉSINTÉRESSÉS et ILS SERONT DONC TOUJOURS FORCÉMENT MALHONNÊTES : ils programmeront forcément, comme ils l'ont toujours fait, l'impuissance politique des citoyens entre deux élections.

 

Donc, SI ON ÉLIT l'Assemblée Constituante, LES PARTIS VONT NOUS IMPOSER LEURS CANDIDATS et, à nouveau, comme toujours, ce sont les hommes au pouvoir qui vont écrire les règles du pouvoir, et on n’en sortira pas, et merde.

 

 

 

 

Alors, si vous ne faites pas du TIRAGE AU SORT DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE une priorité absolue et immédiate, décisive et indispensable, non négociable,

 

alors oui,

 

BIEN FAIT POUR VOUS.

 

 


 

Réponse à Jean Quatremer, qui voudrait bien discréditer en bloc tous les « nonistes »
pour un "crime de la pensée" : le "conspirationnisme
"
(28 septembre 2008) (Lien)

 

Le 24 septembre, Jean Quatremer, journaliste à Libération, sur son blog Coulisses de Bruxelles, a publié la note suivante :

 

 

Quand l'euroscepticisme mène au conspirationnisme

11septembre200145

 

Une partie des tenants du « non » à la Constitution européenne a développé, durant la campagne référendaire, des arguments de nature "conspirationnistes", Étienne Chouard en premier lieu. Sur son site , créé pour l’occasion, le petit prof en informatique de Marseille s’est fait le héraut du « non » en clamant que le traité constitutionnel européen visait à mettre en place une dictature, pas moins. Une bonne partie de la gauche extrême (et de la droite extrême( a aussi joué sur le rejet des « élites » qui, bien sûr, ne peuvent que comploter dans le dos du citoyen, innocente brebis, en vue d’accomplir leurs buts inavouables.

 

L’antilibéralisme, qui n’est souvent que le nouveau nom de l'antiaméricanisme, se nourrit de cette paranoïa. « On » nous ment, « on » nous veut du mal, « on » veut nous mettre au chômage. Le "on" est au choix, l'Europe, les États-Unis, le libéralisme, le capital.

 

Je suis heureux de découvrir que la boucle est désormais bouclée, plusieurs tenants du « non » de gauche soutenant désormais officiellement les thèses conspirationnistes défendues notamment par Thierry Meyssan à propos des attentats du 11 septembre 2001 : en résumé, les attentats ont été organisés par les Américains eux-mêmes, voire n’ont tout simplement pas eu lieu ! Le lièvre a été levé par le Nouvel Observateur daté du 18 septembre. Sur le site de Chouard, on trouve un lien avec une interview de l’animateur du « Réseau Voltaire » ainsi présenté: "

 

Thierry Meyssan : « Il faut arrêter les processus de diabolisation :
désintoxiquez-vous ! Retrouver l’esprit critique »

 

"Passionnante interview donnée au site reopen911.info".

 

« Je ne sais pas si les États-Unis ont simplement laissé faire les attentats ou s’ils les ont déclenchés », déclare au NO ce noniste de choc qui prédisait une « guerre civile » si le traité de Lisbonne était ratifié en France sans référendum. « Ce que je sais c’est que les plus gros mensonges passent comme une lettre à la poste. Pour les dirigeants américains, 3000 personnes, ça compte pour rien : les gens ne sont que de la merde sous leurs chaussures. Ce que dit Thierry Meyssan, un homme intelligent et très cultivé, devrait être débattu et analysé par les journalistes, au lieu de se trouver balayé par un canon à merde, dont Bigeard est aussi la victime ». Subtil et raffiné, non ? Tout y est : antiaméricanisme primaire, méfiance à l’égard des médias menteur, mépris des élites.

 

Bellaciao , le site participatif de la gauche antilibérale, tout aussi hystèriquement anti-européen que Chouard et qui trouve que la LCR est aligné sur Sarkozy, c'est dire– et dont je suis une tête de Turc régulière —, y va aussi de son soutien aux thèses conspirationnistes (par exemple ici ou ici), tout comme le site Agoravox  qui prétend faire de chaque citoyen un journaliste (un exemple ici ) … À pleurer de bêtise. Mais je ne dirais pas comme Desproges : « Étonnant, non » ?

 

 

Ne pouvant répondre en semaine pour cause de cours au lycée, j’ai répondu avec le message suivant, le dimanche 28 septembre 2008, vers 22 h :

 


 

 

Bonjour à tous,

 

Une amie m’a prévenu tardivement de la publication de cette note. J’ai alors lu la première page en diagonale, mais je devais aller en cours et je ne pouvais pas répondre. Ce week-end, je viens de prendre connaissance des quatre pages de commentaires, dont certains sont tout simplement passionnants. Comme d’habitude, on ne progresse jamais tant que dans la contradiction (à condition, quand même, de se respecter, je pense).

 

À mon sens, « la théorie de la théorie du complot » — celle que semble défendre Jean Quatremer et qui traque de prétendues théories du complot — ressemble bien à une interdiction pour les citoyens de vérifier s’il n’y a eu complot ou pas, une sorte d’INTERDICTION DE DOUTER, sous peine de subir le ridicule réservé aux paranoïaques, suspicieux au point d’en être malades.

 

 

— Pour reprendre d’abord vos reproches un à un :

 

D’une part, je ne dis pas qu’il y a eu tel ou tel complot : je dis justement que je n’en sais rien et que j’aimerais bien lire TOUS les avis contradictoires sur la question pour me forger une opinion éclairée ; ce n’est pas pareil, il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit. L’administration Bush développe sa propre théorie du complot, mais on n’est pas obligé de tout croire d’emblée, ni dans un sens ni dans l’autre, n’est-ce pas ?

 

J’ai expliqué à Ariane Chemin (une journaliste du Nouvel Obs qui avait écrit un papier sur mon site en 2005 quand elle travaillait au Monde) que les exécutifs à tendance tyrannique ont besoin de « terroristes » ou d’« ennemis extérieurs » pour obtenir la docilité d’une population effrayée (leçons bien connues d’Orwell et des différents anti-totalitaires). Pour ces chefs-là, les humains comptent moins que de la crotte sous leurs chaussures, je le crois effectivement.

 

Le moins que je puisse dire est que cette journaliste professionnelle, pourtant apparemment bienveillante au téléphone, probablement trop pressée, n’a pas retenu grand chose d’intéressant de notre long entretien, et que le choix de deux phrases avec deux gros mots (ce que je ne fais jamais à l’écrit, évidemment, quand j’ai le contrôle de mon registre de langage) n’est pas neutre.

 

Votre propre dénaturation de cette première déformation aboutit à une pensée méconnaissable où je ne me reconnais pas. Il faut vraiment que j’apprenne à me tenir sur mes gardes quand je reçois l’appel d’un « journaliste professionnel » car, comme dans un interrogatoire policier, tout ce que je dis peut alors être retenu contre moi, en trahissant s’il le faut la promesse d’une relecture de mes paroles citées.

 

De la même façon que je ne prétends pas qu’il y a eu complot de l’administration Bush (sans l’exclure) en vue de rendre acceptables les exactions qui ont suivi (Patriot Act et agressions armées, notamment), je ne « soutiens pas officiellement » Thierry Meyssan (comme le souhaite apparemment J4M pour me faire rentrer dans la boîte qu’il m’a attribuée) : je trouve Meyssan intéressant, souvent même très intéressant. Est-il possible de nuancer et ne pas voir le monde en noir ou blanc ? Votre sens du discernement devrait vous permettre de distinguer entre « trouver parfois très intéressant » et « soutenir officiellement » ?  Je trouve aussi très intéressantes les thèses radicalement inverses, mais argumentées, comme le lien donné par ‘Bouffon vert’ (25/9, 1h55) vers une réfutation méthodique des doutes exprimés.

 

D’autre part, je réfléchis effectivement à des institutions honnêtes, c’est-à-dire qui placent tous les pouvoirs sous un contrôle permanent des citoyens (voyez mon forum : http://etienne.chouard.free.fr/forum cela représente un certain travail). Je prétends en effet, comme bien d’autres avant moi, que, issu ou pas d’une élite, TOUT POUVOIR EST (À LA FOIS NÉCESSAIRE ET) DANGEREUX, et que les élites qui font tout pour s’affranchir des contrôles sont, elles aussi, (nécessaires et) dangereuses.

 

Est-ce une pensée anti-élite ? Pas du  tout : nous avons besoin de favoriser l’émergence d’une élite pour exercer le pouvoir, cela va sans dire. Mais d’où viendrait que cette élite pourrait gouverner sans un contrôle sourcilleux des citoyens à tout moment ?

 

Je dis donc que C’EST FOLIE DE LAISSER LES ÉLITES au pouvoir modifier elles-mêmes la Constitution c’est-à-dire de FIXER ELLES-MÊMES LES LIMITES DE LEUR PROPRE POUVOIR. Et pour l’instant, personne n’a réussi à me montrer que j’ai tort, loin de là. Je suis sûr que la stricte séparation du pouvoir constituant des pouvoirs constitués est une grande idée qui peut permettre aux hommes de s’émanciper enfin, vraiment.

 

Pour moi, les deux Congrès de 2008, au cours desquels les ministres et les parlementaires ont profondément modifié la Constitution sans même nous consulter par référendum, sont donc deux coups d’État.

 

Je connais un autre professeur — "petit" aussi ? — qui pense comme moi : http://www.marianne2.fr/Haute-trahison_a78911.html

http://www.debout-la-republique.fr/intervention-d-Anne-Marie-Le.html

 

 

Ensuite, je n’ai jamais prédit — et encore moins voulu — une guerre civile : j’ai seulement souligné qu’un pouvoir qui impose brutalement à un peuple l’exact contraire de ce que ce même peuple vient de décider clairement par référendum, sur un point fondamental du fonctionnement de la République, ce pouvoir à tendance tyrannique, effectivement, prend le RISQUE d’une guerre civile, je dis qu’il mérite une insurrection, oui (même si celle-ci n’aura sans doute pas lieu). Résumer cette évidence en disant que je veux la guerre civile ou que je la prédis, c’est de la diffamation ; c’est rendre responsable de l’incendie celui qui appelle les pompiers. C’est ce que j’appelle, à l’écrit, une « machine à salir » (et à l’oral, un canon à m.).

 

 

Donc, en me taxant d’anti-américanisme, d’anti-élite, et d’anti-européanisme, vous fabriquez de toutes pièces un diable qui n’existe que dans vos cauchemars caricaturaux ; la réalité est plus nuancée ; toute vigilance n’est pas fatalement paranoïaque, et l’existence de quelques paranoïaques avérés ne fait pas de tous les citoyens vigilants des paranoïaques.

 

La caricature des thèses adverses n’est-elle pas un aveu d’échec à les réfuter correctement ?

 

 

_______________________________________________________________________

 

 

 

— D’une façon plus générale et plus importante, au-delà du libre débat nécessaire sur le 11 septembre, je revendique le droit POUR TOUS de dire et de faire connaître les PENSÉES DISSIDENTES en vue d’un débat éclairant — qui montrera sans doute la faiblesse ou même l’inanité d’une thèse ou d’une autre. 

 

Je ne revendique là rien d’autre que l’iségoria, ce « droit de parole pour tous, à tout propos et à tout moment » que les Athéniens tenaient pour l’institution CENTRALE d’une démocratie authentique : les vrais démocrates, par des institutions appropriées, protègent les pensées dissidentes comme un rouage décisif qui dévoile toutes les intrigues et protège la démocratie elle-même, alors que les oligarques interdisent et pourchassent les pensées dissidentes pour des raisons que chacun peut deviner.

 

À propos de liberté d’expression, le mot « négationnisme » semble être le redoutable successeur du mot « blasphème », avec la même mission de fustiger des paroles radicalement interdites ; aux antipodes, donc, de l’iségoria et de la liberté d’expression chère aux vrais libéraux. Je n’aime pas le concept même de « négationnisme » qui impose une pensée officielle, interdit le débat et laisse présager une future police de la pensée. La réflexion de Noam Chomsky sur ce point est littéralement passionnante, je trouve.

 

C’est par cette porte-là, d’ailleurs, que je me suis intéressé au cas du 11 septembre : situation révélatrice, emblématique, de la difficulté pour les pensées dissidentes à se faire simplement respecter dans nos prétendues « démocraties ».

 

Les commentaires de Paul et d’Entada (28/9, juste après minuit) et celui de Jean-Luc Guilmot (28/9, 9h4) sont vraiment très intéressants.

 

 

Je rappelle que j’attends toujours de ce blog la réponse à mes questions précises sur l’Union européenne.

 

Par exemple :

***************************************

Comment J4M et ceux qui pensent comme lui justifient-ils la CONFUSION DES POUVOIRS qui règne à l’évidence dans les institutions qu’ils défendent —aussi bien dans les institutions européennes que dans les institutions françaises ?

***************************************

 

Les libéraux qui discutent ici devraient aimer les pensées dissidentes — on a envie de dire « par principe » —, au lieu de les pourchasser. C’est à n’y rien comprendre. Sont-ils vraiment libéraux ?

 

Ont-ils lu les penseurs libéraux (les vrais, pas les anti-libéraux que sont, en fait, les « néo-libéraux »), ceux qui se méfiaient comme de la peste de l’État Léviathan et de TOUS les pouvoirs à cause de leurs ABUS inévitables (ils s’en méfiaient radicalement sans qu’on les traite pour autant de conspirationnistes, j’insiste) ? Ont-ils lu Locke, Rousseau, Montesquieu, de Staël, Constant, Alain, Orwell, Aron, Rawls, Rosanvallon, Castoriadis, qui, tous, dénoncent la confusion des pouvoirs comme source mère de la tyrannie ?

 

N’est-il plus indispensable, selon vous, de dénoncer toute confusion des pouvoirs ?!

 

Pas de réponse sur ce blog.

 

Je n’arrive pas à trouver ici d’éclaircissements sur les « PROCÉDURES LÉGISLATIVES SPÉCIALES » qui, ce me semble, permettent à des organes non élus de nous imposer sans contrôle ce que j’appelle, moi, c’est plus clair, des « lois sans parlement » :

 

À mon sens, et jusqu’à ce qu’on m’ait démontré le contraire, DANS LES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE, LES MINISTRES ET PRÉSIDENTS ACCUMULENT LES POUVOIRS EXÉCUTIF  ET LÉGISLATIF SUR UNE SÉRIE DE DOMAINES CACHÉS AU PUBLIC sous le nom trompeur de « procédures législatives spéciales » (art. 289 §2 TFUE pour le principe ; les autres articles sont disséminés (cachés) dans le TFUE) et d’« actes non législatifs » (exemples : art. 24 TUE, ou art. 290 TFUE). Les ministres — agents exécutifs, en principe — se rassemblent en un « Conseil » — en oubliant curieusement de préciser que c’est un conseil de MINISTRES — et se déclarent carrément co-LÉGISLATEURS (art. 16 TUE).

 

Ces violations caractérisées du principe essentiel de la séparation des pouvoirs révèlent une dérive considérée par la Déclaration des Droits de l’Homme elle-même (art. 16 DDHC) comme la marque la plus sûre du retour à la tyrannie : des pouvoirs non séparés sont des pouvoirs à la merci des puissances privées du moment.

 

Pour des exemples sur ces discrètes « lois sans parlement », voir http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Citoyens_d_Europe_Contre_le_Regime_Illegitime_references.pdf  pages 3, 4 et 5.

 

Je sais que je me trompe peut-être par endroit, comme vous — il n’y a pas de honte à se tromper, heureusement : qui donc ne se trompe jamais ? —, c’est même pour le vérifier que je vous interpelle, mais je ne me contente pas d’une insulte pour changer d’avis : montrez-moi calmement où je me trompe et je serai heureux, sincèrement, de progresser, je ne demande que cela.

 

Enfin, pour ce qui concerne l’accusation d’anti-américanisme, on croirait à une blague : je suis marié à une américaine (dont le père, accessoirement, fut blessé à Omaha Beach) et une partie de ma famille vit en Amérique du Nord… Pas la peine d’en rajouter, vous semblez avoir « une boîte à diables » et vous y collez tous ceux qui vous contrarient. Certes, je dénonce une administration US bien précise, cupide et cynique, qui multiplie les crimes contre l’humanité, c’est pourquoi je dis et je maintiens que la vie humaine n’a clairement aucune importance pour eux, ce sont leurs actes — pas des théories — qui me le prouvent tous les jours, mais cela n’a rien à voir avec un anti-américanisme général, en tout cas si on juge mes propos de bonne foi.

 

Les généralisations de cette note sont donc trop caricaturales et donnent une mauvaise image de leur auteur. Une image fausse d’ailleurs, j’en suis sûr, car personne n'est noir ou blanc et J4M est souvent intéressant, sur d’autres sujets.

 

Ça me rappelle ce que j’écrivais aux journalistes en 2005, et qui vaut encore tout à fait aujourd’hui : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/LettreAStephanePaoliEtBernardGuetta.pdf

 

Sans rancune.

 

Étienne.

 

Pour un résumé des observations qui me conduisent à considérer l’Union européenne comme un régime profondément ILLÉGITIME, et pour une PROPOSITION de résistance, concrète et libre :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees

 

Pour un aperçu des pensées qui m’intéressent et un peu mieux me connaître — moi, le diable hideux que vous étiquetez « rouge/brun/vert »… et bientôt antisémite ? —, vous pouvez consulter ma page ‘En vrac’ : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/En_Vrac.pdf  et bien sûr ma revue de presse quotidienne ‘Liens et documents utiles’ depuis trois ans : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Liens_en_totalite.pdf

 

 

Je suis un admirateur d’Alain — c’était lui aussi un professeur de lycée ; "petit prof" à vos yeux ? — et je reproduis ci-dessous un ‘propos’ qui discrédite assez bien l’interdiction de douter que certains ici voudraient imposer aux simples citoyens en les traitant aimablement d’« escadrille de crétins ».

 

On pourrait intituler cette réflexion (dont l’intérêt va crescendo) :

 

« Le citoyen a le devoir de penser librement, car les droits des citoyens crédules sont comme abolis. Obéissez, mais n’obéissez pas sans contrepartie : sachez douter, refusez de croire.

N’acclamez point : les pouvoirs seront modérés si seulement vous vous privez de battre des mains. »

 

 

Discours de l'instituteur. « Mes chers enfants, puisque le pouvoir aujourd'hui nous écoute, je veux rassembler en peu de mots ce que j'ai eu occasion de vous dire concernant la politique. Le premier article, le plus ancien, le mieux connu, est qu'il faut obéir aux pouvoirs, j'entends de bonne volonté, sans restriction, et au mieux. Cela va loin. Obéir aux lois d'abord, mais encore exécuter promptement les ordres reçus. Soit dans l'inondation, soit dans l'incendie, et surtout dans l'état de guerre, il y va de la vie peut-être ; mais je ne vois point de pouvoirs possibles sans cela, ni d'action commune possible sans cela. Le serment d'obéir doit donc être souvent renouvelé dans vos cœurs. Quand il serait renouvelé publiquement chaque année, je verrais là une belle fête. À tes ordres, César. » Il est bon de dire que l'homme qui parlait ainsi avait un bras de moins, avec la renommée d'un fantassin irréprochable. Son discours ne sonnait pas creux.

 

L'homme sans peur et sans reproche avait encore quelque chose à dire. « Il faut, dit-il, une contrepartie. Ce contrat entre les citoyens et le pouvoir ne peut être ainsi fait que l'un ait tous les droits et que l'autre n'en ait aucun. Ne discutons pas sur le droit d'agir, de posséder, de louer son travail, de le refuser, même d'exprimer ce que l'on pense. Ces droits, de même que le droit d'élire, de critiquer, de contrôler, sont réglés par des lois qui sont mieux que passables. Mais je laisse ce détail pour en venir à l'essentiel qui est le devoir de penser librement. Dès que le citoyen est crédule, tous les droits sont comme abolis. Il ne faut point croire. Cela est très pénible de ne point croire ce que dit un homme éloquent et qui occupe la plus haute place. Mais comprenez aussi qu'un tel homme plaide toujours pour lui-même, qu'il est juge et partie, qu'il est entouré de flatteurs, qu'enfin il exerce le pouvoir, chose enivrante, aveuglante. Il sera trompé, il se trompera lui-même. L'histoire des peuples, comme je vous l'ai montré, est l'histoire des erreurs où tombe naturellement tout pouvoir qui gouverne aussi les pensées. Donc examinez, instruisez-vous, écoutez les uns et les autres. Dans les cas difficiles, sachez douter. L'opinion règne toujours ; elle se fait sentir par le vote, mais bien avant le vote. Chacun de vous est partie de l'opinion et modérateur du pouvoir. Le muet refus de croire y suffit.

 

« Encore un mot là-dessus, mes amis. N'acclamez point. L'acclamation vous revient et vous prend au cœur. L'acclamation a fait tous les maux de tous les peuples. Le citoyen se trouve porté au delà de son propre jugement, le pouvoir acclamé se croit aimé et infaillible, toute liberté est perdue. Le lourd devoir d'obéir n'est plus limité ni tempéré par rien. Je décris ici des mœurs nouvelles; je vous trace un pénible devoir. Mais, mes amis, si l'on veut être libre, il faut le vouloir. Et n'oubliez jamais que les pouvoirs seront modérés, prudents, circonspects, préservés à jamais de l'infatuation, raisonnables enfin, et ménagers de vos biens et de vos vies, si seulement vous vous privez de battre des mains. »

 

Le plaisant est que le pouvoir le plus ombrageux ne peut rien trouver à reprendre dans ce discours ; mais il bouillonne à l'entendre ; il voudrait appeler ses gardes ; il espère, il appelle de tout son cœur la désobéissance, cette autre garde des rois.

 

Alain, 8 décembre 1923.

 

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Source : Alain, « Éléments d'une doctrine radicale », propos choisis de 1906 à 1924,  http://classiques.uqac.ca/classiques/Alain/elements_doctrine_radicale/elements_doctrine.html

 

 


 

Alain contre la proportionnelle, scrutin injuste qui abandonne le pouvoir aux partis
(20 septembre 2008)
(Lien)

 

Pendant que je vis, chaque jour je lis Alain et c’est pour moi une source claire d’intelligence pure ; à lire cet homme, comme à lire son extraordinaire élève Simone Weil, j’ai l’impression de grandir.

 

Je vous propose ici quatre ‘Propos’ sur le mode de scrutin, —tout à rebours de l’air du temps qui réclame aujourd’hui la proportionnelle comme un retour à la justice élémentaire—, où Alain souligne que la proportionnelle abandonne les citoyens aux luttes intestines des partis.

 

Chaque mot compte dans les Propos d’Alain, tout y est à la fois léger et dense, plaisant et puissant, sujet à réflexion.

 

Alain tenait à choisir un homme plutôt qu’un programme ; un homme vertueux (travailleur et honnête), un homme lui-même contrôlé par ceux qu’il représente.

 

(Les titres sont de moi.)

 

 

Entre le plébiscite et le référendum, une voie moyenne :
des députés indépendants des partis et le contrôle permanent des pouvoirs.

 

 

Le plébiscite consiste à demander au peuple : « Quels maîtres voulez-vous ? Voici un exposé de leurs principes, quant à la police, quant à la guerre, quant à la consommation, quant à la production ; réfléchissez et choisissez. Après cela, vous donnerez un long crédit aux maîtres que vous aurez choisis ; ils pourront légiférer et gouverner en regardant au loin, comme de bons pilotes, au lieu d'être arrêtés à chaque instant par les réclamations des uns et des autres. » Ainsi vivent tous les pouvoirs monarchiques ou oligarchiques ; car tous les citoyens ne sont pas malheureux en même temps, et les abus de pouvoir, si l'on n'y remédie sur l'heure, sont bientôt oubliés ; par-dessus tout le citoyen hésite devant une révolution qui est, dans un tel système, son unique ressource. Ajoutons que ce pouvoir fort a bientôt fait de rafraîchir les têtes chaudes et de bâillonner ceux qui parlent trop ; l'oubli vient ainsi avant que la réflexion s'éveille. Aussi la tyrannie, avec un peu d'adresse et de bonheur, peut durer longtemps.

 

 

Le référendum est un système tout à fait opposé à celui-là, car les pouvoirs ne font alors qu'appliquer les lois; ils ne sont que magistrats. Rien ne peut être changé dans les droits et les devoirs sans que le peuple soit consulté. Par exemple la solution du conflit entre la Marne et l'Aube serait demandée au suffrage universel ; la formule des assurances ouvrières et paysannes, de même ; le plan de notre action au Maroc, de même. Et l'on saisit sans peine pourquoi ce système est impraticable. Chaque citoyen devrait passer son temps à lire, à calculer, à discuter ; ou bien alors il devrait juger d'après l'expérience, je dis son expérience à lui ; mais les répercussions d'une loi sur les fraudes ne se font sentir à tous les citoyens qu'après un long temps ; et elles sont perdues presque toujours dans la masse des faits. Pour le problème marocain, c'est encore plus évident.

 

Ajoutons que le contrôle des gouvernants par les gouvernés, qui est ce à quoi le peuple tient le plus, et ce qu'il réclamerait certainement par voie de référendum, ne peut s'exercer par le référendum même. [Ah bon ? ÉC] Entre plébiscite et référendum, il faut donc choisir quelque système intermédiaire ; et l'on est ramené au parlementarisme, dans lequel les représentants du peuple exercent un contrôle sans limite sur les actes du pouvoir, et aussi prononcent sur les réformes, en tenant compte à la fois de leurs connaissances propres et de l'opinion de ceux qu'ils représentent. Par ce mécanisme, qui suppose une familiarité et des échanges continuels d'idées entre les électeurs et l'élu, le peuple ne choisit pas ses maîtres ; il fait bien mieux, il règle, il modère, il redresse l'action des maîtres qu'il a, quels qu'ils soient.

 

C'est pourquoi le caractère du député, ses habitudes de travail, sa clairvoyance, son indépendance sont le principal, une fois que le principe de la souveraineté du peuple est posé et maintenu. S'il s'agit de mettre au jour quelque friponnerie d'administration, un modéré, s'il n'est ni ignorant, ni faible, ni dépendant, vaut assurément mieux qu'un paresseux, un craintif, un sceptique, un prodigue, un brouillon qui aurait l'étiquette radicale. Et si, dans ma circonscription, mon candidat n'étant pas élu, l'élu est un homme intègre et qui travaille, je suis représenté tout de même ; car si je connais un abus de pouvoir ou quelque gaspillage dans l'administration, je saurai à qui m'adresser. Voilà pourquoi je veux que l'on considère plutôt le caractère d'un homme, sa probité et sa puissance de travail, que le parti organisé dont il aura reçu l'investiture.

 

30 juin 1911.

 

 

Mon commentaire :

 

Et comment contrôle-t-on les contrôleurs ? Qui juge et punit les parlementaires eux-mêmes ? Si ces contrôleurs écrivent eux-mêmes leur code de conduite —la Constitution—, nous sommes perdus.

 

Par ailleurs, je ne partage pas cette conviction d’Alain que le peuple ne peut pas contrôler ses élus par référendum. L’instruction et les moyens de communication ont beaucoup progressé et ce qui était impensable hier semble devenu possible et même souhaitable aujourd’hui. Cependant, les termes de l’alternative posés par Alain restent d’une pertinence lumineuse. J’aime lire cet homme.

 

 

Contre la proportionnelle, scrutin injuste.

 

Quand ils ont dit que la Proportionnelle est juste, ils croient avoir tout dit. Et je vois bien une espèce de justice au premier moment, c'est-à-dire quand on nomme les députés ; mais encore faudrait-il y regarder de près. Si l'électeur est moins libre et moins éclairé dans son choix, est-ce juste ? Si les comités départementaux ont tout pouvoir pour imposer tel candidat et surtout pour en éliminer un autre, est-ce juste ? Si un homme droit et sûr prête son appui, par nécessité, à des ambitieux aussi riches d'appétits que de talents, mais de pauvre caractère, est-ce juste ? Si un ferme et libre esprit ne peut être élu qu'en traitant avec un parti, est-ce juste ? Si les partis ainsi organisés ont presque tout pouvoir pour échapper à la pression des électeurs, et tromper leurs espérances, est-ce juste ? Si l'élite, déjà si puissante, se trouve fortifiée encore par ce nouveau système électoral, est-ce juste ? Si l'influence des politiciens sur les vrais amis du peuple, déjà trop forte, s'exerce alors irrésistiblement, par les délibérations et les votes à l'intérieur du parti, est-ce juste ? Et enfin, si l'écrasement des minorités est injuste dans la circonscription, par quel miracle devient-il juste au parlement ? Car il faut bien que l'on décide enfin, et que la majorité l'emporte. En somme, quand vous dites que la Proportionnelle c'est la justice, j'ouvre bien les yeux, car j'aime la justice, mais je ne comprends rien, je ne perçois rien de ce que vous annoncez.

 

 

En revanche, il y a quelque chose que je comprends très bien et que je perçois très bien, c'est que les opinions pour et contre la Proportionnelle correspondent à des opinions très bien définies concernant l'avenir de la République. Car les uns, qui sont l'élite, et que je reconnaîtrais presque au port de la tête, craignent par-dessus tout ce qu'ils appellent la démagogie et les intérêts de clocher. Ils veulent qu'en toute chose, armée, impôts, travaux publics, ce soient les compétences qui décident ; ils veulent que la grande politique, qu'ils appellent nationale, échappe tout à fait au contrôle des petites gens, pour qui vivre de leur travail et s'assurer contre les risques est la grande affaire. Enfin ils se défient de l'électeur. C'est contre l'électeur qu'ils ont inventé la Proportionnelle, et l'invention est bonne.

 

 

Les autres savent trop, par trop d'expériences, ce que devient la volonté populaire lorsqu'elle se heurte à l'action continue des grands Ambassadeurs, des grands Banquiers et des grands Bureaucrates. Ils savent trop comment les députés cherchent trop souvent autour d'eux, dans ce milieu parlementaire qui a ses préjugés propres, un appui contre l'électeur, et de beaux prétextes pour oublier leurs promesses. Ils savent que les grands intrigants sont déjà assez forts, et disposent déjà trop des réputations et des influences ; que l'air parisien est déjà assez mauvais et dangereux pour les provinciaux même les plus rustiques ; et qu'enfin le scrutin d'arrondissement est la meilleure arme de la province contre l'élite parisienne. Prise ainsi, la question est assez claire, il me semble. Et c'est parce que ces raisons commencent à se dessiner dans le brouillard, que cet accord apparent de la plupart des députés recouvre en réalité des divisions profondes et une résistance formidable.

 

14 juillet 1914.

 

Mon commentaire : D’accord, MAIS, même avec le scrutin d’arrondissement, les élections législatives restent une révoltante escroquerie. La raison en est que tout scrutin, s’il est dévoyé par les intrigues partisanes, devient un scrutin détestable malgré toutes ses belles promesses. Je continue à chercher, chez ce penseur exceptionnel qu’est Alain, des traces de mon idée centrale —« ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir. »

 


Dans la même veine, il y a cet autre propos, excellent lui aussi :

 

 

Un bon scrutin permet de contrôler, de blâmer et de détrôner tous les pouvoirs.
Le scrutin proportionnel, lui, offre un droit fictif et ne permet pas davantage que de choisir un tyran parmi plusieurs tyrans.

 

Je vois que la Ligue des Droits de l'Homme, dans son bulletin, recommande des cartes postales « proportionnalistes ». Il est remarquable que tant de Républicains éclairés se soient laissés prendre par les mots. Pour la Justice, pour le droit de l'électeur, ce beau programme devait plaire à la Ligue. Un homme raisonnable me disait encore il n'y a pas longtemps : « Je suis Proportionnaliste tout simplement parce que je veux conquérir mon droit d'électeur. Je suis républicain, et assez décidé ; j'appartiens à une circonscription où le royaliste est élu tous les quatre ans, sans lutte possible. Que je vote ou que je ne vote pas, le résultat est, le même ; je demande seulement que mon suffrage ne soit pas perdu ». Raison de belle apparence, mais qui ne me frappe point.

 

 

Voter, ce n'est pas précisément un des droits de l'Homme ; on vivrait très bien sans voter, si l'on avait la sûreté, l'égalité, la liberté. Le vote n'est qu'un moyen de conserver tous ces biens. L'expérience a fait voir cent fois qu'une élite gouvernante, qu'elle gouverne d'après l'hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n'exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n'exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s'agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c'est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu'ils méconnaissent les droits des citoyens.

 

 

On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite, où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu'à être assuré que le maître n'est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C'est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

 

Or la Proportionnelle m'offre un droit fictif, qui est de choisir pour mon compte, entre trois ou quatre Partis, quel sera le Parti-Tyran. Mais que ce soit selon mon choix ou selon un autre, le Parti-Tyran sera toujours tyran, et mes droits seront toujours diminués. Dès que le député dépend plus d'un journal ou d'un comité, et moins de l'électeur, la liberté est menacée. Je dis la liberté de tous. Car si je suis radical, et si les radicaux sont les maîtres, j'aurai bien quelques faveurs si je les demande ; mais je n'appelle point cela liberté. Ce que j'appelle liberté, c'est la dépendance étroite de l'élu par rapport à l'électeur. C'est d'après cela seulement que je juge un système électoral. En termes bien clairs, il s'agit pour moi d'empêcher que les riches ajoutent le pouvoir politique au pouvoir économique qu'ils ont déjà. Or, avec les Partis et la Haute Politique, je suis assuré que les riches gouverneront. Tandis qu'avec notre système, et les perfectionnements qu'il peut aisément recevoir, comme limitation des dépenses électorales et secret du vote, nous arriverons à tenir en bride les Grands Politiques, et les Hommes d'État impatients qui ne parlent que de restaurer l'autorité. Merci du cadeau. Le meilleur des rois ne vaut rien.

 

6 décembre 1912.

 

Source de ces trois premiers 'propos' : « éléments d’une doctrine radicale »


 

 

Nécessaire indépendance des députés à l’égard des partis.
Tout contribue à jeter le chef dans de folles entreprises.
L’élection ne vaut pas contrôle.

 

Autant qu’un député juge à la manière d’un arbitre, et sans considérer un parti ou l’autre, le peuple est libre, aussi libre que la condition humaine le permet. Ce qui aura semblé nécessaire, utile, ou permis, au plus grand nombre de ces arbitres sera tenu pour tel, et très raisonnablement. Il n’en sera plus de même si le député considère les partis. Car, si l’accusé, ici le ministre, est un des chefs de son propre parti, il le soutiendra peut-être sans trop examiner, en vue de se rapprocher de la tête. Si l’accusé est soutenu par l’autre parti, encore bien mieux notre homme imaginera quelque ministère pour lui-même ou pour ses amis. Dans tous les cas il combattra comme soldat d’une armée ; il combattra au lieu de juger. C’est ce qu’on voit toujours à quelque degré, car rien n’est parfait ; mais le degré est ce qui importe. Supposez qu’un puissant parti occupe le pouvoir, et paraisse en mesure de punir les indisciplinés et les traîtres par une exclusion efficace, tout contrôle est rendu impossible et la liberté est perdue.

 

Les choses ne seront jamais tout à fait ainsi, parce que nul système électoral ne détournera tout à fait le peuple de disloquer les partis et de choisir des hommes. Mais il faut convenir que le système des listes, qui vise toujours à écarter les isolés, nuit au contrôle et donne plus de liberté aux pouvoirs quels qu’ils soient. Vouloir que le chef aime le scrutin d’arrondissement, c’est trop demander. Les hommes font voir ici une clairvoyance admirable. Observez les opinions, et vous remarquerez qu’elles dépendent des fonctions. Tout homme qui détient une parcelle des pouvoirs, quand ce ne serait qu’un chef de bureau, est pour le scrutin de liste et contre le scrutin d’arrondissement. Aux yeux de celui qui n’est point du tout chef, la proportionnelle est suspecte en ceci qu’elle suppose des listes et des partis. Par la même raison tous les tyrans, grands et petits, tiennent pour la représentation proportionnelle. Les socialistes ne sont pas loin de le comprendre, mais seulement par les effets, et non point par les causes ; sans compter qu’ils sont aisément un peu tyrans, et de bonne foi. « Si j’étais roi », telle est leur chanson.

 

 

Si tu étais roi sans contrôle, tu serais un mauvais roi. Il n’est point de sagesse qui ne s’use à exercer le pouvoir. L’importance, une pointe toujours d’entêtement, les difficultés réelles, l’excès même du travail et le poids de mille affaires, enfin la mécanique du pouvoir, qui est l’administration, tout contribue à jeter le chef en de folles entreprises. Je le suppose honnête, attaché au bien public, amoureux de la vraie gloire ; cela ne changera rien. Et pareillement je suppose que ceux qui l’ont choisi soient réellement le plus grand nombre, cela ne changera rien si ceux qui l’ont choisi n’ont pas le pouvoir de le modérer. Que les femmes votent, cela ne changera rien. Mais au contraire, soit que les hommes votent seuls, soit que les femmes s’y joignent, et que les chefs de famille aient plusieurs voix ou non, pourvu que le député soit tenu par les électeurs et non par les partis, le pouvoir sera tenu de dire ses secrets, d’exposer ses projets, d’étaler ses comptes ; et tout ira passablement.

 

12 janvier 1924.

 

Source de ce dernier 'propos' : « Alain, Propos sur les pouvoirs », propos choisis et classés par Francis Kaplan, Folio Essais n°1, 1985, p. 232.

 

 

 

Voyez aussi ALINALIA, le site des amis d'Alain : http://alinalia.free.fr.

 

 

 

Vous pouvez réagir sur ce billet du blog :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/09/20/95-alain-contre-la-proportionnelle-scrutin-injuste-qui-abandonne-le-pouvoir-aux-partis  

 


 

L’affaire DANON, révélatrice de l’escroquerie antidémocratique qu’est l’Union européenne, conçue par et pour les industriels et les banquiers, contre les citoyens, contrairement aux apparences trompeuses (12 mai 2008) (Lien)

 

J’ai rencontré Jacques Danon deux fois, et la position de l’UE sur son combat contre les multinationales de l’assurance (c’est vraiment David & Goliath) est à la fois révoltante et emblématique ; nous devrions tous être interpellés par le sort que lui réservent les institutions de l’Union européenne, cela n’arrive pas qu’aux autres. Sa solitude pourrait bien être prochainement la nôtre.  Voyez son blog, il est bien fait.

 

Voici un mail récent que m’a envoyé une des personnes qui se battent à ses côtés, qui insiste sur quelques points particulièrement choquants de l’affaire DANON :

 

 

Bonsoir Étienne

 

J’ai écouté très attentivement hier soir l’une de vos interviews datée du mois de janvier dernier qui se trouve sur votre blog. Vous dites, avec raison, que l’Europe n’est plus une démocratie, que les puissances financières font la loi, que le droit n’existe plus

 

L’affaire emblématique de Jacques illustre tellement bien ce que vous dites : les puissances financières qui dictent leurs lois, le droit qui n’est soumis qu’à leur arbitraire.

 

Vous avez dit que l’Europe est une fausse démocratie imposée en douce pour le compte d’une oligarchie et que les institutions de l’Union européenne ont été voulues par les banquiers.

 

Par rapport à vos considérants sur le comportement antidémocratique de l’UE, l’affaire de Jacques offre une opportunité unique d’expliquer et de démontrer de façon vivante et concrète comment les institutions européennes fonctionnent et que l’image de protection et de démocratie n’est qu’une façade et qu’ils sont complètement déconnectés de leurs citoyens.

 

La pièce maîtresse :

 

Sur ce blog, je me permets d’attirer votre attention toute particulière sur un document incroyable (Novas) (annexe 1, en attache) qui démontre que l’oligarchie financière s’approprie en toute impunité la puissance publique de l’Europe en se prévalant des Commissaire européens, de la Commission européenne, du Parlement européen et de son Président et des députés européens contre une victime européenne devant la justice suisse, justice qui accepte ces écritures, se transformant ainsi en tribune des institutions de l’UE contre des citoyens de l’UE ! ! ! ! ! !

 

La même philosophie est renouvelée par la suite dans la presse suisse transformant les Danon, en ennemis des relations bilatérales entre la Suisse et l’UE (comme amplement démontré sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme belge).

 

L’appel au secours à l’Europe passe par le seul moyen qu’a le citoyen, à savoir le droit de pétition.

 

Les Danon demandent secours et protection auprès des Institutions européennes qui leur doivent protection.

 

Comment est traitée au Parlement européen
une pétition qui dérange l’oligarchie financière :

 

Le 14 février 2006, la pétition déposée le 22 septembre 2005 est déclarée recevable par la commission des pétitions du Parlement européen. (annexe 2, en attache).

 

Cette pétition met en avant que pour avoir eu le courage de faire valoir leurs droits pendant près d’un quart de siècle, les Danon, ont été ‘‘punis’’ et leur affaire transformée en une affaire d’Etat en utilisant, en toute impunité, les institutions de l’UE contre eux, mais bien pire encore, ils ont vu disparaître illégalement, arbitrairement et à leur insu leur outil de travail de 25 ans et détruits, leurs intérêts économiques vitaux et leur réputation équivalant à une mort économique et sociale. Leurs avocats belges ont souligné ‘‘le fascisme économique’’ dont ils font l’objet. Un éminent Professeur de droit bancaire suisse a conclu dans un avis de droit ‘‘boycott’’.

 

(Comme vous le dites si bien Étienne, l’Europe ne connaît plus le droit.)

 

Au mois de juin 2006, lors d’une audition au Parlement européen, le comité des pétitions décide de convoquer la Winterthur devenue AXA Winterthur, ainsi que la Suisse à l’audition du mois d’octobre 2006.

 

Au mois d’août 2006, AXA Winterthur essaye, par le biais de la justice belge d’obliger les Danon à retirer leur pétition.

 

Le 4 octobre 2006, la pétition (soutenue par la Ligue belge des droits de Homme) qui mettait en évidence les violations au droit international public, aux droits fondamentaux, aux traités internationaux, et qui demandait la protection des Danon de la part de l’UE, est clôturée à l’unanimité, en violant à l’unanimité le droit d’être entendu sur leurs moyens de défense présentés par les avocats belges

 

Par le suite, soutenus par des députés européens, par la Présidente de la Sous commission des droits de l’Homme du Parlement européen, ainsi que par la Ligue belge des droits de l’Homme, les Danon demandent, comme ils en ont le droit, la réouverture de cette pétition. Celle-ci leur est refusée.

 

Le 31 janvier 2007, la Présidente de la Sous Commission des droits de l’Homme du Parlement européen donne une conférence de presse sous le titre :

Affaire Danon: Violations des droits fondamentaux et atteinte aux accords bilatéraux UE-Suisse

Voir document en annexe 3 en attache.

 

Le service de presse des Verts du Parlement européen lance des centaines d’invitations à toute la presse européenne écrite et parlée. Seuls les journalistes de la presse suisse, plutôt agressifs, se présentent, ainsi que AXA Winterthur accompagnés d’un huissier…. ! ! ! ! !

 

Finalement les Institutions européennes se sont
pliées aux desiderata de l’oligarchie financière
au détriment de victimes européennes.

 

C’est là où cette histoire des Danon, qui concerne aussi tous les citoyens de l’UE, démontre avec force le bien-fondé de votre analyse de l’Europe que j’ai pu entendre dans votre interview.

 

Merci pour votre attention, je vous appelle tout prochainement,

 

Courtoises salutations,

 

MP

 

 

Il me semble que nous devrions nous montrer solidaires des Danon.

Ce cas est exemplaire.

 


 

Message collectif (email) : organisons partout des micro-résistances, avec des MOCRIEs, Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime Européen,
à date et heure fixes dans toute l’Europe 
(13 avril 2008) (Lien)

 

Trets, le 13 avril 2008, à 01:34.

 

Chers amis,

 

Contre les abus de pouvoirs caractérisés que sont, à mon avis, tous les "traités constitutionnels", je voudrais vous décrire une nouvelle idée pour résister au sabordage de la démocratie par nos propres "représentants" : organiser partout une multitude de micro résistances contre la source même de nos impuissances politiques :

 

1) Relier les signes alarmants de l’actualité à l’impuissance politique des citoyens verrouillée par les institutions ;

 

2) Concentrer nos protestations sur l’honnêteté du processus constituant ;

 

3) Multiplier les micro résistances à travers des manifestations hebdomadaires obstinées, le même jour à la même heure, partout en Europe.

 

 

 

1) Les indicateurs alarmants sont nombreux qui devraient nous inciter à contrôler tous les pouvoirs à tout moment :

 

Parmi les indicateurs alarmants, on peut citer le crash financier majeur imminent, la dérive policière des "démocraties" prétendument "libérales" dans lesquelles même la torture — pratiquée sur des citoyens incarcérés sans procès et sans défense — est autorisée et même encouragée au prétexte de "lutte contre le terrorisme", l’usage massif d’armes nucléaires (des milliers de tonnes de munitions à l’uranium) dans des pays écrasés par des guerres contre d’insaisissables "terroristes", guerres déclenchées sans que les peuples puissent l’interdire, la prolifération exponentielle des OGM sans moyen de résister, le sabordage des services publics au prétexte d’une dette fabriquée de toutes pièces par l’abandon de la création monétaire aux banques privées, dette publique qui rend les prêteurs privés maîtres des principales décisions publiques, l’abandon des peuples par leurs propres représentants — politiciens de métiers qui doivent trop leur pouvoir aux puissances financières —, les mécanismes de dérégulation à cliquet (à petits pas irréversibles) qui dépouillent progressivement les États de leur droit d’interdire le plus élémentaire (liberté de mouvement des capitaux imposée par traité, AGCS négocié en secret, etc.), jusqu’aux constitutions ! écrites désormais directement par les présidents et leurs ministres et imposées sans référendum !

 

La coupe est pleine et ça urge ! Il est temps que les citoyens reprennent le contrôle de leurs représentants.

 

Pourtant, les militants de tous bords semblent mener leurs luttes sociales sans se préoccuper du tout de la Constitution : ils luttent vaillamment sans prêter attention aux fers que nous portons tous aux mains et aux pieds et qui nous contraignent au plus haut niveau du droit.

 

Il me semble que toutes nos luttes sociales sont vouées à rester de simples gesticulations sans effets durables tant que des verrous institutionnels privent les citoyens du contrôle des pouvoirs institués.

 

L’apparente indifférence des militants sur ce point décisif m’étonne d’autant plus que ces verrous, déjà redoutables dans les droits nationaux, sont terriblement renforcés, pérennisés, par les institutions européennes.

 

Ainsi, nous avons urgemment besoin du référendum d’initiative citoyenne (RIC) que nous garantiraient assurément d’honnêtes institutions. Et ce droit élémentaire, les politiciens de métier ne nous le donneront jamais, pour la raison simple que ce droit citoyen irait directement contre leur intérêt personnel en les privant d’une partie de leur pouvoir. C’est pourquoi je dis haut et fort que ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir ; ce n’est ni aux parlementaires ni aux ministres ni aux juges d’écrire ou de réviser la Constitution.

 

 

 

D’où cette idée, qui me semble doublement originale :

 

 

2) Nous devrions nous concentrer sur l’essentiel : l’honnêteté du processus constituant :

 

Il faudrait prioritairement protester contre l’essentiel et, comme je viens de le suggérer, il me semble que la source majeure de nos impuissances est l’illégitimité fondamentale des pouvoirs de l’Union européenne, conçue et imposée par des exécutifs qui sont évidemment juges et partie dans un processus constituant : ils s’écrivent des règles pour eux-mêmes et ça se voit partout.

 

Cette partialité au plus haut niveau du droit est extrêmement dangereuse pour les libertés et on peut le constater concrètement : ce qui est programmé grâce à l’UE, c’est l’impuissance politique des citoyens face au chômage, aux bas salaires, à la violence économique et bientôt à la guerre, et l’absence de contrôle public des pouvoirs dans les domaines qui comptent le plus pour les industriels et les banquiers : marché intérieur, concurrence, liberté de mouvement des capitaux, droit fiscal et droit social, notamment.

 

Alors qu’une Assemblée constituante désintéressée programmerait sans doute un véritable référendum d’initiative citoyenne (RIC), rouage central du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui nous permettrait enfin, par exemple, d’interdire nous-mêmes, rapidement et sans difficulté, à la fois les paradis fiscaux, les OGM en plein champ, les armes à l’uranium "appauvri", la privatisation des services publics, le cumul des mandats, la libre circulation des capitaux, l’abandon de la création monétaire aux banques privées, et bien d’autres fléaux dont, manifestement, les politiciens de métier s’accommodent fort bien malgré les souffrances des citoyens.

 

La première originalité de l’idée que je vous propose serait donc de se concentrer très prioritairement sur la source même de nos problèmes, c’est-à-dire le processus constituant : il s’agirait de lutter contre le régime illégitime européen.

 

 

3) Une autre originalité consiste à multiplier les micro-résistances et à protester toutes les semaines, le même jour et à la même heure, partout en Europe, par petits groupes au début mais tout le temps et partout :

 

Ensuite, deuxième originalité, plutôt que de faire une grande manif une fois tous les six mois ou tous les ans, et puis plus rien jusqu’à la prochaine, avec une frustration générale de ne rien pouvoir faire au quotidien, je propose de nous inspirer de l’exemple des Allemands de l’est et de leur idée, qui a très bien marché en 1989 (avec la chute du mur de Berlin), et qui s’appelait « les manifestations du lundi » :

 

Nous organiserions, modestement mais vaillamment, plein de petites manifestations, un peu partout, dans tous les quartiers et villages d’Europe, le même jour à la même heure, toutes les semaines : je propose le mercredi à 18 ou 19 h, mais il faut en parler entre nous, on fait ce qu’on veut :o)

 

Ce serait un rendez-vous régulier, facile à mémoriser et à rejoindre par les nouveaux mécontents ou les nouveaux courageux, à fréquenter sans peine puisque tout près de chez nous, et permettant d’être nombreux même en n’étant que 5 ou 10 personnes au même endroit puisque réunis un peu partout en Europe au même moment, avec un site central et un forum par manif pour faire connaître les initiatives et les infos utiles.

 

Ce serait surtout le spectacle permanent d’un mécontentent général et persistant, mécontentement opiniâtre et obstiné, pas résigné du tout, prêt à se cristalliser bientôt.

 

Ce serait des Manifestations Obstinées Contre Le Régime Illégitime Européen (MOCRIE), régime imposé aux peuples européens par voie de traités, sans Assemblée constituante ni Référendum.

 

 

Nota : pour permettre la cohabitation pacifique de tous les résistants, je recommande de s’interdire tout étendard ou drapeau partisan dans ces MOCRIEs : à l’évidence, le clivage « gauche droite » nous divise et nous affaiblit. Ce mouvement citoyen devrait se concentrer sur l’essentiel : rendre le contrôle des pouvoirs publics aux personnes physiques.

 

Il semble que des initiatives soient en train de naître dans le même esprit un peu partout en Europe.

 

Il y en a déjà cinq qui sont apparues en France en quelques heures (voir le blog) : ainsi, tous les mercredis à 18h, à partir du 16 avril, il y aura une petite MOCRIE à Trets, sur la place de la Mairie, une autre MOCRIE à Lyon, place de la République, une troisième MOCRIE à Montpellier, une autre MOCRIE à Rennes, place de la Mairie, et encore une à Nantes (44000) devant le château de la Duchesse Anne…

 

 

Vous aussi, n’hésitez pas à créer votre propre petite MOCRIE,
tout près de chez vous, simplement.

Puis, venez nous en avertir ici :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees

 

Si l’idée vous plaît, j’ai besoin de vous, évidemment, pour la faire connaître entre simples citoyens et pour organiser les outils qui nous permettront de communiquer entre nous. Je vais créer un site qui centralise les infos et qui offre notamment un forum par MOCRIE, de façon à permettre aux participants de communiquer.

 

On verra si cette graine d’idée est assez simple et assez forte pour survivre dans la tourmente que vit en ce moment l’idéal démocratique.

 

Amicalement.

 

Étienne.

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/

 

 


 


Citoyens d’Europe Contre le Régime Illégitime : CECRI

Organisons des microrésistances au traité de Lisbonne,
et plus généralement à tous les « traités constitutionnels ».
Proposition pour une multitude de 
Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime Européen
(MOCRIE)
 
à date et heure fixes dans toute l’Europe :


http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/07/93-pour-des-manifestations-populaires-obstinees-mpo


(Source : http://www.citizens-initiative.eu/)

 

 

Voici quelques articles sur l’expérience des Allemands de l’est :

 

« Allemagne : le retour des manifestations du lundi »

http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=4340

 

« La contestation sociale s’amplifie »

http://www.rfi.fr/actufr/articles/056/article_29909.asp

 

« L’impact des manifestations du lundi »

http://www.humanite.fr/2004-09-20_International_L-impact-des-manifestations-du-lundi

 

« Contre les patrons voyous !

Appel pour les manifestations du lundi »

par Jean Dornac :

http://wb.attac.be/Contre-les-patrons-voyous.html

 

« Allemagne : les jeunes larouchistes relancent les manifestations du lundi ! »

http://solidariteetprogres.online.fr/Campagnes/Saxe.html

 

« Mouvements populaires en RDA »
Les manifestations du lundi replacées dans leur contexte sur wikipédia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9unification_allemande#Mouvements_populaires_en_RDA

 

« Le pasteur qui a fait tomber le mur de Berlin se retire »

de Pierre Bocev, dans Le Figaro.fr :

http://www.lefigaro.fr/international/2008/03/29/01003-20080329ARTFIG00210-le-pasteur-qui-a-fait-tomber-le-mur-de-berlin-se-retire-.php

 

 

 


De mon côté, je propose ma première MOCRIE :
à TRETS (France 13530), le mercredi 16 avril 2008, à 18 h,

sur la place de la Mairie.


Je vais préparer une banderole, avec d’un côté
« CECRI : Citoyens Européens Contre le Régime Illégitime,
contre des pouvoirs imposés par voie de traités et sans référendum »

et de l’autre : 
« MOCRIE : Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime Européen
 toutes les semaines, le même jour à la même heure, partout en Europe »

 


 

Organisation de la résistance au traité de Lisbonne,
et plus généralement à tous les « traités constitutionnels » :

proposition pour des Manifestations Populaire Obstinées (MPO)
à date et heure fixes dans toute l’Europe
(mardi 8 avril 2008) (Lien)

 

Les représentants politiques des différents pays européens, tout en affirmant leur amour de la démocratie, ont engagé depuis cinquante ans un processus constituant sans les peuples qu’ils sont pourtant censés représenter, et même parfois carrément contre eux, comme en France et aux Pays-Bas où les élus imposent par voie parlementaire ce que leur peuple vient de refuser expressément par référendum.

Les reproches majeurs que nous faisons aux institutions européennes (voir encadré page suivante), et notamment celui de verrouiller partout l’impuissance politique des citoyens, ne sont nullement pris en compte par les élites politiques, médiatiques et économiques : la démocratie imposée par nos élus est de plus en plus clairement factice.

Pourtant, les indicateurs alarmants sont nombreux qui devraient nous inciter à contrôler tous les pouvoirs à tout moment : le crash financier majeur imminent, la dérive policière des "démocraties" prétendument "libérales" où même la torture — pratiquée sur des citoyens incarcérés sans procès et sans défense — est autorisée et même encouragée au prétexte de "lutte contre le terrorisme", l’usage massif d’armes nucléaires (des milliers de tonnes de munitions à l’uranium) dans des pays écrasés par des guerres contre d’insaisissables "terroristes", guerres déclenchées sans que les peuples puissent l’interdire, la prolifération exponentielle des OGM sans moyen de résister, le sabordage des services publics au prétexte d’une dette fabriquée de toutes pièces par l’abandon de la création monétaire, dette publique qui rend les prêteurs privés maîtres des principales décisions publiques, l’abandon des peuples par leurs propres représentants — politiciens de métiers qui doivent trop leur pouvoir aux puissances financières —, jusqu’aux constitutions écrites désormais directement par les présidents et leurs ministres et imposées sans référendum ! La coupe est pleine et ça urge ! Il est temps que les citoyens reprennent le contrôle de leurs représentants.

Nous, citoyens européens de toutes tendances, attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contestons solennellement le droit des responsables politiques à redéfinir eux-mêmes leurs propres pouvoirs sans consulter directement les peuples concernés. Les élus ne sont pas propriétaires de la souveraineté populaire ; ils n’ont pas de légitimité à modifier eux-mêmes les institutions.

L’expression "traité constitutionnel" est un aveu d’abus de pouvoir : on n’écrit pas les constitutions par voie de traité. Ce n’est pas aux ministres, ni aux parlementaires ni aux juges d’écrire ou de modifier les institutions européennes : seuls les peuples eux-mêmes, — sur proposition d’une Assemblée constituante désintéressée, c’est-à-dire dont les membres n’écrivent pas des règles pour eux-mêmes —, seuls les peuples eux-mêmes ont la légitimité politique de fixer et limiter les pouvoirs de leurs représentants, par référendum, à l’issue d’un vrai débat public.

Au contraire, les gouvernants européens profitent de leur pouvoir pour en abuser : le processus constituant « par traités » rend les institutions européennes très profondément illégitimes. Il nous semble important et urgent de résister à cette dérive tyrannique et d’organiser cette résistance pour aussi longtemps qu’elle sera nécessaire.


Un souvenir : avant la chute du mur, les Allemands de l’est manifestaient tous les lundis à 18 h pour dire simplement : « le Peuple, c’est nous ». Ils étaient parfois une poignée, parfois des dizaines de milliers, mais ils étaient toujours là, visibles.

Ce geste courageux de résistance durable pourrait nous inspirer dans la lutte contre le processus despotique qui se joue avec les traités inconstitutionnels européens : nous pourrions, nous, institutionnaliser la résistance, autant que possible, en multipliant les lieux où se manifeste le mécontentement :

Dans toutes les villes d’Europe où il existe des résistants déterminés, seraient organisées
DES MANIFESTATIONS HEBDOMADAIRES
, tous les mercredis à 18 h par exemple.

Lors de ces manifestations, on pourrait médiatiser internationalement les principales initiatives citoyennes du moment, ce qui donnerait à ces initiatives de la visibilité, et donc de la force. Par exemple :

  •     la plainte de milliers de citoyens auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre l’État pour violation du droit à élire notre Corps législatif, plainte d’origine citoyenne que soutient www.29mai.eu,

  •     la pétition contre le parasitisme financier, déchaîné par des institutions européennes complaisantes qui interdisent aux États de gêner la libre circulation des capitaux, pétition d’origine citoyenne que défend www.stop-finance.org,

  •     la pétition pour l’indispensable et très populaire Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), pétition et projet citoyen développés par www.ric-france.fr, etc.

Dans les grandes villes, c’est même chaque arrondissement (ou chaque quartier) qui pourrait organiser une telle manif hebdomadaire, pour que chacun puisse s’y associer souvent sans trop perdre de temps en transport inutile ; il est d’ailleurs sans doute plus efficace — pour signifier qu’une colère générale gronde — que les manifestations, même petites, soient très nombreuses, un peu partout en Europe.

Un site web (un wiki ou un spip pour permettre le travail collaboratif) centraliserait une carte européenne des manifestations et récapitulerait les villes et les villages européens actuellement en résistance affichée, ainsi que les meilleures initiatives populaires (slogans, visuels, plaintes, actions, événements, manifestes, images et textes…).

 

 

Est-ce cette petite graine d’idée saura germer partout en Europe ? Je l’espère :o)

Étienne Chouard.    
(8 avril 2008)
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/07/93-pour-des-manifestations-populaire-obstinees-mpo



 

 

 

Voyez, ci-après, la liste des principaux griefs contre les institutions européennes, ainsi que les textes de référence correspondants :

Liste des principaux malheurs programmés par les institutions européennes,
institutions écrites sans les citoyens, et même souvent contre eux :

a) D’abord et principalement, le chômage de masse est incroyablement encouragé par les institutions européennes à travers une politique monétaire contraire à l’intérêt général : la lutte contre l’inflation comme mission absolument prioritaire et intangible d’une Banque centrale européenne (BCE) rigoureusement indépendante des représentants du peuple (art. 119, 130 et 282 §2 et §3 TFUE) est une priorité contestable fixée au plus haut niveau du droit, donc inaccessible à tout revirement de l’opinion publique. Cette priorité qui n’avantage que les rentiers, imposée jusqu’à nouvel ordre par les institutions européennes, entretient délibérément un chômage massif et des bas salaires, ce qui présente l’avantage — pour certains — de rendre tout le monde très docile et ne profite qu’aux plus riches. Ce seul point devrait conduire tous les salariés (91% de la population active) dans la rue contre le dernier acte du coup d’État européen qu’est le traité de Lisbonne.

b) Ensuite, et c’est un vrai hara-kiri financier, la création monétaire est totalement abandonnée aux banques privées : la constitution européenne (art. 123 TFUE) interdit aux banques centrales de prêter de l’argent aux États — [prêts qui permettraient un financement des investissements publics sans subir la charge des intérêts]. Il est essentiel de comprendre que cette interdiction impose aux États d’emprunter cet argent — avec intérêts ! — aux acteurs privés qui ont de l’argent à placer (pour s’enrichir sans travailler). Cette règle scandaleuse contraint les États (c’est-à-dire nous tous) à payer des intérêts ruineux pour financer les investissements publics — et à accumuler rapidement une dette extravagante au regard de l’intérêt général (plus de 40 milliards d’euros par an d’intérêts pour la France) —, alors que, si notre banque centrale pouvait financer les équipements publics, les intérêts payés pourraient être redistribués à la collectivité au lieu d’enrichir les « investisseurs » privés. Non seulement elle nous ruine, mais en plus, la dette publique (rendue inexorable par les institutions dans le monde entier) verrouille au plus haut niveau du droit l’impuissance de nos représentants politiques, réduits au rôle de marionnettes dépendantes des puissances financières. Cet autre vice majeur devrait suffire, à lui seul, à alimenter une révolte générale.

c) L’interdiction faite aux États de limiter les mouvements des capitaux (art. 63 TFUE) et la liberté d’établissement (art. 49 TFUE) ont privé les travailleurs de tout contre-pouvoir face à la démesure des actionnaires, les livrant à la concurrence intégrale à tous niveaux ; elles exposent nos économies à la spéculation effrénée, aux crises boursières à répétition et bientôt à la faillite générale. Après avoir maté les travailleurs, les financiers leur feront bientôt payer la note, à travers leurs salaires et leurs impôts. Qui donc a intérêt à cette liberté absolue des renards libres dans le poulailler libre ? Sûrement pas l’intérêt général. Encore un vice majeur dont « l’élite » ne veut pas débattre et qui devrait lever les foules contre tous les « traités constitutionnels » européens.

d) La clause de défense mutuelle entre pays membres de l’UE ne met pas en cause les engagements souscrits au sein de l’OTAN (art. 42 §2 TUE). Cette clause, qui confirme l’art. 5 du pacte atlantique, soumet de fait toute défense européenne à celle de l’OTAN, puisque ce sont les États européens les plus puissants militairement, économiquement et politiquement qui ont la double appartenance. Cet assujettissement est d’autant plus grave que, d’une part, l’UE et l’OTAN permettent aux États qui en sont membre de s’associer pour des interventions ou des missions sur des « théâtres extérieurs » et que, d’autre part, les instances politiques et militaires de l’OTAN envisagent une restructuration de l’Alliance, fondée sur la possibilité de frappe nucléaire « préemptive » (en premier) et l’éventualité d’opérations engagées sans autorisation des Nations Unies décidées par un simple consensus.

e) Les Ministres et Présidents accumulent les pouvoirs exécutif  et législatif sur une série de domaines cachés au public sous le nom trompeur de « procédures législatives spéciales » (art. 289 §2 TFUE pour le principe ; les autres articles sont disséminés — cachés — dans le TFUE) et d’« actes non législatifs » (exemples : art. 24 TUE, ou art. 290 TFUE). Les ministres — agents exécutifs, en principe — se rassemblent en un « Conseil » — en oubliant curieusement de préciser que c’est un conseil de ministres — et se déclarent carrément co-législateurs (art. 16 TUE). Ces violations caractérisées du principe essentiel de la séparation des pouvoirs révèlent une dérive considérée par la Déclaration des droits de l’homme (art. 16 DDHC) comme la marque la plus sûre du retour à la tyrannie : des pouvoirs non séparés sont des pouvoirs à la merci des puissances privées du moment.

f) Les exécutifs contrôlent aussi la carrière des juges européens dont le pouvoir est considérable : les juges sont nommés pour six ans, ce qui est court, renouvelables, ce qui crée une dépendance dangereuse (art. 253 TFUE). Cette violation du principe essentiel de l’indépendance des juges par rapport aux autres pouvoirs bafoue encore le principe protecteur de la séparation des pouvoirs, et encore une fois au profit des ministres (qui nomment et renouvellent — ou pas — les juges) ; on voit partout que ce sont eux, ministres, qui ont écrit les règles.

g) Le pouvoir législatif — ordinaire, mais aussi constituant — est contrôlé, pour l’essentiel, par des organes non élus. Exemples : conférence intergouvernementale (composée de ministres) modifiant les institutions (art. 48 §4 TUE), Commission européenne (non élue) ayant l’exclusivité de l’initiative législative (art. 17 §2 TUE, ce qui est une véritable insulte à la démocratie représentative), ministres co-législateurs (!) (art. 16 TUE), Banque centrale productrice de normes obligatoires à portée générale (art. 132 TFUE), etc.

h) Les citoyens n’ont aucun moyen de résister à un abus de pouvoir et les initiatives citoyennes sont muselées à travers une procédure d’« initiative d’invitation » trompeuse car sans aucune force contraignante (art. 11 §4 TUE). On prend les citoyens pour des imbéciles en leur offrant bruyamment des cadeaux… absolument vides.

i) Les procédures de révision permettent aux exécutifs de modifier eux-mêmes les institutions, et surtout sans consulter les peuples concernés (art. 48 TUE). Ce sont d’abord toujours des organes non élus qui sont chargés de réviser la Constitution européenne, ainsi que de contrôler toute proposition de révision, et surtout les citoyens sont tenus bien à l’écart du processus constituant qui n’impose aucun référendum : la « démocratie » que nous imposent nos élus est factice.

j) Tout cela est dû, d’après nous, à ce que le processus constituant est lui-même profondément vicié par le fait que les hommes au pouvoir, à la faveur de la construction européenne, s’écrivent des règles pour eux-mêmes (art. 48 §4 TUE), alors que seule une Assemblée constituante désintéressée peut programmer de bonnes institutions : les membres de cette Assemblée ne doivent pas avoir un intérêt personnel à l’impuissance politique des citoyens : ils doivent donc, d’abord, être déclarés inéligibles aux fonctions qu’ils instituent, et surtout, ils ne doivent pas être élus parmi des candidats désignés par des partis, car ces hommes-là sont — forcément — à la fois « juges et parties » dans un processus constituant.

 

Consultez tous les textes de références cités à cette adresse :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Citoyens_d_Europe_Contre_le_Regime_Illegitime_references.pdf

 


Extraits (7 pages) des institutions européennes modifiées par le traité de Lisbonne :
articles incriminés  par l’appel à des Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime (MOCRIE)
0Hhttp://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/04/08/93-manifestations-obstinees
[commentaires en vert et entre crochets] (Mise à jour du 18 avril 2008)
et autres documents (2 pages) propres à étayer les affirmations de cet appel :

[Nota : quand le traité parle de « Conseil », les juristes semblent, avec ce nom abrégé et ambigu, préférer que les citoyens oublient qu’il s’agit d’une assemblée de Ministres : la confusion des pouvoirs qui règne partout au profit des exécutifs se verrait davantage, sans doute, avec son vrai nom : « Conseil des Ministres ».

Ne pas oublier que les institutions européennes sont écrites, précisément, par les pouvoirs exécutifs, qui s’écrivent donc des règles pour eux-mêmes, et ça se voit partout.]

Article 16 TUE [confusion des pouvoirs : pouvoir législatif abandonné à des ministres, censés uniquement exécuter les lois, surtout sans les écrire !]

1. Le Conseil [des Ministres] exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de définition des politiques et de coordination conformément aux conditions prévues par les traités.

2. Le Conseil est composé d'un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de l'État membre qu'il représente et à exercer le droit de vote.

 

Article 17 TUE [exclusivité de l’initiative des lois (pouvoir législatif) donné à la Commission (non élue !)]

1. La Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l'application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l'application du droit de l'Union sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par les traités. À l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l'Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l'Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels.

2. Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. [Remarque : les cas en question ne prévoient jamais que le Parlement pourrait être autonome sur un sujet donné ou un autre, jamais : les exceptions à l’exclusivité de l’initiative sont toujours prévues pour donner du pouvoir aux exécutifs, toujours !] Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient.

Article 119 TFUE [priorité absolue de la BCE = lutte contre l’inflation, et tant pis pour le chômage, tant pis pour les travailleurs, tant mieux pour les riches rentiers]

1. Aux fins énoncées à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l'action des États membres et de l’Union comporte, dans les conditions prévues par les traités, l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition d'objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

2. Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par les traités, cette action comporte une monnaie unique, l'euro, ainsi que la définition et la conduite d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques dont l'objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

3. Cette action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants : prix stables, finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable.

 

Article 282 TFUE [priorité absolue de la BCE = lutte contre l’inflation, et tant pis pour le chômage (2ème couche)]

1. La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales constituent le Système européen de banques centrales. La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des États membres dont la monnaie est l'euro, qui constituent l'Eurosystème, conduisent la politique monétaire de l'Union.

2. Le Système européen de banques centrales est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne. L'objectif principal du Système européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union pour contribuer à la réalisation des objectifs de celle-ci.

3. La Banque centrale européenne a la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à autoriser l'émission de l'euro. Elle est indépendante dans l'exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l'Union ainsi que les gouvernements des États membres respectent cette indépendance. (…)


Article 130 TFUE [parfaite indépendance de la BCE : interdiction d’essayer d’influencer la BCE en quoi que ce soit]

Dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions.


Article 123 TFUE [interdiction faite aux États de créer la monnaie dont ils ont besoin pour financer les investissements publics, monnaie qui serait créée en empruntant sans intérêt à la BCE. Cet article est un vrai scandale.]

1. Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées "banques centrales nationales", d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite.

2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit.

[Certains s’appuient sur le second paragraphe de cet article 123 pour soutenir l’idée que l’État, s’il le voulait, pourrait créer la monnaie de financement dont il a besoin  par l’intermédiaire de ces établissements publics de crédit. C’est méconnaître le fait qu’entre un tel établissement et le Trésor Public les échanges monétaires ne peuvent s’effectuer qu’en monnaie centrale (inutilisable pour les dépenses ordinaires). Dit autrement, un établissement public de crédit ne peut pas ouvrir un crédit à l’État. Cf. AJH dans son tout dernier livre : « La dette publique, une affaire rentable. »]


Article 63 TFUE [interdiction faite aux États de limiter la circulation des capitaux, ce qui rend possible et favorise même la folle spéculation qui va probablement, finalement, tous nous ruiner]

1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.


Article 49 TFUE 
[interdiction faite aux États de limiter la liberté d’établissement des entreprises, ce qui rend possible et facilite même les délocalisations]

Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.

La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.


Article 42 TUE [« Compatibilité » imposée de la défense européenne avec les choix de l’OTAN]

(…) 2. (…) La politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.

(…) 7. Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres.

Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en oeuvre.


[Actes juridiques : règlement = loi, directive = loi-cadre, décision = décret avec le risque d’arbitraire lié à la confusion des pouvoirs correspondante.

Procédures législatives :      procédure législative ordinaire = codécision avec des Ministres tuteurs du Parlement,
                                               et procédures législatives « spéciales » qui sont carrément des lois sans Parlement du tout.

Les actes non législatifs ne sont pas bien définis et doivent se comprendre « en creux », par rapport à  l’art. 289 §3, quand les procédures législatives sont exclues : par exemple, en matière de PESC (à propos de la guerre, rien que ça), les décisions sont prises par les exécutifs à l’exclusion expresse de toute procédure législative, c’est-à-dire sans donner le moindre pouvoir au Parlement… (voir plus bas les art. 24, 26 et 28 TUE).]


Article 288  [Les actes juridiques de l’Union]

Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis.

Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.

La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.

La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.

Les recommandations et les avis ne lient pas.


Article 289 TFUE  [Actes législatifs = issus d’une des procédures législatives : soit ordinaire, soit « spéciale »]

1. La procédure législative ordinaire consiste en l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision conjointement par le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission. Cette procédure est définie à l'article 294.

2. Dans les cas spécifiques prévues par les traités, l'adoption d'un règlement, d'une directive ou d'une décision par le Parlement européen avec la participation du Conseil ou par celui-ci avec la participation du Parlement européen constitue une procédure législative spéciale.

3. Les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs.

[Pour un exemple d’actes non législatifs, voyez la PESC, dans la case suivante.

Pour comprendre ces « procédures législatives spéciales » — qu’on devrait plutôt appeler « lois sans parlement » —, il faut parcourir un à un les centaines d’articles des traités… Le fait de refuser de présenter la moindre liste de ces lois sans parlement est, en soi, éminemment suspect : pourquoi donc cacher ces domaines réservés où l’exécutif légifère seul ?

Voici un exemple de procédure législative ordinaire et de procédure législative spéciale, en matière de politique sociale : les domaines de codécision entre Parlement et Ministres sont surlignés en gris, les domaines où l’exécutif légifère seul (Montesquieu fait la toupie dans sa tombe) sont surlignés en rouge]


Article 153 TFUE  [domaines de la politique sociale et procédures législatives correspondantes]

1. En vue de réaliser les objectifs visés à l'article 151, l’Union soutient et complète l'action des États membres dans les domaines suivants :

a) l'amélioration, en particulier, du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ;

b) les conditions de travail ;

c) la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs ;

d) la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail ;

e) l'information et la consultation des travailleurs ;

f) la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, y compris la cogestion, sous réserve du paragraphe 5 ;

g) les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union ;

h) l'intégration des personnes exclues du marché du travail, sans préjudice de l'article 166 ;

i) l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ;

j) la lutte contre l'exclusion sociale ;

k) la modernisation des systèmes de protection sociale, sans préjudice du point c)

2. À cette fin, le Parlement européen et le Conseil :

a) peuvent adopter des mesures destinées à encourager la coopération entre États membres par le biais d'initiatives visant à améliorer les connaissances, à développer les échanges d'informations et de meilleures pratiques, à promouvoir des approches novatrices et à évaluer les expériences, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ;

b) peuvent arrêter, dans les domaines visés au paragraphe 1, points a) à i), par voie de directives, des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

Ces directives évitent d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

Le Parlement européen et le Conseil statuent conformément à la procédure législative ordinaire après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions.

Dans les domaines visés au paragraphe 1, points c), d), f) et g), du présent article, le Conseil statue conformément à une procédure législative spéciale, à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et desdits Comités.

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen, peut décider de rendre la procédure législative ordinaire applicable au paragraphe 1, points d), f) et g), du présent article. [Mystère : le point c, et lui seul, ne pourra en aucun cas relever de la codécision. Domaine réservé des ministres.]

3. Un État membre peut confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre des directives prises en application du paragraphe 2 ou, le cas échéant, la mise en oeuvre d'une décision du Conseil adoptée conformément à l'article 155.

Dans ce cas, il s'assure que, au plus tard à la date à laquelle une directive ou une décision doit être transposée ou mise en oeuvre, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, l'État membre concerné devant prendre toute disposition nécessaire lui permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par ladite directive ou ladite décision.

[Est-ce qu’on pourrait expliquer aux citoyens pourquoi « la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs » (point c) sont rigoureusement exclues du pouvoir du Parlement et réservées au pouvoir sans contrôle du Conseil des ministres ?]

[Actes non législatifs : pas facile de comprendre quelle est la portée de ces normes européennes qui ressemblent à notre pouvoir réglementaire en France :

On a un bel exemple de ces "actes non législatifs" à propos de la PESC, politique étrangère et de sécurité commune : où, quand et comment allons-nous faire la guerre… Le Parlement n’a aucun pouvoir en la matière : les exécutifs semblent y avoir confisqué tous les pouvoirs, sans contre-pouvoir (vous avez dit "démocratie" ?) :]


Article 24 TUE

1. La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.

La politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en oeuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l'unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. L'adoption d'actes législatifs est exclue. Cette politique est exécutée par le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres, conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article 40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

[Les Présidents des États membres fixent les grandes lignes de la PESC,
les Ministres décident les détails…
Donc, notez : sur la PESC, le Parlement semble n’avoir AUCUN pouvoir…
PESC = domaine désormais strictement réservé aux exécutifs. Vous avez dit « démocratie » ?]


Article 26 TUE

1. Le Conseil européen identifie les intérêts stratégiques de l’Union, fixe les objectifs et définit les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense. Il adopte les décisions nécessaires.

Si un développement international l'exige, le président du Conseil européen convoque une réunion extraordinaire du Conseil européen afin de définir les lignes stratégiques de la politique de l'Union face à ce développement.

2. Le Conseil élabore la politique étrangère et de sécurité commune et prend les décisions nécessaires à la définition et à la mise en oeuvre de cette politique, sur la base des orientations générales et des lignes stratégiques définies par le Conseil européen.

Le Conseil et le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité veillent à l'unité, à la cohérence et à l'efficacité de l'action de l'Union.

3. La politique étrangère et de sécurité commune est exécutée par le haut représentant et par les États membres, en utilisant les moyens nationaux et ceux de l'Union.


Article 28 TUE

1. Lorsqu'une situation internationale exige une action opérationnelle de l'Union, le Conseil adopte les décisions nécessaires. Elles fixent leurs objectifs, leur portée, les moyens à mettre à la disposition de l'Union, les conditions relatives à leur mise en œuvre et, si nécessaire, leur durée.

2. S'il se produit un changement de circonstances ayant une nette incidence sur une question faisant l'objet d’une décision visée au paragraphe 1, le Conseil révise les principes et les objectifs de cette décision et adopte les décisions nécessaires.

3. Les décisions visées au paragraphe 1 engagent les États membres dans leurs prises de position et dans la conduite de leur action.

4. Toute prise de position ou toute action nationale envisagée en application d’une décision visée au paragraphe 1 fait l’objet d’une information par l’État membre concerné dans des délais permettant, en cas de nécessité, une concertation préalable au sein du Conseil. L'obligation d'information préalable ne s'applique pas aux mesures qui constituent une simple transposition sur le plan national des décisions du Conseil.

5. En cas de nécessité impérieuse liée à l'évolution de la situation et à défaut d’une révision de la décision du Conseil visée au paragraphe 1, les États membres peuvent prendre d'urgence les mesures qui s'imposent, en tenant compte des objectifs généraux de ladite décision. L'État membre qui prend de telles mesures en informe immédiatement le Conseil.

6. En cas de difficultés majeures pour appliquer une décision visée au présent article, un État membre saisit le Conseil, qui en délibère et recherche les solutions appropriées. Celles-ci ne peuvent aller à l'encontre des objectifs de la décision visée au paragraphe 1 ni nuire à son efficacité.


[Autre exemple d’« actes non législatifs », sortes de « lois sans Parlement », voici les « actes délégués », sur le modèle de nos ordonnances, (emblématiques de la mise au pas du Parlement par l’exécutif sous la cinquième République en France). Toute notre sécurité juridique — dans ce contexte de confusion des pouvoirs dans les mains de non élus — va reposer sur l’interprétation par les juges de l’expression « éléments non essentiels » :]


Article 290 TFUE

1. Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif.

Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d'un domaine sont réservés à l'acte législatif et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une délégation de pouvoir.

2. Les actes législatifs fixent explicitement les conditions auxquelles la délégation est soumise, qui peuvent être les suivantes :

a) le Parlement européen ou le Conseil peut décider de révoquer la délégation ;

b) l'acte délégué ne peut entrer en vigueur que si, dans le délai fixé par l'acte législatif, le Parlement européen ou le Conseil n'exprime pas d'objections.

Aux fins des points a) et b), le Parlement européen statue à la majorité des membres qui le composent et le Conseil statue à la majorité qualifiée.

3. L'adjectif "délégué" ou "déléguée" est inséré dans l'intitulé des actes délégués.


Article 253 TFUE

Les juges et les avocats généraux de la Cour de justice, choisis parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes possédant des compétences notoires, sont nommés d'un commun accord pour six ans par les gouvernements des États membres, après consultation du comité prévu à l’article 255.

Un renouvellement partiel des juges et des avocats généraux a lieu tous les trois ans dans les conditions prévues par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

Les juges désignent parmi eux, pour trois ans, le président de la Cour de justice. Son mandat est renouvelable.

Les juges et les avocats généraux sortants peuvent être nommés de nouveau.


 


Article 48 TUE
  [Révision des institutions : ce sont les exécutifs qui écrivent les propositions de révisions et qui, de surcroît, les font valider sans référendum, c’est-à-dire sans les peuples concernés, c’est à pleurer.]

1. Les traités peuvent être modifiés conformément à une procédure de révision ordinaire. Ils peuvent également être modifiés conformément à des procédures de révision simplifiées.

Procédure de révision ordinaire

2. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision des traités. Ces projets peuvent, entre autres, tendre à accroître ou à réduire les compétences attribuées à l’Union dans les traités. Ces projets sont transmis par le Conseil au Conseil européen et notifiés aux parlements nationaux.

3. Si le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et de la Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l’examen des modifications proposées, le président du Conseil européen convoque une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission. La Banque centrale européenne est également consultée dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. La Convention examine les projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres telle que prévue au paragraphe 4.

Le Conseil européen peut décider à la majorité simple, après approbation du Parlement européen, de ne pas convoquer de Convention lorsque l’ampleur des modifications ne le justifie pas. Dans ce dernier cas, le Conseil européen établit le mandat pour une Conférence des représentants des gouvernements des États membres.

4. Une Conférence des représentants des gouvernements des États membres est convoquée par le président du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter aux traités. [Ce sont donc exclusivement des membres de l’exécutif qui écrivent désormais la Constitution des « démocraties » européennes… Fin de l’état de droit, relire la Déclaration des droits de l’homme, article 16.]

Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

5. Si à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature d’un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question.

Procédures de révision simplifiées

6. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil européen des projets tendant à la révision de tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatives aux politiques et actions internes de l’Union.

Le Conseil européen peut adopter une décision modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Conseil européen statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. Cette décision n’entre en vigueur qu’après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La décision visée au deuxième alinéa ne peut pas accroître les compétences attribuées à l’Union dans les traités.

7. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil statue à l’unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne s’applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

Lorsque le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que des actes législatifs sont adoptés par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant l’adoption desdits actes conformément à la procédure législative ordinaire.

Toute initiative prise par le Conseil européen sur la base du premier ou du deuxième alinéa est transmise aux parlements nationaux. En cas d’opposition d’un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision visée au premier ou au deuxième alinéa n’est pas adoptée. En l’absence d’opposition, le Conseil européen peut adopter ladite décision.

Pour l’adoption des décisions visées au premier ou au deuxième alinéa, le Conseil européen statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent.


 


Article 132 TFUE 
[pouvoir normatif autonome de la Banque centrale européenne (BCE) :
pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire concentrés dans un seul organe, non élu !
Une invraisemblable confusion des pouvoirs sur un sujet essentiel pour la société, la monnaie.]

1. Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées au SEBC [système européen des banques centrales], la Banque centrale européenne, conformément aux traités et selon les conditions fixées dans les statuts du SEBC et de la BCE :

- arrête des règlements dans la mesure nécessaire à l'accomplissement des missions définies à l'article 3.1, premier tiret, aux articles 19.1, 22 ou 25.2 des statuts du SEBC et de la BCE, ainsi que dans les cas qui sont prévus dans les actes du Conseil visés à

l'article 129, paragraphe 6,

- prend les décisions nécessaires à l'accomplissement des missions confiées au SEBC en vertu des traités et des statuts du SEBC et de la BCE,

- émet des recommandations et des avis.

2. La Banque centrale européenne peut décider de publier ses décisions, recommandations et avis.

3. Dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil, conformément à la procédure prévue à l'article 129, paragraphe 6, la Banque centrale européenne est habilitée à infliger aux entreprises des amendes et des astreintes en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions.


Article 11 TUE

(…)

4. Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application des traités.

[Nota : cet article ne comporte rigoureusement aucune force contraignante : la Commission fait ce qu’elle veut, sans même avoir à motiver sa décision : elle peut jeter l’initiative à la poubelle, elle peut la déformer ou la vider de son sens… Et ensuite, le Conseil des Ministres et le Parlement peuvent faire de même… On se moque des citoyens en prétendant leur offrir un droit démocratique tant attendu avec cet article 11 qui est, en fait, une véritable insulte.]


Source pour le TUE et le TFUE consolidés (avec la nouvelle numérotation) :
Rapport d’information de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (publié en décembre 2007) 
(
1Hhttp://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i0439.pdf)


Art. 16 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC)

Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de Constitution.
Source : 2Hhttp://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/d1789.htm

[Le principe de la séparation des pouvoirs est enseigné partout dans le monde comme le premier principe fondateur qui doit guider des institutions républicaines, l’exigence la plus importante pour protéger les hommes contre l’arbitraire.

 

Ce que tout citoyen devrait savoir dès son plus jeune âge, c’est que sa principale protection contre les abus de pouvoir réside dans la séparation des pouvoirs, et que cette séparation des pouvoirs ne peut être imposée qu’au plus haut niveau du droit, dans un texte essentiel pour les libertés qui s’appelle Constitution, qui se sert — pour ainsi dire — qu’à cela : séparer les pouvoirs pour les empêcher de nuire.

C’est pour cela que les révolutionnaires de 1789 ont signalé solennellement dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qu’une société qui ne garantit pas la séparation des pouvoirs n’a pas de constitution : cette société est gravement exposée aux abus de pouvoir.

Par exemple, notre propre Constitution, celle de 1958 qui institue la 5ème République, précise expressément :]

Art 23-1 Constitution française de 1958 :

Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire.

Source : http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/constit.htm

 


 

 

Documents complémentaires pour étayer/illustrer les affirmations de la proposition :

 

Indicateurs alarmants évoqués :

« En octobre 2006, le Congrès étasunien a franchi le pas et a approuvé un projet de loi légalisant la torture, en flagrante violation des principes même de la démocratie. La majorité républicaine ainsi que plusieurs élus démocrates de la Chambre des représentants et du Sénat ont autorisé l’utilisation des preuves obtenues sous la torture contre le « combattant ennemi illégal ». Le texte, intitulé Loi des commissions militaires, 2006 , reconnaît l’existence de tribunaux secrets pour juger tout ressortissant étranger soupçonné de porter atteinte aux intérêts des États-Unis. L’accusé ne pourra pas prétendre au choix de son avocat, ni connaître les charges qui pèsent contre lui. De plus, les preuves présentées contre lui pourront rester secrètes. Bien évidemment, il pourra également être détenu sans pouvoir réclamer d’être présenté devant un juge, et ce indéfiniment. Il ne pourra pas contester la légalité de sa détention, ni les tortures dont il aura été victime [6].

 

La loi confère également au président étasunien « l’autorité [pour] interpréter la signification et l’application des conventions de Genève » prohibant la torture. Ces dernières ne pourront pas être invoquées « comme source de droit devant aucun tribunal des États-Unis ». La section V de la législation stipule que « personne ne pourra invoquer les conventions de Genève ni aucun de leurs protocoles dans une quelconque action d’habeas corpus ou tout autre acte civil ou toute poursuite judiciaire dans lesquels les États-Unis, un fonctionnaire en activité ou non, un employé, un membre des forces armées ou tout autre agent des États-Unis est partie en tant que source de droit ». En outre, « aucun tribunal, aucun juge n’aura le pouvoir d’entendre ou de prendre en considération une demande en assignation d’habeas corpus introduite par un ressortissant étranger (ou en son nom) qui est ou qui a été détenu par les États-Unis et qui a été considéré comme étant correctement détenu comme combattant ennemi ou en instance de cette qualification [7] ».

 

Non seulement cette loi liberticide, d’essence totalitaire, représente une menace pour n’importe quel citoyen du monde ne bénéficiant pas de la nationalité étasunienne, mais elle octroie une impunité totale aux responsables des traitements cruels, inhumains et dégradants. L’Union européenne et la France en particulier ont maintenu un silence scandaleux au sujet de cette législation. Que se serait-il passé si la Chine, Cuba, l’Iran, la Russie ou le Venezuela avaient adopté une loi similaire ? Qui peut encore parler, en référence aux États-Unis, de modèle de démocratie ? »

 

[6] et [7] : voir « Quand Washington légalise la torture » 5Hhttp://www.humanite.fr/popup_imprimer.html?id_article=838696

 

Source : « Quand Reporters sans frontières légitime la torture »  6Hhttp://www.voltairenet.org/article151200.html


Autres points évoqués, à étayer :

Lire JP Fitoussi, Professeur des Universités à l'Institut d'Études Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l'IEP de Paris, Président de l'OFCE et Secrétaire général de l'Association Internationale des Sciences Économiques, entretiens avec JC Guillebaud, « La politique de l’impuissance », 2005, Arléa. 

Extrait édifiant :

- JCG : « Vous êtes en train de dire qu’au fond, obsédé par la lutte contre l’inflation, on a littéralement consenti au chômage. »

- JPF : « Pis que ça ! On a dans une première phase instrumentalisé le chômage pour combattre l’inflation. Chaque "banquier central" de la planète sait que, dès qu’il augmente les taux d’intérêts, il met au chômage une partie des catégories les plus vulnérables de la population. Non seulement il le sait, mais c’est précisément pour ça qu’il le fait. Pourquoi augmente-t-on les taux d’intérêts ? Parce qu’on est persuadé que la demande est trop forte et que les entreprises produisant à pleine capacité ne pourraient la satisfaire qu’en augmentant leurs prix. La douche froide des taux d’intérêts réduit ainsi la demande et incite les entreprises à licencier. »
(p. 45)   
(…)

- JCG : « Que pensez-vous des deux arguments martelés à cette époque [après 1982] à propos de l’inflation et du respect des grands équilibres ? Premièrement on a dit qu’il était légitime (y compris moralement) de lutter contre l’inflation parce qu’elle pénalisait les plus pauvres ; deuxièmement, qu’il fallait maintenir les grands équilibres par simple respect et générosité pour les générations à venir, afin de ne pas faire peser une charge trop lourde sur la tête de nos enfants. On a habillé, en quelque sorte, cette politique d’un discours de générosité… »

- JPF : « C’était un double mensonge. En augmentant les taux d’intérêts, et surtout en les maintenant à un niveau élevé une fois l’inflation vaincue, on savait qu’on favorisait ceux qui détiennent le capital financier, et que l’on excluait de l’accès aux biens durables (qui exigent un recours à l’emprunt) les catégories les plus vulnérables de la population. (…) Le second mensonge, c’est qu’en augmentant les taux d’intérêt on faisait du service de la dette un des postes les plus importants du budget de l’État. » (P. 46)


- JPF : « Que l’orientation des politiques économiques de l’Union soit, pour l’essentiel, indépendante de tout processus démocratique est à la fois contraire aux traditions politiques des peuples européens, et dangereux pour l’efficacité économique de l’ensemble. » (p. 72)

- JPF : « En forçant le trait, on pourrait affirmer que le « gouvernement économique » de l‘Europe se rapproche à s’y méprendre d’un despote éclairé qui, à l’abri des pressions populaires, chercherait le bien commun au travers de l’application d’une doctrine rigoureuse – le libéralisme -, supposée supérieure à toutes les autres en termes d’efficacité économique. La démocratie ne serait donc pas le système politique le mieux à même d’appréhender l’intérêt général ; elle placerait les gouvernements en position de vulnérabilité devant les pressions des populations en faveur de la redistribution.  Le pouvoir a ainsi changé de mains. Les politiques ont préféré le confier à des agences indépendantes.  (…)

Mais il est vrai aussi que, dès l’origine, la construction européenne fut l’œuvre d’une démocratie des élites, plutôt que de la démocratie tout court. Cependant les élites ont changé (…) aujourd’hui elles ont tendance à assimiler le bien public au marché.»


La suite est proprement incroyable… Un petit livre important, à lire…

 


 

La panne (Vendredi 15 février 2008) (Lien)

 

Vendredi 15 février 2008, 10 h : mon site est en panne depuis lundi 11,
en panne dans toutes ses pages interactives (blog, forum, wiki).
La base de données est inaccessible pour les visiteurs, depuis trois jours entiers.
Le support de Free me certifie qu’il ne peut rien faire.

J’ai l’impression de n’avoir aucun moyen de régler le problème moi-même.
C’est peut-être fini. Désolé.

J’en ai marre de toutes ces impasses.
J’ai encore une idée à essayer…

Après, je vais recommencer à voler.


Vendredi 15, 14 h : j’ai trouvé. C’est réglé. C’était de ma faute.

Mais cette longue interruption m’a fait mal. Un mal profond et inattendu.
J’ai senti comme je suis devenu accro à l’échange, devenu si simple sur le net.
J’ai senti comme je suis devenu dépendant de vos émotions et réactions, chez moi.
J’ai senti comme vous étiez devenu un moteur essentiel de mon travail quotidien.

Je crois qu’il faut que je retourne voler un peu ; je deviens trop « One track Minded ».
Je vais aller retrouver mes montagnes chéries, mes herbes folles dans la brise parfumée, et mes cumulus adorés.
Je vais retrouver mes amis les rapaces et les martinets, et enrouler avec eux de beaux thermiques jusqu'aux barbules odorantes, merveilleuse odeur des nuages.
Je vous raconterai.

Merci d’être toujours là, malgré les pannes.

:o)

Étienne.

 

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2008/02/15/90-la-panne

 

 

 

Les banquiers ont peur de voir les salariés recommencer à se défendre : bonne année ! (1er janvier 2008) (Lien)

 


Chers amis,

 

Le lien entre nos institutions — malhonnêtes dès leur constitution, de façon à bien verrouiller notre impuissance politique — et les intrigues des banques privées — qui sont capables, pour nous asservir, de voler la création monétaire à la collectivité, et même de contraindre les représentants politiques à livrer le pays à des bourreaux qu’elles ont fait naître —, est pour moi la découverte de l'année 2007.     

Cette découverte permet de progresser dans notre réflexion sur une Constitution d'origine citoyenne. Ceux qui disent qu'on ne progresse pas se trompent.

 

Alan Greenspan vient de déclarer : « je dois prévoir que quelque chose d’inattendu va arriver et nous mettra à terre... » « ... Nous, ainsi que toutes les autres banques centrales, perdons le contrôle des forces qui accroissent les prix. »

 

C'est évoqué là : http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3655

 

Et on dirait bien que c'est le pire cauchemar des banquiers : le cauchemar des banquiers, c'est de lâcher par mégarde la gorge des salariés (80% de la population active), et de les voir s'échapper pour recommencer à lutter victorieusement pour augmenter leurs salaires...

 

 

C'est cette obsession viscérale des salaires chez les banquiers qu'a utilement soulignée Annie Lacroix-Riz dans ce livre important qu'est "Le choix de la défaite" (*) (ne ratez pas cette vidéo) : sabordage historique dont la preuve formelle apportée par l'historienne pour les années 30 met en lumière (et permet d'enfin comprendre) le même choix — pour les mêmes raisons : tenir en cage les salaires —, à travers la construction européenne ardemment voulue et imposée par les banquiers, à commencer par Jean Monnet...    

Des salariés dotés d'institutions leur permettant de se défendre financièrement... Une République, quoi... L'horreur absolue de tous les banquiers et de tous les rentiers du monde...

 


Je trouve qu'entendre Greenspan redouter sérieusement cette perspective d'inflation est un vrai bon pronostic de bonne année... :o)

 

Bonne année à vous tous, chers amis !

 

Étienne.

 



(*) Annie Lacroix-Riz souligne fortement, — preuves formelles à l'appui, ce qui la distingue bien de nombreux historiens contemporains faux-nez du MEDEF — que, même en 1936, le Ministre des finances avait promis au Gouverneur de la Banque de France (également maître du Comité des Forges, MEDEF du moment) de bien tenir les salaires (comme le faisaient, et le font toujours ?, tous les ministres des finances avant de prendre leurs fonctions), et que c'est uniquement sous la pression irrésistible de la rue, sous la contrainte de centaines de milliers de salariés en colère et prêts à en découdre physiquement, que les Ministres (et leurs banquiers matons) ont dû lâcher les congés payés, les 40 heures, les hausses de salaires, etc.

 

Annie Lacroix-Riz souligne qu'aujourd'hui encore, comme hier, il n'y a pas grand-chose à attendre de l'initiative de nos "représentants" puisque leurs vrais maîtres sont les banquiers : rien ne se fera de bon si les salariés ne prennent pas eux-mêmes en charge la défense de leurs intérêts.

 

Elle souligne aussi que l'obsession des banquiers contre les hausses de salaires était telle que la Banque de France a soutenu activement Hitler depuis le début, que la même Banque de France a soutenu d'autres dictateurs, que la même Banque de France a rendu possible le financement de l'effort de guerre de l'Allemagne et que la même Banque de France a finalement voulu et imposé la capitulation rapide de la France devant Hitler, carrément... car Hitler était formidable du point de vue des salaires : exactement l'homme dont la Banque de France aimait les méthodes pour traiter les syndicats et autres agitateurs d'esclaves... Tout ça est passionnant. Cette historienne est un phare, un des derniers qui soient allumés.

 

Voyez aussi cette deuxième longue et intéressante vidéo :
http://www.solidariteetprogres.org/spip/sp_article.php3?id_article=3024.

 

Voir aussi cette bonne recension du livre :
http://www.solidariteetprogres.org/spip/special/Ent-Lacroix-Riz.pdf

 

Sur la profonde malhonnêteté de nombreux historiens actuels, grassement payés par les plus riches (et encensés publiquement tous les jours par des médias aux ordres — qui peut résister à cette corruption ?) pour réécrire une histoire sur mesure — et sans preuves —, il faut absolument lire cet autre livre, tout petit celui-là mais décapant au possible : « L'histoire contemporaine sous influence » ;        
voir cette bonne recension :
http://www.voltairenet.org/article13259.html.

 


 

Au revoir - Un message bouleversant de Raoul Marc Jennar (15 août 2007) (Lien)

 

 

Je viens de recevoir ce message qui me peine profondément.

 

 

 

Au revoir

 

« C’est avec beaucoup d’émotion que je vous écris ces lignes. Toute ma vie, j’ai payé cash le prix de mes choix. Il en est allé ainsi, une fois encore, lorsque j’ai pris la décision de soutenir la candidature de José Bové.

 

Je suis sans emploi et sans ressources. Depuis des mois, je cherche. En dépit d’un curriculum vitae bien fourni, qui, ailleurs, m’aurait très vite ouvert de nombreuses portes, notamment à l’Université, en France, mon pays d’adoption, je n’ai trouvé ni soutien sérieux, ni proposition crédible.

 

Au Cambodge, où on n’a pas oublié le rôle que j’y ai joué pendant douze ans pour l’aider à sortir des séquelles d’une des plus grandes tragédies du XXe siècle, certains ont appris ma situation. Ils ont considéré que ce n’était pas acceptable. Une offre m’est faite de travailler comme expert-consultant auprès du gouvernement cambodgien sur certains dossiers où je peux apporter quelque chose à ce pays. Je l’ai acceptée. Comme j’ai accepté une autre offre sur le Liban. Je vais partager les quatre années qui me séparent de la retraite entre ces deux pays.

 

Depuis sept ans, je me suis impliqué, avec toute la force de mes convictions, dans l’action citoyenne. Comme militant altermondialiste d’abord, au nom d’une certaine idée de l’Europe ensuite, dans la recherche d’une gauche de gauche enfin. Je l’ai fait en toute liberté, sans souci de carrière. En restant fidèle à mes convictions et en n’obéissant qu’à ma conscience.

 

Ce qui me peine le plus au moment de me retirer de l’action militante, c’est de laisser derrière moi un champ de ruines où gisent toutes les gauches. Dans les gravats, on ne trouve que sauve-qui-peut carriériste ou sectarisme. Le socialisme a contribué de manière décisive à la mondialisation néolibérale et à son extension aux champs européen et français. Les disciples de Lénine, quelle que soit la secte qu’ils dirigent, ont tué l’espérance née le 29 mai 2005. Les militants altermondialistes sont repliés sur des combats certes essentiels, mais dans une approche trop sectorielle.

 

Le mot « gauche » ne porte plus aucune espérance. Il demeure néanmoins, pour ceux qui entendent mettre leurs actes en cohérence avec leurs convictions, une certaine manière de penser et d’agir qui allie liberté, égalité et fraternité, qui recherche le beau et le bien, qui ne renonce jamais à l’engagement. C’est à cela que j’entends rester fidèle, plus que jamais disciple des Lumières et attaché aux idéaux de Mai 68.

 

Je ne serai pas là pour participer à la création d’une gauche nouvelle fondée sur des valeurs et une pratique où la fin se trouve déjà dans les moyens. Je le regrette profondément. Je ne serai cependant pas absent du débat européen grâce à un livre que je termine ces jours-ci.

 

Je souhaite à chacune et à chacun du bonheur dans vos vies et vos combats.

 

Raoul

15 août 2007

 

Raoul Marc JENNAR
consultant - questions internationales
7, place du Château, 66500 Mosset
Email : raoul.jennar@wanadoo.fr »

 

 

Je suis ému et triste. Raoul a profondément changé ma vie avec son immense livre « Europe, la trahison des élites », puis avec son amitié chaleureuse et exigeante. Je n’ai pas su l’aider comme il en avait besoin dans cette difficile passe "après-Bové" ; je me sens nul. Nous aurons du mal à nous battre sans lui : c’est un fin connaisseur des tromperies de l’Union européenne et un des plus solides résistants au féodalisme des multinationales et des banques qui s’en va.

C'est incroyable que les dizaines de milliers de résistants qui lui doivent tant — et qui vont tant avoir besoin de lui dans les années qui viennent — soient incapables de se grouper et de se cotiser durablement (ou de l'aider à trouver un poste de chercheur en faculté) pour lui permettre simplement de vivre et pour qu'il puisse continuer de lutter à nos côtés. Notre (éternelle) indifférence au sort d'autrui et notre manque de discernement sont désespérants.

J’ai le bourdon.

 

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2007/08/16/81-au-revoir-un-message-bouleversant-de-raoul-marc-jennar


 

Non, ce n'est pas "trop cher" : le financement des besoins collectifs est rendu sciemment ruineux par un sabordage monétaire étonnant
(texte écrit sur le blog le 1er mai, puis repris et complété ici le 26 juillet 2007) (Lien)


Je suis en train de découvrir le détail d'une situation financière incroyable.

Vous croyez que la monnaie est créée par l'État ? Vous vous trompez : ce sont les banques privées qui créent la monnaie, et qui en perçoivent le prix (l'intérêt).

Si c'était l'État qui créait la monnaie, il pourrait l'investir directement lui-même (sans devoir payer le moindre intérêt jusqu'au remboursement) ; il pourrait aussi prêter cette monnaie nouvelle aux banques (charge à elles de la prêter à leur tour) et en percevait le premier intérêt (des milliards d'euros), ce qui pourrait aussi financer les services publics, au lieu de garnir des poches de soie au prix d'un déficit paralysant pour l'État.

L'État (c'est-à-dire nous tous) a perdu le droit de battre monnaie et ce sont des banques privées à qui nos soi-disant "représentants" ont abandonné ce pouvoir décisif.

Vous pensez que la monnaie est un outil qui sert l'intérêt général ? Vous vous trompez : la monnaie est devenu (discrètement) un outil qui sert d'abord des intérêts privés.

La construction de l'Union européenne pourrait bien être motivée principalement par ce détournement de la richesse publique, notamment à travers à l'article 104 du traité de Maastricht : « Il est interdit à la BCE et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales » d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publiques des États membres; l’acquisition directe des instruments de leur dette, auprès d’eux, par la BCE ou les banques centrales nationales, est également interdite. »

Par cet article (repris quasiment tel quel dans le TCE, art. III-181), les États (c'est-à-dire nous tous) ne peuvent plus financer les investissements publics qu'en empruntant à des acteurs privés, et en leur payant un intérêt.

Cette prise de conscience m'a conduit à écrire un billet à Judith Bernard, sur le Big Bang Blog, qui s'inquiétait du sort des services publics et de leur financement prétendument problématique (d'après nos représentants politiques).

Je reproduis ci dessous le billet en question et je le fais suivre de quelques citations importantes pour étayer mon propos. Tout ça est un peu long mais de la plus haute importance : avec le contrôle de l'argent, on est au coeur du problème des hommes avec le pouvoir : ça vaut le coup de lire pour comprendre. Les citoyens sont fous de ne pas approfondir personnellement cette cause majeure de leur travail forcé.

 

Non, ce n'est pas "trop cher" : pour financer nos services publics,
il nous suffit de reprendre aux banques privée la création monétaire
que la puissance publique n'aurait jamais dû abandonner

27 avril 2007.

Bonjour Judith,

D’abord, merci pour tout ; d’ordinaire silencieux, je savoure vos textes, forts et beaux, dans mon coin, comme on goûte du lait au miel :o)

Ceux qui vous maltraitent cette fois, en faisant comme si vous étiez à la fois utopique et irresponsable à tant apprécier la dépense publique sans vous soucier des financements, ceux-là se trompent : nous n’aurions aucune peine à financer TOUS les investissements utiles à notre collectivité si nous avions le contrôle de notre monnaie, au lieu de l’avoir — c’est proprement incroyable — abandonné aux banques privées.

Ceux qui vous vilipendent font comme si la monnaie, aujourd’hui rare, était forcément rare, ce qui n’est pas le cas. Ils vous enferment ainsi dans une économie de rareté. Mais cette rareté est artificielle, elle est voulue, elle est fabriquée, et elle est la source de la richesse immense de certains acteurs qui savent rester discrets.

Bien sûr, si la monnaie est rare, elle est chère et son prix s’ajoute aux prix de toutes choses ; les échanges sont pénalisés par le coût des crédits. Mais la monnaie pourrait être abondante, ou plus exactement suffisante. Pour cela, il faudrait que l’État (c’est-à-dire nous) ait le contrôle de sa création.

Or il se trouve — vous n’allez pas me croire — que les États ont abandonné la création monétaire aux banquiers privés. Les États (c’est-à-dire nous) ne peuvent plus créer la monnaie dont ils ont besoin pour fluidifier l’économie. Quand l’État (c'est-à-dire nous) a besoin d’argent (pour construire des hôpitaux ou des crèches), il doit aujourd’hui emprunter cet argent aux acteurs privés et leur payer un intérêt, au lieu de créer lui-même l’argent dont il a besoin. C’est idiot. Non, c’est criminel. En tout cas, ce n’est pas une fatalité : c’est un choix politique et un choix qui n’a rien à voir avec l’intérêt général.

Quand une banque vous prête 100 000 €, elle ne les a pas. Elle les crée (par une simple écriture) pour vous les prêter, et elle les détruira quand vous lui rendrez. Mais au passage, elle aura perçu un intérêt (considérable) qui ne correspond à aucun service, aucune privation de sa part : l’intérêt que perçoivent les banques privées sur la monnaie créée ex nihilo (à partir de rien) est foncièrement injuste, une sorte de paiement de l’indu, un racket gigantesque de toute l’économie par des acteurs privilégiés.

Quelle est la raison de ce sabordage monétaire qui asphyxie notre économie ? Une volonté politique. Un phénomène réversible, donc. Il ne tient qu’à nous de récupérer notre souveraineté monétaire.

Tous les citoyens devraient prendre quelques heures pour étudier l’histoire du racket financier imposé par les banques (en France, en Europe, aux États-Unis) : ils comprendraient les solutions qui s’imposent, à la fois simples et fortes ; la création monétaire doit impérativement et exclusivement relever de la puissance publique.

Ne croyez pas les épouvantails et autres chiffons rouges qu’on va agiter devant vos yeux pour vous persuader que l’État créateur de monnaie est forcément imbécile : de bons contrôles sont évidemment imaginables pour que la création publique de monnaie soit raisonnable. Ce qu’on appelle la « planche à billet » n’est pas forcément une catastrophe, bien au contraire, c’est le sens de mon message : c’est l’abus de la planche à billets qui est une catastrophe, OK ; mais son utilisation raisonnable est non seulement utile, mais indispensable pour un bon fonctionnement de l’économie. Ceux qui prétendent le contraire ont souvent une idée derrière la tête et pas seulement l'intérêt général en ligne de mire.        

D’ailleurs, la masse monétaire augmente d’environ 10% tous les ans sans déclencher d’inflation, ce qui est bien la preuve que ce spectre de la planche à billets n’est qu’un épouvantail (bien commode pour nous conduire à accepter que l'État soit dépouillé de ce droit essentiel).

Par contre, les banques privées devenues créatrices (et vendeuses) de notre monnaie (ces banques à qui on a abandonné la « planche à billets », précisément) sont, effectivement, de véritables parasites, à très grande échelle. Rien n’impose, économiquement, que ce soit des acteurs privés qui maîtrisent la planche à billets, au contraire.

Nous sommes fous d’accepter de perdre ce levier vital des politiques publiques, aussi bien en France qu’en Europe.

Les soi-disant "libéraux" font tout pour ruiner les États, ce qui offrira plusieurs avantages aux acteurs privés déjà très riches : une fois ruiné, l’État ne pourra plus assumer que les fonctions sécuritaires (armée, police, justice), bien utiles aux très riches (ces fonctions étatiques là, ils y tiennent, curieusement). Une fois ruiné, l’État vendra les services publics aux copains privés des prétendus « hommes d’État » complaisants. Je vous laisse imaginer les yeux cupides avec lesquels les compagnies d’assurance lorgnent le marché du financement de la santé publique, pour s’en tenir à votre exemple. Les "libéraux" vont leur vendre tous nos plus précieux services publics.

Et l’Union européenne, l’OMC, le FMI sont leurs principaux outils de désarmement politique des populations, d’affaiblissement des États, de renoncement au peu de démocratie que ces populations avaient pourtant chèrement payée.

Si on ne se paie pas de mots en ne lisant, dans les institutions, que les préambules et les généreuses déclarations d’intention liminaires, si on va lire tous les articles en détail pour contrôler que la séparation des pouvoirs existe bien, vérifier si le contrôle des pouvoirs est effectif, surveiller l’indépendance des juges qui doit être réelle, s’assurer que l’information honnête des citoyens soit protégée et garantie, prendre garde à ce que des moyens soient offerts aux citoyens pour résister vraiment à d’éventuels abus de pouvoir, si on contrôle tout ça, Judith, et bien c’est une catastrophe : ils sont en train de nous piquer la démocratie. Et en jurant le contraire !

Et pour l’urgence, il y a un des deux candidats qui nous promet de nous violer dès qu'il sera élu (au moins, on est prévenus) : le « mini traité » imposé par voie parlementaire, c'est un cauchemar : c'est dans la partie 1 que se trouvent les dispositions les plus dangereuses pour la démocratie (les autres parties sont déjà en vigueur et le resteront : ça ne les gêne pas de les retirer de la "réforme").

Lire à ce sujet C'est la partie 1 du TCE qui est la plus dangereuse, celle qui nous retire la démocratie : pas question de l'accepter sans référendum].

Mais le cœur de l’impuissance politique grandissante des hommes est encore plus difficile à percevoir : comme je vous le disais, la grande absente de nos débats publics est la monnaie. Pourtant, nous pourrions satisfaire bien des besoins vitaux en reprenant son contrôle.

Il tient aux journalistes et aux citoyens « donneurs d’alerte » de faire monter le sujet sur la place publique : je vous conseille la lecture de cette page « La vérité sur la dette » (http://tiki.societal.org/tiki-index.php?page=La+v%C3%A9rit%C3%A9+sur+la+dette), mais aussi celle d’un petit livre formidable et important : « Les 10 plus gros mensonges sur l’économie » (http://www.10mensonges.org/) ; ne pas rater les mensonges 1 à 4, essentiels.

Prenez surtout le temps d’étudier le tableau de la page 73 qui montre de façon pédagogique que toute somme dépensée par l’État se retrouve dans ses caisses au bout de quatre ou cinq ans d’impôts (ce qui montre la bêtise des politiques frileuses réclamant un État pingre) et que cet investissement a été multiplié (on parle d’ailleurs de multiplicateur d’investissement) et a répandu ses bienfaits dans des proportions immenses.

Les difficultés financières de l'État ne viennent pas du tout de son incurie, mais de sa pauvreté artificiellement programmée à travers un système bancaire inique, un privilège de type féodal discrètement consenti aux banques privées —le droit de créer la monnaie et de prélever un intérêt sur cette monnaie neuve, et l'obligation pour l'État de s'endetter auprès des acteurs privés pour financer les besoins publics— système bancaire qui met le pays en coupe réglée, sans aucun espoir de jamais rembourser une dette sans fin puisque la création monétaire est rançonnée.

Nous sommes victimes d’un sabordage monétaire de la part de nos propres « représentants » et la construction européenne permet de verrouiller ce sabordage monétaire au plus haut niveau : européen et constitutionnel. Normalement, si leur plan aboutit, aucun peuple ne pourra plus jamais s’affranchir de la tutelle du système financier privé.

Consultez aussi le site passionnant http://www.fauxmonnayeurs.org/.

Pour relier cette affaire à mon idée fixe — « ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir » ; il nous faut un processus constituant honnête pour nous protéger enfin des abus de pouvoir ; les candidats pour l’assemblée constituante ne doivent surtout pas être désignés par les partis —, je pense que les politiciens professionnels actuels, tels qu’ils sont élus, ont trop d’"ascenseurs à renvoyer", ils sont trop ligotés par ceux qui ont financé leurs campagnes électorales : seul le référendum d’initiative populaire rendra aux peuples le pouvoir d’imposer, avec une légitimité politique incontestable, aux acteurs privés les plus puissants ce que les hommes politiques ne peuvent déjà plus faire.

Nous sommes donc au cœur de votre billet : dans l’état actuel d’affaiblissement des puissances publiques face aux multinationales privées, la protection des services publics passe, à mon sens, par une réforme institutionnelle qui rend du pouvoir aux peuples, pouvoir nécessaire pour défendre eux-mêmes les services auxquels ils tiennent, et cette réforme n’est possible que si l’assemblée constituante n’est pas composée d’hommes de partis car les partis ont un intérêt personnel à l’impuissance politique des citoyens, ce qui explique qu’ils ne nous donneront jamais le pouvoir qui nous est dû. Cela vaut pour la France comme pour l’Europe.

Je sais que tout cela n’est pas très poétique, pardonnez-moi, mais les attaques qui fusent contre vous sont injustes et me hérissent car elles révèlent et défendent une idéologie inepte (ou plutôt très intelligente) qui nous ruine tous, chaque jour un peu plus.

Amicalement.

Étienne.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Liens.php
(Cette page de ‘liens et documents’ est assez lourde à charger (environ 4 Mo), mais elle est incroyablement riche en informations pour résister ; je l’actualise presque tous les jours.)

 

PS : encore un mot, chère Judith : je suis sûr que vous apprécierez les derniers textes que j’ai publié sur la partie blog de mon site : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php.

Je découvre et dévore des auteurs immenses comme Alain (extraordinaire blogueur), Jacques Duboin, Simone Weil, George Orwell… autant de résistants dont les pensées gagnent à être remises en avant pour nous défendre contre les affreux.

PPS : l'immense économiste Maurice Allais (http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Allais) ("prix Nobel" d'économie, considéré à l'étranger comme un vrai génie) —assez à droite sur certains points, mais plutôt à gauche sur d'autres—, traite les banques privées de « faux-monnayeurs », et il le démontre fortement. Il écrit : « Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. »

PPPS : il faut aussi lire deux petits livres formidables, de Jacques Généreux, chez Seuil : "Les vrais lois de l'économie" et "Pourquoi la droite est dangereuse". Ce sont deux petits bijoux d'intelligence, de concision, de précision... Cet homme porte bien son nom et ferait un excellent Président.

Au passage, je réclame le droit d'élire un citoyen non candidat. Pourquoi sommes-nous limités à l'offre politique des partis, pourquoi devons-nous choisir parmi ceux qui veulent le pouvoir alors qu’ils sont sans doute les plus dangereux pour l'exercer ? Bon, j'arrête, car je suis intarissable là aussi... :o)

Merci pour tout ce que vous faites, ne changez pas :o)

 

 

Voici maintenant quelques citations importantes pour appuyer mes dires (ne ratez pas les textes formidables de Bernard Maris) :

Citation n°1, de Denis Clerc :

« Les banques créent de la monnaie très simplement. Lorsque le titulaire d’un compte obtient un prêt à court terme (moins d’un an), par exemple une avance sur salaire : dans ce cas, la banque inscrit au crédit du bénéficiaire la somme demandée (d’où le terme de crédit). Elle a créé de la monnaie scripturale à partir de rien. Une inscription sur un compte lui a suffit. »

Source : Denis Clerc, « Déchiffrer l’économie », Chapitre 4 La monnaie et le crédit, p. 163.

Citation n°2, de la Banque de France :

En 1971, la Banque de France éditait un opuscule dénommé « la Monnaie et la Politique monétaire » dans lequel elle précisait : « Les particuliers — même paraît-il certains banquiers — ont du mal à comprendre que les banques aient le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où ils déposent de l'argent en compte et c'est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits. Or, cette vue n'est pas conforme à la réalité, car ce sont les crédits qui font les dépôts. » [et pas l’inverse. (ÉC)]

Source : Banque de France, donc pas vraiment des mickeys :o)

Citation n° 3, de Maurice Allais :

« Fondamentalement, le mécanisme du crédit aboutit à une création de moyens de paiements ex nihilo [(à partir de rien (ÉC)], car le détenteur d’un dépôt auprès d’une banque le considère comme une encaisse disponible, alors que, dans le même temps, la banque a prêté la plus grande partie de ce dépôt, qui, redéposée ou non dans une banque, est considérée comme une encaisse disponible par son récipiendaire. À chaque opération de crédit, il y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme de crédit aboutit à une création de monnaie ex nihilo par de simples jeux d’écritures (*).

(*) Ce n’est qu’à partir de la publication en 1911 de l’ouvrage fondamental d’Irving Fisher, The purchasing Power of money, qu’il a été pleinement reconnu que le mécanisme du crédit aboutit à une création de monnaie. »

Source : Maurice Allais, "Prix Nobel" de sciences économiques, « La crise monétaire d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires. », Éd. Clément Juglar, 1999, p. 63.

Citation n°4, de Maurice Allais :

« Le jugement éthique porté sur le mécanisme du crédit bancaire s'est profondément modifié au cours des siècles. (...) À l'origine, le principe du crédit reposait sur une couverture intégrale des dépôts. (...) Ce n'est que vers le XVII e siècle, avec l'apparition des billets de banque, que les banques abandonnèrent progressivement ce principe. Mais ce fut dans le plus grand secret et à l'insu du public » (...) « En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l'État s'est privé en moyenne d'un pouvoir d'achat annuel représentant environ 5,2 % du revenu national. »

Source : Maurice Allais, Prix Nobel d’économie 1988, La réforme monétaire, 1976).

Citation n°5, de Bernard Maris :

Création et destruction monétaire

« (…) C’est le principe fondamental de la création monétaire : si je fais un crédit papier de 100 et si je sais qu’une grande partie de ce crédit reviendra chez moi banquier, je peux multiplier le crédit bien au-delà du stock d’or dont je dispose. (…) Le mécanisme est décrit dans l’adage : « les prêts font les dépôts ». Le crédit fait les dépôts, il fait l’argent. Et non l’inverse ! Avis à ceux qui croient que l’épargne fait l’argent. Quel contresens économique !

(…) Mais la vraie garantie de la création monétaire, c’est l’anticipation de l’activité économique, du cycle production consommation. Encore faut-il que cette anticipation soit saine : toute création monétaire saine débouche sur une destruction monétaire équivalente.

(…) Nous percevons mieux la nature de la monnaie : des dettes (des créances sur la banque émettrice) qui circulent. Des dettes qui, si elles sont saines, doivent, par l’activité économique, provoquer leur remboursement.

Aujourd’hui, la monnaie est détachée de tout support matériel, on peut en créer à l’infini. »

Source : Bernard Maris, professeur d’université en France et aux États-Unis, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 219.

Citation n°6, de Bernard Maris :

Le déni d'existence

« Longtemps, les économistes ont négligé l’argent. Les économistes libéraux, orthodoxes s’entend. Encore aujourd’hui, nombre d’économistes considèrent que l’argent, la monnaie, ne sont pas des questions en soi. La monnaie est neutre. Elle n’a pas d’incidence sur l’économie réelle (souligner dix fois), l’économie véritable, profonde, celle qui parle des produits, des services, de l’emploi, des prix.

Il y a deux aspects de l’économie, disent les grands économistes classiques, Ricardo, Say, Smith, Malthus, et après eux les grands monétaristes, Friedman, Patinkin, Lucas aujourd’hui : 1) l’économie d’échange, où les produits s’échangent contre les produits, le travail contre des biens, par exemple, et, à côté, la monnaie. Elle est en plus. Elle vient définir le niveau des prix, mais ça n’a pas d’incidence fondamentale sur le fonctionnement de la production, du commerce, et sur l’emploi. Cela paraît extravagant, mais c’est comme ça ! Aujourd’hui encore, en 2003, on enseigne dans les universités la « théorie du cycle réel », Real Business Cycle, qui s’efforce d’expliquer les fluctuations cycliques des économies par les goûts des consommateurs, le progrès technique, en supposant que l’argent n’existe pas. (…)

Même les autoproclamés monétaristes, comme le prix Nobel Milton Friedman, ont échafaudé leur scolastique pour annihiler la monnaie, pour démontrer qu’elle n’avait pas d’influence sur le réel, sur la réalité des productions et des échanges, mais simplement sur les prix. Cette conception aberrante de la neutralité de la monnaie ne mériterait-elle pas, pour elle seule, qu’on rejette la théorie orthodoxe aux poubelles des stupidités idéologiques ? Oui, mais il faut comprendre ce que cache ce rejet systématique de la monnaie.

(…)

Pourquoi les économistes classiques, néoclassiques, orthodoxes, monétaristes, nient-ils l’argent ? Parce qu’ils nient le pouvoir de l’émetteur, le pouvoir du seigneur, le seigneuriage, ils nient la politique, gravée sur le denier par l’effigie de César, et au-delà, [ils nient] tout ce que l’argent contient de « sociétal » (…)

Ricardo et les classiques considéraient que le travail mesure la valeur des choses. Dès lors, il est clair que la valeur relative des objets et des services s’exprime en termes de travail : s’il faut deux fois plus d’heures de travail pour produire une table qu’une chaise, une table vaut deux chaises. On peut tout mesurer dans l’économie à partir des chaises, tout exprimer en termes du numéraire « chaise », les voitures comme les services d’avocat. L’économie montre les échanges d’objets et de services contre des objets et des services, chacun valant une certaine quantité de travail.

Alors, à quoi sert la monnaie, les pièces d’or ? À rien, si ce n’est à faciliter les échanges. « La monnaie est un voile posé sur les échanges » disaient les classiques, une sorte de fluide ou d’éther qui facilite la circulation des choses mais qui ne leur donne aucune valeur, et qui elle-même n’en a aucune. La valeur de l’or est la quantité de travail nécessaire à produire l’or. Certes, l’or est plus facile à manipuler que les chaises pour l’échange. Mais on aurait pu prendre des coquillages ou des cigarettes comme unité de monnaie.

Supposons qu’une pièce de 1 euro circule 10 fois en une journée entre les consommateurs. 10 est la vitesse de rotation de la monnaie, soit V. Supposons que le prix P des objets échangés soit de 2, et que 500 objets soient échangés. La valeur des échanges de la journée est donc 2 x 500 = 1000. Combien faut-il de pièces de monnaie de 1 euro, M, pour permettre les échanges ? Il en faut 100, car 100 pièces qui circulent 10 fois permettent de réaliser 1000 euros d’échanges. On obtient donc une relation comptable, une tautologie, que l’on va baptiser « équation monétaire » : MV=PQ.

Cette équation résume toute la théorie monétaire. Elle dit : la monnaie, multipliée par sa vitesse de circulation, est égale au niveau général des prix multiplié par le volume des transactions. Elle valut un prix Nobel à Milton Friedman. La monnaie fixe le niveau général des prix. Plus il y a de monnaie en circulation, plus les prix augmentent. Mais l’économie réelle, elle, ne bouge pas. La monnaie détermine seulement l’inflation : 10% de hausse de monnaie en volume conduira à 10% de hausse de prix, c’est mécanique. D’une équation comptable, on a fait une théorie niant l’impact de la monnaie sur l’économie. Tout se passe comme s’il y avait deux secteurs dans l’économie : le secteur réel, les entreprises, les usines, le travail, les consommateurs, et le secteur monétaire, une banque qui injecte de la monnaie et qui fixe les prix.

Petit aparté : toute la conception européenne de la Banque centrale, indépendante du pouvoir politique et interdite de recevoir des ordres des gouvernements, tient à la « neutralité » de la monnaie. La Banque centrale est là pour maintenir la valeur de la monnaie, éviter qu’il y ait trop d’inflation. Ne pas trop donner de monnaie revient donc à faire des économies, car plus il y a de monnaie, plus les prix augmentent. Cette obsession de la monnaie rare et forte relève de la neutralité, de la théorie classique (Ricardo, Friedman).

Ordre des débiteurs et ordre des créanciers  

Mais pourquoi faut-il que l’argent soit rare ? Nous retrouvons ici notre vieil ami, le problème économique, le problème de la rareté. Partout, les économistes promeuvent la rareté. L’argent rare sera cher, surévalué peut-être même. Qui a de l’argent ? Les riches, les épargnants, ceux qui ont pu accumuler ou hériter. Si le taux d’intérêt est élevé, le taux d’intérêt étant le prix de l’argent, l’argent est demandé, il s’évalue. Le capital est rare et cher. Les créanciers, les détenteurs d’argent, sont contents, tout comme les prêteurs et les rentiers sont contents. Les rentiers dont les loyers des maisons sont élevés. Les créanciers ont une certaine vision de l’ordre économique.

Qui sont ces créanciers ? Des personnes riches, âgées. À qui prêtent-ils ? À des personnes sans argent, des locataires ou des entrepreneurs, qui empruntent pour leur entreprise. Ce sont des débiteurs. Ils préfèrent que l’argent soit bon marché, et même qu’il se dévalue. L’inflation ruine les créanciers et enrichit les débiteurs. Un emprunteur, si la hausse des prix est constante, et si son salaire suit cette montée, rembourse de moins en moins. Alors que les salariés et les entrepreneurs sont contre l’argent cher, les épargnants et les rentiers sont pour.

Lorsqu’une activité est endettée et ne peut plus rembourser ses dettes par son activité, soit on la maintient sous perfusion en lui donnant d’autres crédits sans contrepartie, puisqu’il n’y aura pas de sa part création de richesses matérielles, soit on lui dit : « Fini ! Vous remboursez ! » Si elle ne rembourse pas, elle est mise en faillite, et avec la faillite s’opère un redéploiement de la propriété industrielle (ce que Schumpeter appelait la destruction créatrice) : l’ordre des créanciers décide de ce redéploiement. Plus de textile en France. Plus d’acier de basse qualité. En échange, se développent des services, des logiciels…

L’ordre des débiteurs, l’ordre économique du point de vue des débiteurs, est radicalement opposé à celui des créanciers. L’antagonisme débiteur-créancier est total : ce qui profite à l’un nuit à l’autre. La lutte des débiteurs et des créanciers, terrible, occulte, est une lutte pour la définition de la propriété industrielle : dans quels secteurs les entrepreneurs sont-ils autorisés à travailler par l’ordre des créanciers ? Ils peuvent se tourner vers Internet, par exemple, ce qui a créé une bulle énorme et un endettement terrible des entreprises comme Vivendi ou France Telecom. L’histoire économique est faite de ces affrontements.

En 1976 en France, le ministre Raymond Barre prend une décision historique : il décide que l’État paiera les intérêts de sa dette au-delà du taux d’inflation. Il dit : « Je place l’État au service des créanciers, des épargnants. Finie l’inflation qui érode le capital. Vive les rentiers ! » Fini l’ordre des salariés et des entrepreneurs, finies les Trente Glorieuses, la monnaie se renforce, le chômage augmente, les salaires stagnent, la rente réapparaît. Dix ans plus tard, en 2003, le partage du produit national s’est fait au profit des créanciers : 10% du PIB a basculé du côté du profit et de la rente. (…)

La mondialisation, d’une certaine manière, est un basculement de l’économie au profit des créanciers, des boursiers, des rentiers, des financiers. »

Source : Bernard Maris, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 206 s.

Citation n°7, de Bernard Maris :

La Banque de France

« La Banque de France était à l’origine une banque privée, dotée d’une assemblée ou d’un conseil de deux cents gros actionnaires. Ces deux cents actionnaires les plus puissants de la place de Paris ont donné naissance au mythe des « deux cents familles », les deux cents familles bourgeoises contrôlant l’argent en France et cimentant le « mur de l’argent », ce mûr contre lequel se heurtaient les gouvernements progressistes. Les régents de la Banque de France étaient recrutés dans les deux cents familles, les Mallet, Vernes, Rothschild, Hottinger, Wendel. La loi de Germinal an XI définissait la parité du franc par rapport à deux métaux, l’or et l’argent, la Banque de France devant, statutairement, garantir la solidité du franc, en contrôlant le volume de la création monétaire. En gros, la Banque suivait le principe du « tiers » : le crédit consenti à l’économie était égal à trois fois les réserves d’or et d’argent contenues dans les caisses. C’était une gestion prudente, et le franc germinal se révéla le plus solide de toutes les monnaies, résistant le dernier à la crise de 1929 et restant convertible en or jusqu’en 1926, alors que la livre, le dollar, le mark étaient depuis longtemps inconvertibles. (Déjà politique du franc ultra fort, déflationniste, qui fit dire à Keynes que « les français étaient des paysans assis sur leur tas d’or ».)

Mais les banquiers et les industriels du conseil de la Banque de France, contrôlant le crédit, contrôlaient d’une certaine manière la politique de la France. Ainsi l’État s’était ruiné après la guerre de 14. Les dépenses de reconstruction étaient importantes. Le chômage menaçait. La politique coloniale était coûteuse. Les dépenses à caractère social pointaient leur nez, l’éducation coûtait cher. En 1924, arrive au pouvoir le Cartel des gauches, qui demande des avances à la Banque de France pour boucler son budget. Une avance de la Banque de France à l’État, autrement dit au Trésor, se traduit dans le langage populaire par : « faire marcher la planche à billets ». Moreau, le régent de la Banque de France refuse. Herriot le radical, Président du Conseil, démissionne ! La Banque de France a fait chuter le gouvernement ! La gauche s’est fracassée sur le mur de l’argent !

En 1934, Pierre Laval, chef du gouvernement, et surtout Léon Blum, Président du conseil, en 1936, du gouvernement du Front Populaire, soumettent la Banque de France à la tutelle publique. Vincent Auriol, ministre des Finances du Front déclare : « Les banques je les ferme, les banquiers je les enferme ! » Il décrète le franc inconvertible. Les régents de la Banque de France, transformés en gouverneurs, et des sous-gouverneurs sont nommés par l’État. En 1945, le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, nationalise la Banque de France : c’est fini. En même temps, les trois grandes banques de dépôt, le Crédit Lyonnais, le Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP) et la Banque nationale pour le commerce et l’industrie (BNCI) sont nationalisées. Le crédit est sous tutelle publique. L’État a recouvré son autorité sur la monnaie, ce qui ne durera pas.

Retour de la création monétaire au privé

1945-1993 : presque un demi siècle de tutelle publique. En fait, l’État cesse de contrôler le crédit en 1983, lorsque le gouvernement socialiste décide d’arrimer le franc au mark, monnaie forte, de stabiliser la France dans l’Europe, et de laisser le contrôle du crédit et de l’émission monétaire (à nouveau !) à la Banque de France. L’État a donc contrôlé le crédit de 1934 à 1983, pendant cinquante ans.

En 1993, l’État prend acte de l’indépendance de la Banque de France par la loi de décembre. Désormais, le gouverneur est nommé mais ne peut plus être « démissionné » par l’État. Il est interdit à la Banque de France de financer le déficit du budget de l’État, autrement dit de faire marcher « la planche à billets ». Si l’État a besoin de sous, qu’il les emprunte et qu’il les rembourse ! Les nouveaux statuts de la Banque interdisent aux membres de son conseil (art. 1) « de solliciter ou d’accepter d’instruction du gouvernement ou de toute personne ». Et voilà. Le pouvoir politique est soumis. La dictature des rentiers a triomphé.

Les statuts de la Banque de France, calqués (et « aggravés » en quelque sorte) sur ceux de la Bundesbank, gardienne du temple de la monnaie forte, seront copiés par la Banque centrale européenne. L’ordre des créanciers règne en Europe.

Aux États-Unis, c’est l’inverse. La Banque fédérale de réserve est responsable devant le Congrès. La planche à billets fonctionne toujours. Le statut d’hyper puissance permet aux États-Unis d’accaparer, chaque année, les deux tiers de l’épargne nouvelle dans le monde, essentiellement en provenance de l’Europe et du Japon. Les États-Unis, souverains du monde, fonctionnent selon le principe régalien de la création monétaire.

Voilà une question essentielle d’économiste : qui fabrique l’argent qui nous fait vivre ? Au profit de qui ? Pour quelles activités ? De 1945 à 1976, l’État fabrique l’argent au profit de la reconstruction, puis de la croissance. Et puis, après cette très brève parenthèse du capitalisme, le privé reprend ses droits. »

Source : Bernard Maris, « Anti-manuel d’économie », éd. Bréal, oct. 2003, p. 221 s.

On comprend avec ce dernier extrait que rien n'est inéluctable et que la lutte politique permet de progresser.

Citation n°8, de Éric Dillies :

Naissance de la Banque d'Angleterre

« "Le passé est pour les économistes l'objet d'un mépris sans borne". Ainsi s'exprimait Tocqueville dans "L'Ancien Régime et la Révolution". En effet, s'il est un événement peu connu dans l'histoire économique, c'est bien celui de la naissance de la Banque d'Angleterre. Guillaume d'Orange, gendre de Jacques II qui s'était converti au catholicisme, usurpa le trône d'Angleterre après la Révolution de 1588.

Gaston Bardet écrit qu'"en 1694, Guillaume d'Orange, devenu Guillaume III d'Angleterre; n'avait plus d'argent pour payer son armée. Ce hollandais dont le succès avait été financé par les banquiers protestants de son pays, va — juste retour des choses — être pris dans l'engrenage des usuriers anglo-hollandais. Un syndicat d'usuriers, dirigé par William Paterson, lui proposa la combinaison suivante :

a)   Le syndicat privé avancera au gouvernement un prêt en or de 1 200 000 livres au taux de 6 %, le capital et l'intérêt étant garanti par l'État et payés en or ;

b)   En récompense, le syndicat privé a le droit de s'appeler Banque d'Angleterre ;

c)   Comme le syndicat se démunissait de tout son capital pour financer le prêt, il avait en échange le droit d'émettre et de négocier des billets à ordre jusqu'à concurrence des 1 200 000 livres prêtées en or à l'État".

Ainsi l'Angleterre fut le premier État à se départir de son droit régalien de battre monnaie au profit d'un "syndicat privé" (à l'intérieur duquel Isaac Newton était grand Maître de la monnaie), qui s'en arrogeait le droit contre un intérêt... financé par l'impôt.

Si l'on veut aller plus loin, l'une des causes fondamentales de la Révolution d'Indépendance des États-Unis fut provoquée en 1751 par l'Angleterre qui obligea ses colonies d'Amérique à utiliser dorénavant sa monnaie à intérêt au lieu de leur monnaie gratuite. Et d'après Benjamin Franklin "La Nouvelle Angleterre mit moins d'un an à passer de la plus extrême prospérité au plus extrême marasme".

Irruption de la monnaie de crédit dans la pensée économique

1) C'est certainement à l'œuvre de Clément Juglar (1859-1905) : "Des crises commerciales et de leurs retours périodiques", en 1860, que l'on doit la connaissance de la première intrusion de la monnaie de crédit dans l'économie.

En effet, Juglar constate que l'économie enchaîne des phases de croissance rapide et de récession en des cycles de 7 à 10 ans. Après avoir rejeté comme origine de crises, les saisons agricoles et climatiques, retenues par Jevons (1835-1882), il considère qu'elles sont le produit du mécanisme monétaire de l'économie de marché et des variations de la masse monétaire et du crédit. Ainsi, les banques prêtent au-delà de leurs encaisses métalliques grâce aux billets de banque jusqu'au jour où la confiance des agents économiques disparaît et entraîne la conversion de leurs avoirs en or. Cela entraîne des faillites de banques, la réduction drastique de la masse monétaire et la récession jusqu'au retour à l'équilibre.

On le voit, contrairement aux [sornettes et superstitions] classiques, l'équilibre économique est instable et la monnaie intervient directement dans l'économie.

2) Knut Wicksell (1859-1926), économiste suédois, est le premier à reconnaître l'importance du système bancaire dans l'offre de crédit. Il met en évidence que ce n'est pas l'épargne qui paie les investissements mais le crédit bancaire par la monnaie scripturale.

Il sépare épargne et investissement et montre que ce ne sont pas "les dépôts qui font les crédits mais les crédits qui font les dépôts", et démontre par là l'inanité de la loi de Say. Ce n'est pas l'offre qui crée sa propre demande, mais le crédit.

Je pourrais citer d'autres exemples qui ne feraient que confirmer l'intuition selon laquelle la monnaie n'est ni neutre, ni externe. Comme le pensait Schumpeter (1883-1950), par le crédit la monnaie est au commencement de l'économie capitaliste, et le banquier "est l'éphore de l'économie d'échange". "La monnaie préexiste aux marchés" rappelle Michel Aglietta.

(…)

D - Les instruments de la Banque Centrale

Le système est dit hiérarchisé car les agents économiques empruntent auprès de leurs banques secondaires qui se refinancent auprès de la Banque Centrale au taux de réescompte.

Il est appelé à réserves fractionnaires, car chaque banque secondaire doit avoir un compte auprès de la Banque Centrale où elle doit déposer des réserves, en monnaie fiduciaire, non rémunérées.

Et chaque emprunt nouveau de la part d'un agent économique doit être gagé pour partie en monnaie centrale (actuellement entre 1 et 5 %).

Pendant "les Trente Glorieuses", 80 % des financements accordés aux agents économiques (ménages et entreprises) se faisaient par le canal bancaire et permettaient un pilotage direct de la masse monétaire par la Banque Centrale.

Avec l'ouverture des marchés monétaires aux entreprises au début des années 80, les banques secondaires ont perdu leur monopole de financement. On a appelé cela la désintermédiation bancaire. La déréglementation des marchés sous la pression des firmes multinationales s'est faite sous le couvert du renouveau des idées libérales. En effet, l'ouverture des marchés financiers était perçue comme un moyen de limiter le niveau des taux d'intérêt, grâce à la concurrence, et d'assurer une allocation optimale des moyens de financement. La substitution s'est faite rapidement car les crédits bancaires ne représentent plus que 20 % du financement de l'économie.

Le seul instrument qui reste à la Banque Centrale pour piloter la politique monétaire est le taux d'intérêt ou taux directeur établi par les appels d'offre ou les prises en pension (l'appel d'offre est l'un des deux outils de la politique monétaire de la Banque Centrale). Deux fois par semaine, après consultation des banques, la Banque Centrale procède à l'achat ou à la vente sur les marchés financiers d'un certain volume de titres (bons du trésor) qu'elle échange contre de la monnaie au taux d'appel d'offre. La prise en pension est le deuxième outil de la politique monétaire. Au lieu d'acheter et de vendre des titres, la Banque Centrale peut "prendre en pension" pendant cinq à dix jours, des effets de commerce détenus par les banques en échange de la monnaie au taux de prise en pension).

Dans "La monnaie dévoilée", Galand et Grandjean étudient les conséquences du pilotage de la politique monétaire par les taux d'intérêts. En résumé, pour relancer l'activité, la Banque Centrale baisse les taux qui facilitent le crédit et dynamisent l'économie. Mais pour éviter l'emballement par le levier du crédit, la Banque Centrale va augmenter ses taux progressivement et rendre l'investissement non rentable, produisant par là même le retournement de conjoncture. Mais comme les effets de cette politique se font sentir dans une période de 6 à 18 mois, l'économie retombe en récession sans que la Banque Centrale puisse l'éviter.

Le cycle de ce "stop and go" est non seulement inefficace mais démontre l'instabilité intrinsèque de toutes économies financées par la monnaie d'endettement. À cela s'ajoute, dans une économie mondialisée où chaque pays s'endette de plus en plus avec l'extérieur, la contrainte du taux de change. Pour maintenir le taux de change, la Banque Centrale doit rendre attractive sa monnaie par des taux d'intérêt suffisamment élevés. La Banque Centrale doit donc arbitrer entre croissance économique et stabilité des changes.

Pour des raisons d'unification monétaire, Bérégovoy, Balladur et Juppé ont choisi la deuxième solution et ont jeté des millions de personnes dans la misère et la pauvreté, réduisant la politique économique au "traitement social du chômage".

Or, nous rappelle Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, le taux d'intérêt est la variable sociale par excellence, car plus il est élevé, plus il va récompenser les richesses accumulées au détriment des futurs créateurs de richesse qui ne pourront emprunter à cause de la cherté de l'argent. Il va déprécier le futur et lui préférer le présent en donnant de l'importance au passé. Il empêche toute mobilité sociale et renforce les inégalités.

Aussi, comme l'avait parfaitement compris Keynes, dans une économie d'endettement, il faut euthanasier le rentier-accumulateur au profit du débiteur-créateur par des taux d'intérêt nominaux inférieurs aux taux d'intérêt réels. Ce fut, entre autres, la politique des Trente Glorieuses.

E - Les marchés financiers

Il y a une quinzaine de jours, M. Kessler (celui du MEDEF, pas le grand écrivain) expliquait que les marchés financiers qui ont mauvaise presse, ne sont en fait que le marché mondialisé de l'allocation optimale de l'épargne de chacun d'entre nous. Ce n'est pas faux, mais est-ce seulement cela ?

Pour comprendre ce qui se cache derrière, faisons un peu d'histoire, chose que les économistes n'aiment pas, comme le rappelait Tocqueville.

Au sortir de la seconde guerre mondiale fut institué par les accords de Bretton-Woods, un système de change fixe reposant sur un dollar convertible en or (35 dollars l'once). Morgenthau, secrétaire au Trésor, avait voulu faire du dollar le reflet de la suprématie totale de l'Amérique dans le domaine politique, industriel et financier et "mettre le dollar au centre du système monétaire international" (Michel Aglietta, le FMI).

Il fallait, pour cela, "transférer le centre financier du monde de Londres et de Wall Street vers le gouvernement des États-Unis". Car, comme le rappelle Armand Van Bormael, dans La guerre des monnaies, après la crise de 29, "seul le contrôle de la politique monétaire et financière par les autorités pouvait assurer le plein-emploi, des prix stables et le bien être général". Et Morgenthau avait la ferme intention de "chasser les usuriers du Temple de la finance internationale".

Ce système a relativement bien fonctionné jusqu'à la fin des années cinquante, période de redémarrage des économies européennes favorisant les échanges, donc... des transactions financières. Les banques américaines répondant à la demande de médiation et de crédit de la part des entreprises européennes, installèrent des succursales en Europe, en particulier à la City de Londres où les contraintes financières étaient quasi inexistantes.

Ainsi, ces succursales émirent des lignes de crédits pour financer les entreprises et... les déficits publics des états européens. L'Eurodollar était né, c'est-à-dire des dollars émis de l'étranger et circulant à l'étranger en dehors du contrôle de la Federal Reserve.

L'apparition de l'eurodollar sur la scène internationale est équivalent à ce que fut, au XIXe siècle, l'apparition de la monnaie de crédit. On assista sur l'euromarché, libéré de toutes contraintes étatiques, au miracle de la multiplication des pains : un empilement gigantesque de moyens de paiement privés n'ayant comme contrepartie que "la plume du comptable" comme le rappelle Milton Friedman.

Face à la multiplication des Eurodollars, les États-Unis se retrouvèrent dans l'incapacité d'assurer la convertibilité en or du dollar, et le 15 août 1971, Richard Nixon décida de laisser flotter le dollar.

Avec la naissance de l'Eurodollar, les banquiers avaient remporté leur première victoire sur les États ; avec les changes flottants, ils venaient d'en remporter une seconde. En effet, avec l'instabilité des changes, chaque transaction internationale devenait périlleuse et obligeait chaque opérateur à s'assurer contre les risques de changes. Le marché des changes était né et procurait aux banquiers de confortables bénéfices d'un système qu'ils avaient instauré.

En 1965, les eurodollars représentaient 11 milliards de dollars, en 1972, 82 milliards, en 1980, 700 milliards. Aujourd'hui, " une masse de plus en plus monstrueuse de monnaie apatride en progression géométrique, dont le total dépasse 4 000 milliards de dollars, est animée de mouvement échappant à tout contrôle et à toute justification économique réelle ". Jean Remy, Aux sources de l'erreur libérale. Actuellement, le marché des changes totalise 1 500 milliards par jour et le montant des engagements de gré à gré sur les marchés dérivés atteint 72 000 milliards de dollars.

Comme le signale Maurice Allais, tout ceci ne fut rendu possible que par la multiplication des "faux-droits", par la création ex nihilo de moyens de paiement privés qui accaparent la planète. Pour conclure, je citerai Jean Remy parlant de l'internationalisation des monnaies rendues pleinement convertibles et donc privatisées : "cette privatisation bien que résultant de la volonté des États, porte en elle-même dans un effet de rétroaction, la destruction de leurs souverainetés".

 

V - Monnaie et Souveraineté

A - La souveraineté mondiale

Après ce survol rapide de l'évolution monétaire, nous voilà ramenés au dilemme de départ: la monnaie est-elle un bien public ou un bien privé ?

Face à cette privatisation du monde, deux postures se dégagent. La première est de dire que face à la mondialisation par le privé, il faut opposer une mondialisation par le public. Il faut faire, à l'échelle mondiale, ce qui s'est produit au début du XXe siècle et en particulier après la crise de 29 au niveau national : la Banque Centrale qui encadre et qui gouverne le crédit, donc le pouvoir financier. Les institutions pour accomplir cette mission existent déjà en germes, l'ONU pour édicter les règles de droit, le FMI, comme prêteur en dernier ressort. C'est la thèse de nombreux économistes dont Michel Aglietta est la figure emblématique.

La fonction de prêteur en dernier ressort est apparue à la fin du XVIIIe siècle et a été conceptualisée par Bagehot, banquier et économiste, en 1873. "En cas de crise, le prêteur en dernier ressort assure la liquidité des banques de second rang, de façon à leur permettre de faire face à leurs engagements. En se posant comme ultime recours dans les périodes de "courses à la liquidité", la Banque Centrale apporte au marché la régulation qu'il ne peut trouver en lui-même". Ruffini op. cit.

Cependant, cette gouvernance mondiale ne règle pas le problème de l'émission anarchique de crédit. Et comme le défend Maurice Allais, à la suite de Hayek et de Fisher, seule une couverture intégrale des dépôts à vue et a terme, peut mettre un terme à "la spéculation gigantesque que l'on constate [...] parce que l'on peut acheter sans payer et vendre sans détenir". C'est-à-dire que chaque crédit émis doit correspondre à une épargne correspondante.

Comme cette condition sine qua non pour assainir la finance n'est pas réclamée par les défenseurs de la gouvemance mondiale, ce droit exorbitant de prêteur en dernier ressort peut être assimilé à un pousse-au-crime : en effet, le banquier prête jusqu'au-delà du raisonnable, et la Banque Centrale intervient pour rembourser le créancier avec l'argent... des contribuables (cf. L'affaire du Crédit Lyonnais et des caisses d'épargne américaines).

Dans un tel système, le banquier peut s'écrier "pile je gagne, face tu perds". On appelle cela pudiquement l'aléa moral.

D'ailleurs, le FMI s'en est bien rendu compte, car dernièrement il a refusé d'intervenir dans l'affaire argentine, laissant les créanciers en face de leurs responsabilités.

L'autre reproche que l'on pourrait faire à cette thèse est : "Comment une autorité mondiale pourrait-elle s'imposer et faire respecter l'universalité de ses lois à des pays aussi différents, aux intérêts aussi divergents, sans l'avènement d'une puissance impériale ?" Les États-Unis pourraient éventuellement, à terme, assurer ce rôle, mais il faudrait une crise autrement plus grave que celle du 11 septembre.

Face à cette impasse idéologique, il faut faire un retour à l'État national.

 

B - Le droit régalien de battre monnaie

Il est de bon ton depuis la révolution monétariste initiée par Milton Friedman de reprendre le célèbre jugement de David Ricardo : "l'expérience prouve que toutes les fois que le gouvernement ou une banque ont eu la faculté illimitée d'émettre du papier-monnaie, ils en ont toujours abusé". Pour le courant monétariste, la monnaie est chose trop sérieuse pour la laisser entre les mains des gouvernants.

[Curieusement], cela ne semble pas heurter les monétaristes que ce pouvoir illimité ait été confié à des intérêts privés. Maurice Allais rappelle que "pendant des siècles, l'Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l'État de battre monnaie et le privilège exclusif d'en garder le bénéfice ; la république démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce privilège à des intérêts privés. Ce n'est pas le moindre paradoxe de notre époque".

Maurice Allais a démontré de manière définitive que l'origine de l'inflation est due essentiellement à la multiplication des moyens de paiement par la création ex nihilo dans les banques secondaires, entraînant l'inflation qui a détruit l'épargne dans les années soixante-dix. Si elle n'apparaît plus actuellement, c'est à cause des politiques restrictives menées depuis 20 ans, qui ont pour but de contracter la masse salariale, donc la demande solvable, mais elle est bien présente sur les marchés financiers.

Maurice Allais propose donc l'interdiction totale de toute création monétaire à l'intérieur des banques secondaires par le taux de couvertures intégrales des prêts, et l'exclusivité de l'émission monétaire à la Banque Centrale.

 

C - Conséquences pour notre économie

Il est un phénomène curieux qui ne cesse d'interroger les politiques et les économistes, c'est la progression croissante de la dette publique. De 79 milliards de francs en 1975, elle est passée à plus de 5 000 milliards en 2000. Elle est concomitante à la progression des marchés financiers.

Pourtant cela s'explique très facilement. Jusque dans les années soixante-dix, l'inflation était supérieure au taux d'intérêt, donc l'intérêt réel (intérêt nominal déduit de l'inflation) était négatif et favorisait le débiteur-investisseur face au créancier. Cela dynamisait l'économie car le poids de la dette diminue avec le temps.

Sous l'influence des idées monétaristes, les États se mirent à lutter contre cette inflation en augmentant considérablement les taux d'intérêt, rendant le taux d'intérêt réel positif. En 1973, une loi interdit tout concours de la Banque Centrale au trésor, c'est-à-dire pour 1'Etat de créer de la monnaie.

Face à ce renversement, les entreprises virent leurs projets devenir moins rentables, voire pas rentables du tout. La longue litanie de faillites et de chômage commença. Cette politique restrictive, dite aussi de désinflation compétitive, obligea les entreprises à augmenter leur autofinancement car elles ne pouvaient plus accéder au crédit devenu usuraire, en comprimant la masse salariale et diminuant par là même la demande solvable.

Comme la nature a horreur du vide, c'est l'État, contraint et forcé, qui se substituera au désendettement des entreprises et des ménages en voyant sa dette croître de manière géométrique, entre autres à cause de la montée inexorable du chômage.

Les États, pris dans le piège récessif firent appel aux marchés financiers pour emprunter, alourdissant par la charge des intérêts le poids de la dette. En 1995, les intérêts de la dette représentaient 19 % des recettes fiscales, soit 72 % de l'impôt sur le revenu.

En refusant d'exercer son droit régalien de battre monnaie, l'État s'est mis à l'encan [s’est vendu au plus offrant] des financiers au détriment de tous. Or comme l'enseigne Abraham Lincoln, "le privilège de créer de la monnaie est le plus opportun dessein d'un gouvernement. Par l'adoption de ces principes, le besoin ressenti depuis longtemps d'uniformiser la monnaie aux besoins sera satisfait. Les assujettis aux taxes seront libérés des intérêts. L'argent cessera d'être le maître pour devenir la servante de l'humanité".

 

D - Le caractère récessif de l'économie d'endettement

Il y a près de 80 ans, le Major Clifford Hugh Douglas, fondateur du "social credit movement" mettait en évidence avant la crise de 1929, par le théorème A + B, le caractère nécessairement récessif des économies d'endettement.

Chaque prix d'un bien se décompose en deux parties. L'une A, comprend les salaires et les revenus immédiatement disponibles. L'autre B, est formée des charges fixes, financières, sociales, fiscales et des bénéfices réinvestis. Elles ne sont pas immédiatement disponibles. Le prix du produit est formé de A + B, or seul A est immédiatement disponible. Donc pour acheter A + B, il faut faire appel au crédit. Et plus la production va croître et plus la dette va devenir pesante.

 

Tovy Grjebine, par sa "théorie séquentielle de la récession" qu'il expose dans Récession et Relance et Théories de la crise et politiques économiques arrive à la même conclusion. Il remarque cependant que dans une économie en croissance, tant que les agents économiques augmentent leurs endettements, la production peut être écoulée. Mais quand ils atteignent le seuil d'endettement, et ne peuvent plus aller au-delà, les stocks d'invendus se forment, l'économie entre en récession.

Toute croissance économique suppose une croissance de la masse monétaire similaire. Mais il est fondamental que cette croissance monétaire n'ait pas comme contrepartie une dette.

Il est intéressant de noter qu'Aristote est hostile à toute forme d'intérêt et qu'à l'origine, la monnaie est considérée comme un moyen d'éteindre la dette [cf. notre citation d'Aristote plus haut]. .

Grjebine considère alors que seul l'État est capable de changer les contreparties de la monnaie et opérer le désendettement de tous les agents économiques par la mise en place d'une monnaie libre et franche d'intérêt, en permanence au service de la communauté.

S'il est à la fois sain et nécessaire de désendetter notre économie, M. Grjebine signale que si 25 % des entreprises le faisaient en même temps, cela entraînerait l'effondrement de l'économie par la diminution drastique de la masse monétaire.

Toutes les études démontrent que la monnaie endogène ou de crédit est nécessaire pour stimuler l'économie mais qu'elle n'est qu'un palliatif qui se révèle à terme pire que le mal. Il faut donc remplacer la monnaie d'endettement par une monnaie permanente.

 

E - la politique de changement des contreparties de la monnaie

Initiateur et concepteur de la proposition de loi organique 157 déposée par l'intergroupe conjoncture à l'Assemblée Nationale en 1981, Tovy Grjebine proposait de stimuler le désendettement des agents économiques par des crédits d'impôt correspondants. Ce qui, nécessairement, entraînerait l'augmentation du déficit public qui serait compensé par une injection égale de monnaie de la Banque Centrale.

Il n'y aurait pas d'augmentation de la masse monétaire mais simplement changement des contreparties de la monnaie qui assainirait l'économie et diminuerait la charge des frais financiers. L'opération pourrait être renouvelée plusieurs années de suite, elle stimulerait l'économie. Des études prospectives ont été faites en France et aux États-Unis qui donnèrent comme résultat une croissance de 5 % par an et une éradication du chômage en une législature.

Malheureusement ce projet de loi ne fut examiné qu'en juillet 1981. Le nouveau gouvernement socialiste avait pris une autre voie dont chacun se souvient des pitoyables résultats.

 

Avant de conclure ce chapitre et d'aborder le dernier par un aperçu historique des politiques de relance par le désendettement, je citerai cette phrase de Marcel Macaire, professeur d'économie à Nanterre : "la création monétaire par la Banque Centrale est par nature une dette sans créancier puisque l'État se prête à lui-même. C'est parce qu'il se croit obligé d'en avoir, qu'il emprunte à d'autres que lui-même et crée de ce fait un déficit budgétaire. C'est cette méprise — et elle seule — qui crée la dramatique situation du chômage dans laquelle nous nous débattons aujourd'hui".

 

VI - Aperçu historique des politiques de relance

 

A - Moïse

Curieusement la première analyse sur la tyrannie de la dette et les moyens de s'en défaire se trouve dans le Lévitique 25, 10-11: Un des livres du Pentateuque que la tradition attribue à Moïse (treize siècles av. J-C). Il proclame l'extinction de toutes les dettes et la libération de tous les hébreux mis en esclavage pour cause de dettes tous les 49 ans, année du Jubilé. Ce texte n'est évidemment pas argumenté puisque c'est un décret divin, mais l'on ne peut qu'y constater sa pré-science dans une économie non monétaire.

Je signale qu'un gramme d'or épargné à la naissance de Jésus Christ à 3,25 % par an représenterait actuellement 6,1026 tonnes d'or, soit l'équivalent de la masse de la terre.

Deux économistes genevois, Dembinski et Bovin ont repris récemment l'idée jubilaire de remise des dettes et de créances dans Rapport moral sur l'argent dans le monde, 2000 (www.obsfin.ch).

 

B - L'Antiquité

Le monde grec traversa au VIIe siècle av. J-C. une crise qui fit croître les domaines des grands propriétaires terriens et réduisit les paysans pauvres à la misère et à l'esclavage pour dette. Constatant que l'armée athénienne se réduisait de manière dramatique (car seuls les hommes libres pouvaient combattre), Solon (640-561) libéra les athéniens mis en esclavage et éteignit toutes les dettes. Il procéda en même temps à une dévaluation de 30 % et développa l'artisanat en vue de l'exportation.

Petite ville au VIIe siècle, Athènes était devenue une ville prospère au début des guerres médiques (490-479). Mais, c'est à la suite de la découverte des nouveaux filons argentifères dans les mines du Laurion, qu'Athènes doit sa splendeur. En effet, cet afflux soudain de métal précieux fut utilisé par Thémistocle (524-459) en 483 pour la construction d'une flotte gigantesque de 200 trirèmes qui lui permit de remporter la victoire de Salamine en 480 contre les Perses. Il assurait à l'avenir l'hégémonie d'Athènes sur le monde grec jusqu'à la fin de la guerre du Péloponnèse en 404. La ville d'Athènes tirait l'essentiel de ses ressources de l'exploitation des mines lui procurant une richesse inégalée dont il reste encore actuellement tant de vestiges.

Face à l'afflux de richesses, les Athéniens étaient confrontés au danger de l'accumulation et de la thésaurisation. Ils l'évitèrent par une politique active de grands travaux (la construction du Pirée, de l'Acropole...) et par les lois de liturgie qui obligeaient les citoyens les plus riches et les métèques à des dépenses de service public dont la plus coûteuse était l'équipement des trières.

Il est intéressant de noter que la chute d'Athènes, d'après Thucydide, fut due à la trahison d'Alcibiade qui conseilla aux Spartiates d'occuper en 413 la Décélie qui contrôlait les mines du Laurion. Alcibiade ajouta "des richesses que compte le pays, la majeure partie vous reviendra" et du même coup, "les Athéniens se trouveront privés des revenus des mines d'argent du Laurion" [Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, chap. XCI].

À l'origine, Rome ne connaissait que la monnaie de bronze, l'as qui suffisait aux échanges de la cité. Mais à la fin du IIIe siècle, la deuxième guerre punique (218-202) contre Carthage entraîna des dépenses telles que Rome dut faire appel à l'emprunt privé. Dans l'incapacité de rembourser ses créanciers, Rome dévalua progressivement sur 16 ans des 5/6èmes de sa valeur, monétisant en grande partie l'Ager Publicus. Heureusement, la victoire souriait aux Romains qui s'accaparèrent les mines argentifères espagnoles de la région de Carthagène jusqu'alors sous domination carthaginoise qui rapportèrent à Rome 25 000 deniers d'argent par jour.

L'État romain conserva jusqu'à sa chute le monopole de la frappe des monnaies dont les quantités quintuplèrent annuellement entre 140 et 90 avant J.-C., pour se stabiliser jusqu'à l'avènement de l'Empire. Pour avoir un ordre de grandeur, quelques années de monnayages romains représentaient l'équivalent d'un siècle de monnayage athénien. Cependant, Rome connut de nombreuses crises d'endettement et de paiement, en particulier au 1er siècle avant notre ère, qui étaient souvent dues à des crises extérieures comme la guerre d'Asie contre Mithridate (89-85 av. J-C) qui entraînaient la perte de confiance, la rides publica, la thésaurisation et le manque de liquidités, l'inopia nummorum. L'État procédait alors à des injections massives par le canal des dépenses militaires, décidait un moratoire des dettes et octroyait des crédits d'impôt. L'équilibre serait rétabli avec la victoire par le butin ou le tribut. Ainsi l'Asie et la Grèce seront pressurées de telle manière que cela prendra des allures de cataclysme économique. Son " endettement " vis-à-vis de Rome était de 720 millions de deniers qu'il faut rapporter à ce que coûtait la distribution de blé annuelle à Rome, 15 millions, soit à peine 2 % de la dette de l'Asie.

Un autre phénomène intéressant est l'absence de dette publique à Rome. Différence notable avec l'Occident qui connut le problème insurmontable de la dette publique dès le début du XIVe siècle et créa une classe inconnue de l'Antiquité : les financiers.  Claude Nicolet dans Rendre à César, conclut que "l'absence de dette publique explique que les entreprises financières et le système de crédit ne se soient pas transformés à Rome". Rome ne connaissait pas la monnaie d'endettement.

L'observation de l'histoire monétaire nous montre que toute grande renaissance politique fut précédée par un afflux massif de numéraire. Le siècle d'Auguste, le "siècle d'or", fut financé par le pillage des temples égyptiens après la victoire d'Actium contre Marc-Antoine, la renaissance carolingienne par la découverte de mines d'argent en Dacie, la Renaissance par l'afflux d'or des Amériques, la révolution industrielle en Europe par la découverte des mines d'or de Californie...

 

 

C - L'époque contemporaine

Mais ceci s'est produit sous le régime de la monnaie métallique. Il en va autrement avec la monnaie d'endettement dont nous avons vu qu'elle résout le problème de l'écart récessionniste en le reportant dans le temps jusqu'au moment où est atteint le seuil d'endettement qui ne permet plus de l'utiliser, c'est alors la crise.

Or, la crise la plus exemplaire et qui a laissé le plus de traces dans la mémoire européenne est celle de 1929. Sans entrer dans les détails, son origine est due au rétablissement de la convertibilité du Franc et de la Livre en or en 1925-1928.

En effet, dans le système de Gold Exchange Standard, l'or se trouvait aux États-Unis et uniquement le dollar était convertible. Churchill et Poincaré en rétablissant la convertibilité de leur monnaie, échangèrent des dollars contre de l'or, ce qui diminua le stock aux USA, et qui par contrecoup réduisit la part de la monnaie permanente dans la masse monétaire. Les premiers signes d'essoufflement de l'économie américaine apparurent au début de 1929.

Malgré les discours rassurants, la production industrielle se mit à baisser. Dès septembre, la spéculation boursière financée essentiellement par le crédit bancaire commença à montrer des signes d'inquiétudes, les ventes s'accélérèrent et en octobre, le jeudi 24, les prix dévissèrent entraînant dans leur chute la faillite du système bancaire américain.

La répercussion en Europe ne se fit pas attendre, et dès les premières semaines de 1930, elle entrait en dépression. L'Allemagne et l'Autriche furent les plus touchées car leurs économies étaient extrêmement liées au secteur bancaire américain (qui avait prêté énormément par les plans Dawes et Joung décidés à la Conférence de Gênes en 1922. Il s'agit à l'époque de trouver une solution aux questions des réparations).

En 1931, la moitié du système bancaire allemand et autrichien avait fait faillite, entraînant une diminution formidable de la masse monétaire en jetant dans la misère des millions de personnes. En 1932, l'Allemagne connaîtra 7 millions de chômeurs, et 25 % de la population sera plongée dans la mendicité.

Face à l'incapacité de la République de Weimar et face au péril de la révolution bolchevique, les Allemands se jetèrent dans les bras d'Adolf Hitler en janvier 1933, seule planche de salut dans un monde qui venait de chavirer.

Ici apparaît un homme, ignoré de l'histoire économique et dont il faut remercier M. Grjebine d'avoir eu le courage de le ressusciter, M. Ernst Wagemann. Il rentrait des États-Unis, où il enseignait l'économie, avec une solution : ce que nous vivons actuellement est le contraire de l'hyper-inflation du début des années vingt où il y avait trop de monnaie en circulation par rapport à la production. Maintenant, nous sommes en déflation, il manque de la monnaie par rapport à la production. Il faut donc en émettre. La nouvelle équipe dirigeante fut séduite et Schacht, le magicien de la finance, fut chargé d'appliquer cette solution.

Il est intéressant de signaler que la préface de la Théorie Générale de J. M. Keynes, publiée en 1936, était consacrée à la politique du docteur Schacht et faisait l'apologie de la méthode de préfinancement de l'économie par le troisième Reich. Cette méthode était considérée par l'auteur comme le seul moyen efficace de lutter contre la crise et le chômage. Mais Keynes ne s'arrête pas là, et au cours de son ouvrage, il défend les thèses de Silvio Gessell et du major Cliford Hugh Douglas et pense qu'il y a encore beaucoup à trouver dans ces deux économistes qui sont restés dans l'anonymat.

En quoi consistait-elle ? L'État passa commande de travaux auprès des entreprises privées qu'il paya avec des bons de travail escomptables auprès de la Banque Centrale. Les entrepreneurs payèrent leurs salariés et leurs fournisseurs avec ces moyens de paiement, qui furent ensuite présentés et escomptés auprès d'une banque secondaire qui elle-même les présenta et se les fit escompter auprès de la Reichbank, qui ne se les fit jamais rembourser par l'État. L'État avait procédé à une émission ex nihilo de monnaie permanente. Les résultats ne se firent pas attendre ; en 1937 le chômage avait disparu, l'économie connaissait une croissance formidable et en 1938, l'Allemagne dut faire appel à de la main-d'ceuvre étrangère.

L'expérience venait de démontrer que l'argent n'est pas gagé parce qu'il y a derrière lui, mais parce qu'il y a devant, le travail et la production de la communauté.

En 1938, aux États-Unis, malgré les plans de relance par le déficit public, le chômage touchait encore 8 millions d'américains. Les bruits de bottes venant d'Europe se faisant entendre, le gouvernement fédéral décida la loi prêt-bail de financement de l'effort de guerre. Il émit des bons du trésor qui furent rachetés par la Federal Réserve. 20 % de l'effort de guerre furent financés par ce principe. En 1941, les États-Unis ne connaissaient plus le chômage.

D'autres expériences ont été menées depuis. Pendant les Trente Glorieuses parce qu'on appelle "le circuit du trésor", au Japon entre 1975 et 1980 et plus récemment aux États-Unis en 1991, la Federal Réserve a monétisé 100 milliards de dollars de bons du trésor dont chacun a pu mesurer les conséquences par l'expansion et le dynamisme de l'économie américaine pendant 7 ans.

 

Conclusion

Pour reprendre une métaphore chère aux Anciens, la monnaie est à l'économie ce que le sang est au corps humain; s'il en manque, c'est l'anémie, s'il y en a trop, c'est la congestion. Il ne viendrait à l'idée de personne d'emprunter son propre sang. Alors, il revient à l'État, pour le service du bien commun, d'assurer l'offre à la demande de monnaie pour qu'enfin l'économie soit au service de l'homme. »

 

 

Source : Éric Dillies, dans une synthèse passionnante intitulée « Monnaie et souveraineté » :  
http://fragments-diffusion.chez-alice.fr/monnaieetsouverainete.html.

(Extrait du Bulletin Science et  Foi n°64 et 65, 2e Trime 2002, CESHE France - B.P. 1055 - 59011 Lille cedex)

Il faut absolument lire les parties III à VI de ce document exceptionnel.

 

Citation n°9, de Jacques Généreux :

 

« L’acceptation du chômage et le culte de la désinflation

 

Le mal politique de l’époque n’est plus le chômage, c’est l’inflation. En effet, en 1979 aux États-Unis et en Grande-Bretagne, puis au début des années 1980 en Europe continentale, on fait le deuil de l’objectif du plein emploi qui faisait l’unanimité depuis des années 1940, pour se convertir au culte d’une nouvelle priorité, la désinflation.

Le fondement officiel de cette conversion est la nécessité d’être compétitif dans un monde où la concurrence internationale est de plus en plus vive.

En réalité, si tout le monde réduit son inflation, personne ne devient plus compétitif. On n’est donc contraint à la désinflation que parce que quelqu’un a initié le mouvement et que les autres sont obligés de s’aligner, non pas pour être plus compétitifs, mais pour éviter de l’être moins.

Si les pays n’avaient aucun intérêt propre à la désinflation, ils tenteraient probablement de se dissuader les uns des autres de se lancer dans une guerre des prix, exactement comme ils s’entendent pour éviter des pratiques de concurrence déloyale. Ainsi, quoique la concurrence internationale ait certainement joué un rôle, la conversion générale et rapide aux dogmes de la rigueur monétaire et de l’inflation minimale n’a pu se produire que parce qu’elle présentait un autre intérêt pour les élites dirigeantes. Mais lequel ? Pourquoi cette conversion est-elle désirée par les politiques ? Pourquoi est-elle somme toute acceptée par la société ? Pourquoi à ce moment-là et pas avant ? Si l’inflation est le mal absolu que l’on dénonce alors, pourquoi l’avoir toléré si longtemps ?

C’est que jusqu’alors, précisément, hormis les rentiers, tout le monde trouvait son compte dans les politiques d’expansion monétaire modérément inflationnistes.

D’abord, parce que les revenus nominaux des salariés et des entreprises progressaient plus vite que l’inflation.

Ensuite et surtout, parce qu’une telle politique monétaire se traduisait par des taux d’intérêt réels faibles ou négatifs, ce qui, pour faire simple, signifie que le crédit est gratuit, voire rapporte de l’argent à celui qui s’endette !

Cette politique très favorable à l’investissement et au financement bancaire des entreprises n’était pas moins avantageuse pour les ménages : ceux-ci pouvaient accéder plus vite aux biens d’équipement et devenir propriétaires de leur logement.

Les seuls vrais perdants de cette politique monétaire étaient ceux qui tiraient une part essentielle de leurs revenus de placements financiers : ne pouvant trouver dans les taux d’intérêt une rémunération stimulante, ils investissaient dans les actions des grandes sociétés cotées en Bourse. Mais, là aussi, leurs exigences en matière de rendement étaient limitées par celles des managers qui privilégiaient d’autres objectifs (croissance de la firme, prestige, etc.). Les dirigeants disposant d’un accès aisé au financement bancaire étaient relativement indépendants de leurs actionnaires.

D’autant que ces derniers, dans un espace financier réglementé et cloisonné à peu près partout dans le monde, n’avaient pas la liberté ni l’opportunité de chercher ailleurs des managers plus complaisants à leur égard. En un mot, les actionnaires n’étaient pas alors en position de force pour exiger les meilleurs dividendes.

Si les rentiers avaient donc, à l’évidence, intérêt au retournement des politiques monétaires en faveur de la désinflation et d’une meilleure rémunération de l’épargne, ils restèrent longtemps isolés dans une société qui tolérait l’inflation et jouissait du crédit gratuit.

Mais au tournant des années 1970-1980, leurs aspirations sont devenues celles de toute une génération de cadres économiques et politiques accédant alors au pouvoir.

Ces derniers appartenaient en effet aux classes aisées et intermédiaires qui, durant les Trente Glorieuses, avaient pu constituer un patrimoine immobilier et une épargne financière, grâce à la progression des revenus et à la faiblesse des taux d’intérêt.

Mais une fois leur patrimoine constitué, les quadragénaires et quinquagénaires des années 1970-1980 n’avaient plus besoin du crédit gratuit. Ils espéraient au contraire des taux d’intérêt plus élevés qui rémunéreraient mieux leur épargne. L’inflation n’avait plus à leurs yeux la moindre vertu, tandis qu’elle érodait la valeur réelle de leur patrimoine. Aussi devint-elle un souci majeur dans les années 1970 (…) »

 

Source : Jacques Généreux, professeur d’économie à Sciences Po, La Dissociété, Seuil, 2006).

Il faut absolument lire ce livre formidable : c’est un chef-d’œuvre de clarté et de pédagogie.        
Chaque paragraphe est important, du début à la fin.

 

 

 

 

Ainsi, l’âge et la fortune des hommes au pouvoir permet de comprendre enfin pourquoi la misère perdure pour le plus grand nombre !

 

Je ne peux m’empêcher de penser au tirage au sort comme une véritable panacée juridique pour nous affranchir des effets pervers de l’élection qui est largement une illusion, celle de dominer nos maîtres en les désignant… Pure illusion, à l’expérience des faits.

 

Si vous avez des infos complémentaires sur ce scandale du hara-kiri monétaire accepté discrètement par les politiciens de métier, vous êtes bien sûr les bienvenus :o)       
Vous pouvez réagir, critiquer ou compléter ces idées sur la partie ‘blog’ de ce site :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2007/05/01/72-non-ce-n-est-pas-trop-cher-le-financement-des-besoins-collectifs-est-rendu-sciemment-ruineux

 

Surtout, ne ratez pas le très précieux http://www.fauxmonnayeurs.org/

 


 

Le projet de "TRAITÉ MODIFICATIF" du Conseil européen : le viol politique reprend son cours habituel : les chefs d'État violentent leurs peuples (26 juin 2007) (Lien)

Je viens de lire le projet de "traité modificatif" du Conseil européen et j’en ai encore des bosses sur la tête. Tout d’abord il faut expliquer qu’il s’agit d’une feuille de route, ce n’est pas encore un nouveau Traité. Il faut être prudent sur la critique car on ne connaît pas encore le contenu du  futur document. Mais en lisant cette simple feuille de route, j’ai sursauté à tous les paragraphes. Il est souvent répété dans ce document que les travaux de la Convention Giscard de 2004 devront être intégrés dans le Traité. Cela signifie tout simplement que le Traité constitutionnel Européen, celui qui a été conçu par la Convention Giscard et qui a été expressément refusé par les Français et les Hollandais, à quelques détails près, va nous être imposé par la voie parlementaire.

J'analyse cette démarche autoritaire des exécutifs contre leur propre peuple comme une reprise du viol politique qui dure depuis cinquante ans — et qui n'a été interrompu que par les cris de la victime le 29 mai 2005, le temps qu'on lui remette rapidement son bâillon.

Dans le détail du texte, c’est indéniable, il y a un certain nombre de changements. Mais c'est surtout le fait d’évolution de la terminologie pour effacer l'idée qu'il s'agirait d'une constitution. Ainsi les termes de « loi » et « loi cadre » sont abandonnés au profit de « règlements » et « directives » qui n’évoquent pas ce coté institutionnel, et l'usage du mot "Constitution" est expressément proscrit. Mais ce sont des détails, des manoeuvres rhétoriques.

En réalité, ce texte est un danger pour ce qu'il dit,  mais aussi pour ce qu’il ne dit pas : il ne permet toujours pas le contrôle des pouvoirs (personne n'est responsable de ses actes dans les institutions européennes) ; l'exécutif bénéficie toujours de la même confusion des pouvoirs sur des sujets cachés (sous le nom trompeur d'"actes non législatifs" et de "procédures législatives spéciales", art. I-34 et I-35 du TCE) ; il laisse perdurer l'extravagante dépendance des juges européens envers les exécutifs qui les nomment (art. I-29.2), et n'organise pas l'indépendance des médias ; la Banque centrale y a toujours une mission chômagène favorable aux rentiers (I-30.3) ; les citoyens y sont toujours aussi impuissants contre les abus de pouvoir ; etc.

En fait, le plus important dans cette affaire est soigneusement éludé dans les débats par les politiciens de métier, vous le constaterez : les hommes ont inventé le concept de Constitution non pas pour organiser les pouvoirs (qui sont bien capables de s'organiser tout seuls) mais pour affaiblir les pouvoirs, pour les diviser, pour les contrôler. Ceci est essentiel.

Donc, de la même façon que ce n'est pas l'étiquette "Constitution" qui est dangereuse pour les citoyens, ce n'est pas l'absence d'étiquette "Constitution" qui peut nous rassurer : ces institutions, par les pouvoirs qu'elles mettent en place, SONT une Constitution PAR NATURE et elles sont, par là même, dangereuses pour tous ceux qui vont obéir à ces pouvoirs ; et nous sommes bien fous de laisser les exécutifs écrire eux-mêmes les limites et les contrôles de leurs propres pouvoirs.

En proclamant que leur texte "n'est plus une constitution", les auteurs sont doublement en situation d'abus de pouvoir caractérisé : il ne leur appartient pas d'écrire ce texte — la Conférence Inter Gouvernementale (CIG) est profondément illégitime dans ce rôle — et il ne leur appartient pas davantage de le requalifier. Ce processus malhonnête est un coup d'État de nos propres exécutifs contre les principes de base de la démocratie.

 

Vous pouvez réagir (sur le site www.marianne2007.info) :
http://www.marianne2007.info/Etienne-Chouard-Avec-le-traite-modificatif,-les-chefs-d-etat-violentent-leurs-peuples-_a1625.html

 

 


 

Plaidoyer pour un peuple constituant et vigilant  (31 mars 9 avril 2007) (Lien)

Chers amis, je résume ici, sur une page, ma critique de nos soi-disant « démocraties » :

C’est aux Citoyens d’écrire eux-mêmes leur Constitution et ensuite de la protéger.
Pour rester libres, les citoyens doivent toujours rester vigilants à l’encontre des pouvoirs.


1      La démocratie est une réponse des hommes au problème qu’ils ont avec les pouvoirs.

2      En effet, sans exception, le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument.

3      Depuis la nuit des temps, aussi vertueux soient-ils au départ, tous les hommes au pouvoir « changent » et finissent par abuser de ce pouvoir, s’ils restent longtemps au pouvoir.

4      Tous les pouvoirs, et notamment les exécutifs (les gouvernements), tendent à « s’autonomiser », c’est-à-dire à concentrer le plus possible de pouvoirs et surtout à s’affranchir de tout contrôle rigoureux.

5      Donc, pour les humains, les pouvoirs sont à la fois nécessaires et dangereux.

6      C’est pourquoi les gouvernés ont imposé à leurs gouvernants de signer un pacte, appelé « Constitution », qui institue les pouvoirs et qui fixe s